LE NOUVEL ORDRE MONDIAL
par Patrice Despretz
J'avoue ne plus très bien comprendre ce qu'il se passe.
Pendant la Guerre froide, les choses étaient claires : le Conseil de sécurité était paralysé par la menace systématique d'utilisation du droit de veto.
Les grands problèmes de ce monde étaient réglés par consensus, selon des zones d'influence pré-déterminées. Puis vint la chute du mur de Berlin.
En dix ans, le Conseil adopte autant de résolutions que pendant les quarante années précédentes. On intervient partout et pour tout, à grand renfort
de sponsoring. Les Etats-Unis, soutenus par CNN, se dégagent comme la grande puissance d'un monde uni-polaire. L'abstention remplace le droit de veto.
Les somaliens se voient même servir du riz par les plus grands. Certes, le lait en poudre n'est pas la panacée dans un monde victime de la sécheresse, mais l'intention est là.
Les multinationales pénètrent de nouveaux marchés sans même un petit plan Marshall.
Bref, les méchants n'ont plus qu'à bien se tenir. Saddam Hussein, qui pensait profiter de l'aubaine, n'est finalement qu'un pion sur l'échiquier géostratégique de la Pax americana.
Mais aujourd'hui, il pérore : les américains n'ont plus de bombes. Il s'amuse donc à poser ses conditions. Et ce d'autant que les américains ont la finesse de lancer leurs toutes dernières bombes
pendant la toute première demi-heure du Ramadan. Les arabes ne sont pas du genre à apprécier cet inutile manque de respect. Ils sont tout à coup moins virulents contre les irakiens. Ces derniers en profitent-ils ?
Bien sûr que non ! Saddam Hussein demande même aux peuples arabes de chasser leurs dirigeants. En aurait-il assez du pouvoir ?
Pendant ce temps, Madeleine Albright développe un nouveau concept d'organisation internationale calqué sur la libre entreprise. L'OTAN devient le bras armé des Etats-Unis.
Elle ne doit surtout pas être une filiale de l'ONU. En effet, que deviendrait une organisation qui ne respecte pas son propre mandat si elle devait en plus respecter la Charte des Nations Unies !
Donc, elle tente de faire la police au Kosovo et bombe le torse en toute illicéité. Les serbes reculent, ouf, mais pour mieux massacrer les civils kosovars. Les américains ne pouvaient
rêver meilleur prétexte pour enfin intervenir. Même les russes hésiteraient, dans de telles conditions, à s'y opposer. L'OTAN va donc intervenir.
Ah non, j'oubliais, ils n'ont plus de bombes... Pourvu que les serbes ne lisent pas les revues américaines : ils pourraient l'apprendre.
Heureusement, le TPIY s'est saisi de l'affaire. Dès que les autorités serbes auront délivré les visas, les tentatives d'arrestation des grands criminels vont pouvoir donner le change. Il n'y a que les soldats français qui ne jouent pas à être morts.
17 janvier 1999
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