Interviewée récemment par un journaliste de Croissance sur l'impact du rapport annuel du PNUD (1)
sur le public, force m'a été de reconnaître qu'il était quasi inexistant, en raison de sa très faible diffusion. Faible diffusion du rapport,
ce qui peut s'expliquer par sa longueur - 250 pages -. Faible diffusion également, car même son contenu, ou un résumé de son contenu est très
faiblement répercuté par les médias (2).
Internet paraît donc un canal particulièrement adapté pour une large diffusion de quelques données de ce rapport.
Le coeur de la préoccupation du PNUD dans son Rapport mondial sur le développement humain de 1998 est de
"Modifier les modes de consommation d'aujourd'hui pour le développement humain de demain".
Le rapport commence par attirer l'attention sur les dangers d'une consommation incontrôlée - sinon par la publicité...
Les aspects négatifs de la consommation peuvent être intrinsèques ou externes. Si l'on examine la consommation en elle-même,
les principaux éléments négatifs viennent de la consommation inégalitaire - inégalités entre les individus au sein d'un même Etat,
inégalités entre les Etats - ou d'une consommation déséquilibrée - c'est à dire d'une consommation négligeant la satisfaction des besoins
essentiels au profit d'une consommation ostentatoire. Mais la consommation de biens implique aussi que ces biens soient produits et la
consommation est ainsi indissociable du processus de production. La consommation peut également jouer un rôle négatif par son
impact extérieur sur les conditions de production : les principaux risques sont que l'accroissement de la production entraîne un
accroissement massif de la pollution, ou que l'accroissement de la consommation favorise la production des biens dans les pays développés
au détriment de ceux que l'on peut appeler à la suite du rapport du PNUD "les producteurs pauvres". Les deux types de déséquilibres évidemment se
cumulent souvent dans la mesure où par exemple la dégradation de l'environnement frappe principalement les pauvres.
Le rapport cherche à faire un bilan du passé, avant de tracer quelques perspectives d'avenir ou suggérer des pistes pour un
développement durable et juste.
En ce qui concerne le bilan, qu'il nous suffise de reproduire un large extrait du rapport, qui ne nécessite guère de commentaires :
"Les inégalités dans la consommation sont criantes. A l'échelle mondiale, les 20 % d'êtres humains vivant dans les pays les plus riches
se partagent 86 % de la consommation privée totale, contre une part infime - 1,3 % - pour les 20 % vivant dans les pays les plus pauvres. Plus
précisément, les 20 % les plus riches :
- mangent 45 % de la viande et du poisson consommés dans le monde, contre 5 % pour les 20 % les plus pauvres,
- consomment 58 % du total de l'énergie mondiale, contre moins de 4 % pour les 20 % les plus pauvres,
- disposent de 74 % des lignes téléphoniques (contre 1,5 %),
- consomment 84 % du papier utilisé dans le monde (contre 1,1 %),
- possèdent 87 % des véhicules circulant dans le monde (contre moins de 1 % pour les 20 % les plus pauvres)." (p. 2)
(...)
"- Les 20 % de la population mondiale vivant dans les pays les plus riches sont responsables de 53 % des émissions de dioxyde de carbone,
contre 3 % pour les 20 % habitant les pays les plus pauvres.
(...)
- La déforestation touche avant tout les pays en développement. Depuis 20 ans, l'Amérique latine et les Caraïbes ont perdu 7 millions d'hectares de forêts
tropicales, contre 4 en Asie et en Afrique subsaharienne. La plus grande partie de cet appauvrissement est due à la demande de bois et de papier,
qui a respectivement quadruplé et quintuplé depuis 1950. Cependant, plus de la moitié du bois et près des trois quarts du papier consommés
dans le monde le sont dans les pays industrialisés.
Les pauvres sont les personnes plus exposées aux effluents gazeux et à la pollution des cours d'eau et les moins à même de s'en protéger.
On estime à 2,7 millions le nombre de décès dus chaque année à la pollution de l'air, dont 2,2 millions pour la pollution à l'intérieur des bâtiments.
Quelque 80 % des victimes sont des personnes pauvres vivant en milieu rural dans les pays en développement. La fumée dégagée par la combustion du bois
de feu et des excréments animaux est plus dangereuse pour la santé que celle du tabac. Pourtant, jour après jour, des millions de femmes sont condamnées
à passer des heures à cuisiner au moyen de tels combustibles." (p. 5)
(...)
"Dans quelques 70 pays, où vivent près d'un milliard de personnes, le niveau de consommation est aujourd'hui inférieur à ce qu'il était il y a 25 ans." (p. 8)
A parti d'un tel constat, quelles peuvent être les perspectives d'avenir ?
Le rapport du PNUD semble moins convainquant dans ce domaine que dans celui du constat. Certes le PNUD ne suggère pas un
ralentissement de la consommation, mais plutôt une réorientation afin que les conséquences sur les inégalités dans le monde et sur l'environnement soient positives.
Cette réorientation cependant semble plutôt relever de la politique du "y a qu'à", de l'incantation, que de la mise en évidence d'actions précises.
Là n'est pas, à notre avis, l'intérêt principal de ce rapport.
Son utilité fondamentale, sa véritable raison d'être réside dans son rôle d'éveilleur des consciences, de celles de la société civile,
comme de celles des gouvernants, afin que chacun, à sa place et avec ses moyens, sache faire le bon choix, pour que l'accroissement de la consommation rime avec
le développement de tous, qu'il s'agisse des hommes et des femmes d'aujourd'hui ou de demain.
15 octobre 1998
© 1998 Brigitte Stern. Tous droits réservés.
STERN B. - "Les chiffres de la honte. A propos du Rapport mondial sur le développement humain du PNUD". - Actualité et Droit International, novembre 1998 (http://www.ridi.org/adi).