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LA SECONDE LECTURE DU PROJET D'ARTICLES SUR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS :
UN RAPPORT D'ÉTAPE
(*)

par
James Crawford (**) et Pierre Bodeau (***)



Les progrès réalisés afin de respecter le calendrier de la seconde lecture

Lors de la 49ème session de la Commission du droit international, tenue en 1997, le sujet de la responsabilité des Etats a donné lieu à d'importantes décisions. La Commission a adopté un nouveau calendrier de manière à pouvoir achever la seconde lecture du projet d'articles avant la fin du quinquennat (2001). Elle a également identifié trois questions méritant une attention particulière : les crimes internationaux, le régime des contre-mesures et le règlement des différends. Lors de la 50ème session, le nouveau Rapporteur spécial, James Crawford, a présenté à la Commission son premier rapport sur le sujet. Après avoir traité d'un certain nombre de problèmes généraux relatifs au projet d'articles, il aborde la question controversée de la distinction établie dans l'article 19 entre les crimes et les délits internationaux. Puis il commence la révision des articles de la première Partie du projet par l'étude des Chapitres I et II (articles 1 à 15), qui ont été ensuite examinés lors de la session par le Comité de rédaction.

La forme définitive du projet d'articles

Au nombre des problèmes généraux que soulève le projet d'articles, la question de la forme qu'il devrait prendre est évidemment essentielle : doit-il, en particulier, être proposé au titre d'une convention ouverte à ratification ou d'une déclaration de principes que pourrait adopter l'Assemblée générale ? Il n'est pas envisageable, néanmoins, de parvenir à une décision définitive sur ce point tant que le champ et le contenu du projet ne sont pas clarifiés et certaines questions-clé résolues. C'est pourquoi le Rapporteur spécial a proposé de laisser, pour le moment, le problème en suspens.

Les crimes et délits internationaux

Pour ce qui touche à la distinction établie entre responsabilité "pénale" et "délictuelle", le Rapporteur spécial a mis en avant cinq approches possibles.

  1. La première possibilité consiste à conserver l'approche développée dans le projet d'articles en première lecture. Mais cette solution du statu quo n'a pas reçu d'appui au sein de la Commission, même parmi ceux de ses membres (une minorité importante) qui se déclarent favorables à la notion de crimes internationaux de l'Etat. Ainsi, l'énumération illustrative des crimes dans l'article 19, paragraphe 3, a fait l'objet de vives critiques. En outre, le projet d'articles, tel qu'il se présente actuellement, ne prévoit pas de manière adéquate les conséquences des crimes internationaux.

  2. Une deuxième approche réside dans la "criminalisation" de la responsabilité des Etats, dans l'établissement d'un régime d'envergure pour les crimes de l'Etat, fixant les conséquences graves appropriées ainsi que les procédures collectives nécessaires. La notion même de crime implique l'existence d'une procédure collective de détermination de la responsabilité pénale et d'imposition de sanctions. Le système qu'a vaillamment tenté d'instituer le précédent Rapporteur spécial, le Professeur Arangio-Ruiz, n'a reçu que peu de soutiens et soulève des questions délicates quant à sa relation avec les mécanismes pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales instaurés par la Charte. Tel qu'il a été adopté en 1996 (après le rejet de la proposition d'Arangio-Ruiz), le projet d'articles ne satisfait aucune des conditions nécessaires à l'instauration d'une responsabilité pénale des Etats au sens propre du terme. Entre autres lacunes, il ne fournit pas de définition adéquate des crimes internationaux de l'Etat et ne détermine ni les incidences procédurales particulières ni les conséquences substantielles que les crimes devraient entraîner. A titre d'exemple, la notion de réparation "punitive" n'est abordée nulle part dans le projet, alors même qu'elle apparaît comme une conséquence minimale des crimes entendus au sens propre.

  3. La troisième éventualité est d'exclure complètement la possibilité de crimes d'Etat, en supprimant entièrement l'article 19 et les dispositions qui s'y rapportent. Dans leurs observations, un certain nombre d'Etats appuient cette approche, avec plus ou moins d'insistance, mais beaucoup d'autres s'y opposent. Le nombre des Etats en faveur de la distinction établie dans l'article 19 ainsi que le besoin croissant qui s'exprime dans différents systèmes juridiques de voir se développer le concept de responsabilité pénale des personnes morales militent contre cette solution.

  4. La substitution de la notion de "faits illicites d'une exceptionnelle gravité" à celle de "crimes internationaux" présenterait certains avantages. Les implications pénales du terme "crime" et le risque d'une confusion conceptuelle et terminologique avec les utilisations ordinaires de cette notion dans les systèmes juridiques internes pourraient ainsi être évités. Mais le problème réside dans le caractère équivoque du concept de "faits illicites d'une exceptionnelle gravité". Pour ceux qui le comprennent comme une catégorie distincte et limitée à certaines normes fondamentales, il ne s'agit que d'un substitut aux crimes internationaux de l'Etat, des crimes qui n'osent pas dire leur nom. Pour ceux qui y voient seulement l'énoncé des formes aggravées de faits illicites, sans numerus clausus quant aux normes violées, le concept demeure assez anodin mais souffre tout autant d'une absence d'identité spécifique. L'établissement d'un compromis terminologique entre ces deux positions ne serait pas satisfaisant.

  5. La cinquième hypothèse est de chercher à diviser la notion de crime en différentes parties. La responsabilité des Etats ne peut plus être considérée comme exclusivement bilatérale, ainsi que la Cour l'a relevé dans l'Affaire de la Barcelona Traction, mais les divers éléments qui donnent corps ensemble à l'idée d'appréhension multilatérale des violations du droit international peuvent être distingués et développés sans que soit utilisé un terme ou un concept unique tel que celui de "crime". Dans cette perspective, le problème pourrait être résolu à travers l'élaboration de concepts tels que la violation des obligations erga omnes et des normes de jus cogens.

A la suite d'un débat approfondi et même passionné, il a été décidé que le projet d'articles devait indubitablement couvrir les violations les plus graves des obligations internationales, y compris des plus importantes d'entre elles, mais qu'il fallait tenter de nouveau de développer ces concepts au sein du projet d'articles sans revenir, pour le moment, au terme problématique de "crimes". La Commission reprendra ses vastes débats sur la question lors de sa prochaine session.

L'examen des articles 1 à 15

En ce qui concerne la révision du projet d'articles, la pratique habituelle de la Commission est d'adopter, en seconde lecture, les articles dans leur ensemble. Partant, la structure du projet comme la place et le contenu des différents articles examinés en 1998 peuvent encore être reconsidérés et modifiés.

Mises à part la suppression de l'article 2 et quelques modifications mineures dans l'article 4 visant à y souligner le rôle décisif du droit international, le Chapitre premier reste identique en substance. Le rapport relève que les articles 1er et 3 sont des dispositions essentielles qui posent les principes de définition fondamentaux sans faire référence aux questions du dommage ou de la faute, ni aux Etats ou personnes lésés.

Des modifications plus substantielles ont été proposées à l'égard du Chapitre II, qui porte sur l'attribution d'un comportement à l'Etat ; elles ont été provisoirement acceptées par le Comité de rédaction. Il est par exemple inutile, et même trompeur, de maintenir dans le projet des articles simplement explicatifs (comme les articles 6 et 7, paragraphe 1) ou des articles d'"attribution négative", i. e. précisant les circonstances dans lesquelles un comportement n'est pas attribuable (articles 11 à 14). Ces dispositions ont été supprimées et leur contenu inclus dans d'autres articles ou dans les commentaires, en tant que de besoin. Dans le même temps, de nouvelles dispositions ont été insérées dans le projet. La première est une clause de sauvegarde qui réserve la question de la responsabilité des organisations internationales ou pour leur comportement. La seconde traite d'une autre hypothèse d'attribution, abordée notamment dans l'Affaire des Otages, dans laquelle un Etat entérine et fait sien un comportement particulier.

Les autres articles ont été conservés, parfois avec des modifications notables. Ainsi, l'article 5 a été complété d'un second paragraphe, qui souligne le rôle décisif, mais non exclusif, du droit interne afin de déterminer si une entité est un "organe" de l'Etat. L'article 8, paragraphe 1 a également été réécrit de manière à inclure expressément le cas d'un comportement adopté sous la direction et le contrôle d'un organe de l'Etat. L'ancien article 8, paragraphe 2 (traitant de ce que l'on peut appeler les fonctionnaires de fait) constitue à présent un article à part entière.

Les Chapitres suivants de la première Partie et certains aspects de la deuxième Partie doivent être examinés lors de la 51ème session, en 1999.

15 janvier 1999

* * *

Sites à consulter :

  • Commission du droit international
    Rapport sur les travaux de la cinquantième session (Premier Rapport du nouveau Rapporteur spécial James Crawford) - Liste complète des documents de travail.
  • University of Cambridge - Lauterpacht Research Centre for International Law - State Responsibility Project pour avoir des documents et des analyses supplémentaires.

    © 1999 James Crawford et Pierre Bodeau. Tous droits réservés.

    CRAWFORD J. et BODEAU P. - "La seconde lecture du projet d'articles sur la responsabilité des Etats : un rapport d'étape". - Actualité et Droit International, janvier 1999 (http://www.ridi.org/adi).


    NOTES

    (*) Cet article est la traduction, par ses auteurs et pour la revue, d'une note rédigée en anglais pour la revue de l'Association du droit international, International Law Forum, Volume 1, numéro 1 (à paraître). (retour au texte)
    (**) Professeur de droit international, titulaire de la chaire Whewell à l'Université de Cambridge ; Membre de la C.D.I. et Rapporteur spécial sur la responsabilité des Etats. (retour au texte)
    (***) Doctorant, Université Paris X-Nanterre ; Chercheur attaché au Lauterpacht Research Centre for International Law, Université de Cambridge, dans le cadre du projet sur la responsabilité des Etats. Les travaux menés dans le cadre de ce projet sont soutenus par le Leverhulme Trust. Pour accéder au premier rapport, aux commentaires des Etats ainsi qu'à d'autres documents relatifs au projet d'articles, voir le site internet consacré à la responsabilité des Etats : http://www.law.cam.ac.uk/RCIL/home.htm. (retour au texte)
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