LE BILAN CONTRASTE DE LA QUATRIÈME CONFÉRENCE DES PARTIES A LA CONVENTION DES NATIONS UNIES SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
par
Thierry Vaissière (*)
Doctorant au CEDIN - Paris 1
Université de Paris 1 - Panthéon-Sorbonne
Résumé : La quatrième conférence des parties à la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques s'est tenue à Buenos Aires du 2 au 14 novembre 1998.
On peut en tirer un bilan contrasté. D'une part, la signature du Protocole de Kyoto, l'an passé, avait laissé penser que la Convention allait enfin trouver à s'appliquer,
même si les enjeux sur lesquels les négociations n'ont pas aboutis cette année étaient connus, et avaient failli conduire les négociations de Kyoto à un échec.
Le contenu de la majeure partie du rapport des décisions prises par la Conférence des parties concerne l'élaboration de plans de travail. D'autre part, la Conférence des parties
s'est penchée sur un point qui nous paraît d'une importance fondamentale, et qui concerne le contrôle de l'application de la Convention. C'est ainsi que la Conférence a institué l'établissement d'une procédure de consultation multilatérale pour contrôler l'application de la Convention.
|
Introduction : les enjeux de la quatrième Conférence des Parties
La quatrième Conférence des parties à la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques (1) s'est déroulée à Buenos Aires en Argentine, du 2 au 14 novembre 1998 (2). La troisième Conférence des parties, qui s'était tenue à Kyoto au Japon (la troisième Conférence des parties s'était déroulée à Kyoto du 1er au 10 décembre 1997), à peu près un an auparavant, avait laissé espérer que la Convention sur les changements climatiques allait enfin devenir autre chose qu'un instrument juridique inopérant se bornant à formuler une série de principes sans effets (3). Cette troisième Conférence des parties avait abouti à la conclusion du Protocole de Kyoto, qui prévoit des dispositions contraignantes, déterminées par une liste exhaustive (4), à l'égard d'un certain nombre d'Etats parties - les pays développés -. Les enjeux de la présente Conférence avait déjà fait l'objet d'âpres débats lors de la troisième Conférence, et il était possible que la Conférence de Buenos Aires se solde par un échec, ce qui a été presque le cas, dans la mesure où aucun des points importants qui devaient être résolus ne l'a été. Cependant, la Conférence des parties a institué une procédure de consultation multilatérale afin de permettre le contrôle de l'application de la Convention.
Les enjeux des débats sur les changements climatiques sont de nature essentiellement économique : il est en effet clair que la réduction des rejets dans l'atmosphère d'un certain nombre de gaz identifiés et participant au réchauffement de la planète aura des répercussions économiques. Les débats se cristallisent autour de l'enjeu principal que représente le coût économique de cette réduction des émissions et notamment sa répartition. Deux positions s'opposent totalement à ce sujet : d'un côté, les pays en développement considèrent, d'une part, que les Etats développés ont une responsabilité historique (5), en ce qui concerne leur participation au réchauffement de la planète, et d'autre part, que ces mêmes pays développés sont les principaux responsables des changements climatiques qui s'opèrent actuellement (6). C'est pourquoi la majorité des pays en développement estiment nécessaire que les Etats développés supportent principalement le coût économique de cette réduction des émissions. De l'autre côté, la position des pays développés n'est pas uniforme. Ainsi, les Etats-Unis adoptent une position qui reflète l'énormité du coût d'une réduction - même peu importante - des niveaux d'émission qu'ils auraient à supporter. Pour cette raison, ils réclament, d'une part, que les Etats développés s'engagent également à supporter une part du coût de cette réduction, et d'autre part, que ce coût soit réparti plus équitablement grâce à l'instauration d'un mécanisme de marché. Les pays de l'Union européenne ont une position plus ouverte aux revendications des pays en développement et sont prêts à supporter le coût de cette réduction, sans que les pays en développement s'engagent également dans la voie de la réduction des émissions. Lors des discussions de Kyoto, l'Union européenne était fermement opposée à l'instauration d'un mécanisme de marché et à la création de droits de rachat, en raison du fait qu'une disposition allant dans ce sens aurait pour effet probable de vider le Protocole de Kyoto de son contenu juridique (7) ; cette année, elle s'est néanmoins montrée résignée à l'instauration d'un tel mécanisme.
Lors de la Conférence de Kyoto, les débats s'étaient cristallisés autour de ces mêmes questions, mais tant la volonté affichée du gouvernement japonais - pays organisateur de la Conférence - de faire de cette Conférence une réussite, que les pressions qui s'exercèrent sur les Etats-Unis par l'Union européenne et les pays en développement, avaient fait pencher la balance en faveur de la conclusion d'un protocole allant dans le sens d'une réduction du niveau des émissions. A Buenos Aires, tant les Etats-Unis que les pays en développement sont restés sur leurs positions respectives (8).
Le texte des décisions adoptées par la Conférence des parties reflète l'ensemble des positions et ne prévoit pas de dispositions importantes, sauf en ce qui concerne le contrôle de l'application de la Convention. C'est à l'examen rapide des dispositions principales que nous voudrions nous livrer maintenant (9). Ce texte n'aborde aucun des points qui viennent de faire l'objet de nos développement précédents, ou s'il le fait, c'est pour énoncer la mise sur pied d'un plan de travail. Pour présenter succinctement l'ensemble des décisions prises par la quatrième Conférence des Parties, on peut dire que la plupart des décisions prises visent à établir un calendrier de travail. D'autres décisions concernent les obligations de communication de rapports nationaux par les Etats sur leurs émissions respectives, ou viennent apporter des précisions concernant divers problèmes abordés par différents textes et décisions précédentes.
I. Décisions établissant un plan d'action
Ces décisions sont parmi les plus nombreuses de la Conférence des parties puisqu'elles concernent sept de ses décisions (décisions 2 à 8). L'ensemble de ces décisions s'appliquent à des domaines très différents. Le plan d'action lui-même est décrit dans le première décision (Décision 1/CP.4) de la Conférence des Parties et s'inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre renforcée de la Convention, et vise également à préparer l'entrée en vigueur du Protocole de Kyoto (10).
La seconde décision (Décision 2/CP.4) vient utilement compléter les tâches de l'institution d'aide financière de la Conférence - le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) -, qui n'est d'ailleurs pas une institution propre à la Convention sur les changements climatiques, mais opère comme telle (11). L'une des difficultés majeures que rencontrent les conventions de ce type concerne le fait qu'afin de réduire les niveaux d'émission, il convient d'abord de les mesurer. Cette mesure est réalisée sur la base de rapports nationaux, effectués par chaque Etat partie, sur son territoire respectif. Il convient ici de noter que c'est une obligation qui vaut tant pour les Etats faisant parties de l'annexe B - c'est-à-dire ceux qui, depuis le Protocole de Kyoto, sont soumis à une obligation de réduction de leurs niveaux d'émission - que pour les autres (voir l'article 4.1 (a) de la Convention). Il est évident que l'élaboration de tels rapports - vu les données techniques qui doivent y être incorporées - est très coûteuse pour les pays en développement. La seconde décision vise à remédier à cette difficulté en prévoyant des aides financières afin de permettre à ces pays de remplir leurs obligations de rapport. De la même manière, le mécanisme financier prévoit des aides qui interviennent dans des domaines très pratiques qui peuvent concerner ces mêmes pays : mise en oeuvre des mesures d'adaptation prévues à l'article 4.1 de la Convention et à la décision 11/CP.1 ; identification et présentation à la Conférence des parties de leurs besoins technologiques prioritaires ; participation au réseau d'observations systématiques scientifiques ; assistance à la sensibilisation du public et à l'instauration de programmes d'éducation, etc… De ce point de vue, les missions de l'institution financière se trouvent grandement précisées, et il est fort probable que celle-ci soit amenée à jouer un rôle non négligeable dans le cadre de l'application des dispositions concernant les obligations en matière de changements climatiques.
La troisième décision (Décision 3/CP.4) concerne le contrôle de cette même institution financière. Elle est complétée par une annexe, qui prévoit des lignes directrices du contrôle et énumère ses objectifs, sa méthodologie et ses critères.
La quatrième décision (Décision 4/CP.4) concerne le développement et les transferts de technologie. On a vu qu'il était fort possible que les dispositions concernant la mission de l'institution financière aient d'importantes conséquences. On ne peut pas véritablement dire la même chose de la quatrième décision de la Conférence des parties. Celle-ci ne prévoit, en effet, que des mesures qui n'ont pas une portée juridique très grande, dans la mesure où elles restent très générales. On peut rappeler ici que les transferts de technologie constituent l'un des points d'achoppement des discussions sur la répartition du coût économique de la réduction des émissions. A première vue, l'ensemble du texte de la décision va largement dans le sens des revendications des pays en développement, mais il ne comporte pas d'obligations véritablement contraignantes. Ainsi, les Etats développés ont pour obligation de prendre toutes les mesures appropriées pour favoriser les transferts de technologie, mais la quatrième décision reste muette quant aux modalités pratiques de ces mesures. La suite de cette décision va dans le même sens et insiste sur l'assistance que les Etats développés doivent prodiguer aux Etats en développement. Il est évident que cette assistance peut se révéler importante, mais en l'absence de mesures plus pratiques, son application risque de demeurer floue et à l'état de plan d'action. Cette décision est complétée par une annexe qui comporte certaines des questions qui restent à résoudre, dans le cadre du plan d'action, pour une mise en oeuvre réelle de cette décision.
La cinquième décision (Décision 5/CP.4) concerne la mise en oeuvre de l'article 4 § 8 et 9 de la Convention (12). Cette décision se limite également à formuler un plan d'action, qui est détaillé dans son annexe.
La sixième décision (Décision 6/CP.4) concerne les activités conjointes mises en oeuvre dans le cadre de la phase pilote, telles que prévues à l'article 4.2 (a) de la Convention (13) et à la décision 5/CP.1 de la première Conférence des parties (FCCC/CP/1995/7/Add.1). Elle ne fait que continuer la phase pilote, et invite les parties à soumettre leurs rapports et à faire part de leurs expériences respectives.
La septième décision (Décision 7/CP.4) concerne le programme de travail des mécanismes du Protocole de Kyoto. Comme son titre l'indique, cette décision ne fait qu'établir un plan de travail des mécanismes du Protocole de Kyoto. Les articles concernés par ce plan de travail n'ont pour l'instant qu'une importance théorique, mais acquerront probablement dans le futur une portée juridique bien plus importante, en raison des matières sensibles qu'ils abordent. Ce sont les articles 6, 12 et 17 du Protocole de Kyoto (14). Le plan de travail est particulièrement complet et ambitieux ; il envisage un nombre très varié de questions importantes qui devront être résolues.
La huitième décision (Décision 8/CP.4) concerne la préparation de la Conférence des parties, qui servira de Réunion des parties au Protocole de Kyoto, selon la décision 1/CP.3. Cette décision ne fait qu'élaborer en ses deux annexes un plan de travail préparatoire des questions qui devront être soumises à la Réunion des parties. On pourra noter que l'annexe II fait référence à la nécessité d'élaborer des procédures et des mécanismes de respect par les Etats parties de leurs obligations déterminées dans le Protocole de Kyoto.
II. Décisions concernant les obligations de communication
La onzième décision (Décision 11/CP.4) concerne les communications nationales des Etats parties inclus dans l'annexe I à la Convention, qui sont les Etats développés. On peut rappeler ici que ces obligations consistent en la communication nationale de données scientifiques sur les niveaux d'émissions de certains gaz. Ces communications doivent également fournir des informations quant aux politiques nationales qui sont prises par les Etats. Cette obligation prend toute son importance lorsque l'on songe que c'est à partir de la communication de ces informations que sont déterminées les obligations de réduction des émissions. Elles permettent également de mesurer l'impact scientifique des mesures qui sont prises. Trois communications différentes de données scientifiques doivent être fournies par ces Etats, selon un calendrier déterminé et réajusté en raison du retard de certains Etats. La décision conclut que les Etats parties remplissent généralement bien leurs obligations en matière de communication des politiques déterminées au niveau national, que les informations contenues dans le second rapport sont de meilleure qualité que celles du précédent rapport, mais que des efforts restent à accomplir pour assurer une meilleure utilisation de l'information (voir le paragraphe 8 de la décision ). La décision revient sur des projections scientifiques concernant les niveaux d'émission, et notamment sur le fait que les niveaux d'émission vont probablement augmenter et que la plupart des Etats ne pourront pas respecter leurs engagements suivant le Protocole de Kyoto.
Cette même décision revient rapidement sur les obligations qui incombent aux Etats parties à l'annexe II à la Convention et notamment sur leur obligation de communiquer des informations relatives à leurs actions en matière de transferts de technologie et de ressources financières (voir le paragraphe 9 de la décision). A ce sujet, la décision note que la plupart de ces Etats ne respectent pas les directives contenues dans la décision 9/CP.2.
La douzième (Décision 12/CP.4) décision concerne les communications nationales initiales des Etats parties qui ne sont pas inclus dans l'annexe I à la Convention, et notamment les modalités suivant lesquelles ces communications devront être examinées.
III. Décisions diverses
La neuvième décision (Décision 9/CP.4) vient compléter les dispositions des paragraphes 3 et 4 de l'article 3 du Protocole de Kyoto, qui concernent les émissions des gaz à effets de serre en relation avec les activités humaines directes d'utilisation du sol, des changements qui s'y rapportent, ainsi que la forêt. Cette décision revient notamment sur la manière dont est calculé le niveau des émissions de ces gaz, confirme un certain nombre de rapports techniques établis par des institutions scientifiques, et recommande l'élaboration de rapports spéciaux.
La dixième décision (Décision 10/CP.4) adopte l'annexe II du rapport du groupe ad hoc (15), institué afin de réfléchir sur les questions liées à l'établissement d'une procédure de consultation multilatérale pour contrôler l'application de la Convention, procédure qui est prévue à l'article 13 de la Convention. Nous avons auparavant souligné qu'une procédure de contrôle de l'application du protocole de Kyoto existe également. Par ailleurs, on peut noter ici que la dixième décision est probablement la décision la plus importante du rapport. Il est à l'heure actuelle difficile de dire comment les deux procédures vont coexister. En effet, aucune de ces deux procédures ne fait référence à l'autre, et il est fort probable qu'un Etat qui viole ses obligations à l'égard de la Convention, viole également ses obligations à l'égard du Protocole. Cette annexe II prévoit la création d'un Comité multilatéral consultatif, dont les objectifs consistent à résoudre les questions relatives à l'application de la Convention par les Etats parties (16). Ce Comité a trois objectifs qui sont définis au second paragraphe et qui sont l'assistance aux Etats parties, la promotion de la compréhension de la Convention, et la prévention des conflits. La procédure est définie aux troisième et quatrième paragraphes. Elle est de nature non-judiciaire et coopérative, c'est-à-dire que tout est fait pour éviter que la responsabilité éventuelle de
l'Etat partie à ses obligations soit engagée (17). De la même manière que dans le cadre de la procédure de non-conformité du Protocole de Montréal sur les matières qui appauvrissent la couche d'ozone, la procédure prévoit que les questions regardant l'application de la Convention peuvent être soulevées :
- par un Etat partie ou un groupe d'Etats parties, qui aurait des problèmes pour appliquer la Convention,
- par un Etat partie ou un groupe d'Etats parties, à propos de l'application qui est faite de la Convention par un autre Etat partie ou un autre groupe d'Etats parties,
- par la Conférence des parties.
Reste la question du mandat du Comité, qui nous paraît bien faible : celui-ci n'est en effet habilité qu'à prendre des recommandations, qui seront, il est vrai, probablement entérinées par la Conférence des parties, mais il aurait peut-être été souhaitable de lui donner un plus grand pouvoir, en ce qui concerne également le contrôle de l'application. Les autres questions qui sont envisagées par l'annexe II sont plus techniques et concernent la constitution et les délibérations du Comité.
La treizième décision (Décision 13/CP.4) concerne les relations entre le système conventionnel sur les matières qui appauvrissent la couche d'ozone et le présent système, à propos de gaz qui sont concernés par les deux systèmes. Cette décision invite les Etats parties, les institutions compétentes du Protocole de Montréal, le Panel international sur les changements climatiques, les organisations internationales et les organisations non-gouvernementales compétentes à lui fournir des informations sur les moyens susceptibles de limiter les émissions de ces gaz.
La quatorzième décision (Décision 14/CP.4) concerne la recherche et les observations systématiques, qui sont prévues aux articles 4.1(g) et 5 de la Convention. Elle demande aux Etats d'entreprendre rapidement des programmes de recherches, d'échanger des données à ce sujet, etc… En bref, cette décision insiste sur la nécessité d'encourager la coopération internationale dans ce domaine, et d'entreprendre des recherches fondamentales au plus vite.
La quinzième décision (Décision 15/CP.4) concerne l'éventuelle suppression de la Turquie comme Etat partie inclus dans les annexes I et II à la Convention, en reportant cette décision à plus tard.
La seizième décision (Décision 16/CP.4) revient sur la situation particulière qui pourrait résulter pour certains Etats parties inclus dans l'annexe B au Protocole de Kyoto, en raison des impacts sur les émissions que pourraient avoir leurs projets. La décision 1/CP.3 envisageait la possibilité que la Conférence des Parties considère ce problème et détermine des actions sur les méthodologies à adopter pour répondre à cette situation. Cette décision demande au SBSTA (18) de fournir des informations additionnelles à ce sujet.
La dix-septième décision (Décision 17/CP.4) concerne des problèmes administratifs et financiers et n'appelle pas ici de commentaires particuliers.
La dix-huitième décision (Décision 18/CP.4) admet la participation des organisations intergouvernementales et non-gouvernementales à certains groupes de contact, à l'invitation des responsables présidant les institutions de la Convention. C'est une décision qui s'imposait quand on sait que de nombreuses organisations internationales sont très actives dans le domaine du changement climatique et ont souvent des opinions qui divergent de celles des Etats parties. Elles permettent ainsi de faire entendre d'autres points de vue.
Enfin, la dix-neuvième décision (Décision 19/CP.4) concerne le calendrier des réunions des institutions de la Convention.
Conclusion
Pour conclure sur ce bilan contrasté de la quatrième Conférence des parties, on peut dire qu'il ne fait pas de doute que les enjeux importants, qui étaient en cause, n'ont pas su trouver de compromis et que les négociations en ont fatalement été paralysées. A ce titre, la Conférence de Buenos Aires restera probablement dans les mémoires comme une conférence de transition, vers, nous l'espérons, une meilleure mise en oeuvre du système conventionnel : à moins de trouver une solution de compromis entre les différents points de vue, on ne pourra éviter que le système conventionnel demeure une fois de plus bloqué. Cependant, il semble que cet échec soit dû davantage à des difficultés diplomatiques, qu'à une paralysie du système institutionnel mis en place dans le cadre de la Convention sur les changements climatiques. D'une part, en tant que tribune servant à exprimer les vues et les intérêts de la totalité de l'ensemble de ses Etats parties, la Conférence des parties remplit bien son rôle. D'autre part, on ne peut que demeurer interdit devant la richesse des débats et des questions juridiques qui se posent, et s'il est bien une chose que ce rapport des décisions adoptées par la Conférence des parties aura prouvé, c'est que l'ensemble des acteurs - Etats et institutions réunis - fait plutôt preuve d'une grande lucidité, mais également d'une très grande ambition quant aux questions qui doivent être abordées et résolues pour faire avancer le climat dans le droit chemin.
20 février 1998
* * *
Autres sites relatifs aux changements climatiques...
© 1999 Thierry Vaissière. Tous droits réservés.
VAISSIERE T. - "Le bilan contrasté de la quatrième Conférence des parties à la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques". - Actualité et Droit International, février 1999 (http://www.ridi.org/adi).
NOTES
(*) Ancien Phd fellow de l'Institute of Advanced Studies de l'Université des Nations Unies. Sa thèse porte sur les problèmes de responsabilité des Etats en droit international de l'environnement. (retour au texte)
(1) Convention cadre de New York du 09.05.1992 sur les changements climatiques, Revue générale de droit international public, 1992, vol. 96, n° 4, pp. 925-951. On peut brièvement rappeler ici que cette convention cadre a été conclue dans la cadre du Sommet sur la Terre, décidé par les Nations Unies, qui s'est déroulé à Rio de Janeiro au Brésil en 1992. Au cours de ce même sommet, une autre convention a été adoptée : il s'agit de la Convention de Rio du 05.06.1992 sur la diversité biologique, Revue générale de droit international public, 1992, vol. 96, n° 4, pp. 952-974. (retour au texte)
(2) On peut rapidement rappeler les pouvoirs importants de la Conférence des parties, qui a, en quelque sorte, le statut d'organe décisionnel du système institutionnel construit par la Convention sur les changements climatiques. A ce titre, elle est désignée à l'article 7 de la Convention, comme l'organe suprême de la Convention. Elle peut en effet prendre des décisions et des recommandations qui s'appliquent à la totalité des Etats parties et également amender la Convention. (retour au texte)
(3) La Convention peut très bien s'analyser comme une déclaration de principes sans portée juridique réelle. Elle ne contient en effet aucune obligation précise pour les Etats parties, et se borne à lister les problèmes qui doivent être considérés en vue d'une action pour freiner les changements climatiques, ainsi que les principes juridiques qui doivent inspirer les actions qui doivent être entreprises. Voir par exemple l'article de D. Bodansky, "The United Nations Framework Convention on Climate Change : A Commentary", Yale Journal of International Law, 1993, vol. 18, pp. 451-558. (retour au texte)
(4) Cette liste exhaustive est contenue dans l'annexe B au Protocole de Kyoto. La principale disposition du Protocole de Kyoto prévoit que les Etats développés s'engagent à réduire de 5% leurs émissions dans l'atmosphère d'un certain nombre de gaz, qui participent aux changements climatiques, par rapport à leurs niveaux respectifs d'émission de 1990. Cette réduction est plus importante qu'il n'y paraît, dans la mesure où il est notoire que le niveau de ces émissions a augmenté de manière importante depuis lors. Voir l'article 3 du Protocole. Texte du Protocole (format pdf). Les références de ce Protocole sont les suivantes : FCCC/CP/1997/L.7/Add.1. La version du rapport des décisions que nous avons utilisée est la version anglaise, il faut ici préciser qu'il ne s'agit pas du texte définitif, et que la version française n'est pas disponible auprès du Secrétariat. Les références de la version finale de ce document seront FCCC/1998/16/Add.1. La version provisoire est bien sûr actuellement disponible sur le site Internet maintenu par le Secrétariat. (retour au texte)
(5) On pourra ici remarquer que cet argument n'est nullement rejeté par les pays développés qui ne contestent pas cette responsabilité historique. On peut également noter que la Convention sur les changements climatiques est la seule convention sur le droit international de l'environnement du système des Nations Unies à incorporer dans plusieurs de ses dispositions la responsabilité commune mais différenciée des Etats parties à la Convention. Voir par exemple les articles 3 et 4. (retour au texte)
(6) Il est notoire que l'un des principaux gaz qui participent aux changements climatiques est le carbone qui est rejeté par les automobiles. On sait également que statistiquement, les Etats-Unis participent à hauteur de plus de 50% de la totalité du carbone qui est rejeté dans l'atmosphère, et c'est pourquoi ce pays adopte une des positions les plus radicales au sein des pays développés, tandis que l'Union européenne, par exemple, est prête à des réductions bien plus drastiques. Lors de la Conférence de Kyoto, l'Union européenne se disait prête à accepter une réduction de 10 à 15% par rapport au niveau d'émission de 1990. On sait que c'est la position américaine qui l'a cependant emporté. (retour au texte)
(7) La création d'un marché de la pollution aurait pour conséquence directe l'instauration de droits de rachat. Ce mécanisme permettrait, par exemple, pour un Etat développé qui voudrait dépasser son niveau d'émission d'échanger des droits d'émission à un Etat qui est en dessous de son niveau d'émission autorisé. La question qui se pose alors consiste à savoir si ce droit de rachat pourrait être limité. L'un des dangers de ce mécanisme est qu'il soit illimité, ce qui aurait pour conséquence immédiate de vider le Protocole de son contenu, dans la mesure où un Etat pourrait indéfiniment racheter des droits d'émission de telle manière qu'il n'aurait plus à se conformer aux dispositions qui l'obligent à réduire son niveau d'émission. On sait que ce sont les Etats-Unis qui défendent l'instauration d'un tel mécanisme, et on aura compris l'usage qu'ils pourraient en faire pour ne pas se conformer à leurs obligations de réduction, quant on connaît les efforts que cet Etat devra fournir pour respecter ses engagements. L'article 6 du Protocole de Kyoto prévoit, suivant différentes conditions restrictives, l'existence de tels droits de rachat. Voir infra note 14. (retour au texte)
(8) Les Etats-Unis sont restés sur leurs positions pour les raisons que nous mentionnions supra, mais ont également annoncé qu'ils se décidaient à ratifier le Protocole de Kyoto. Même si certains pays en développement - dont l'Argentine - se disaient prêts à accepter l'inclusion de dispositions les obligeant eux aussi à participer à la réduction des émissions, la plupart d'entre eux ont refusé de négocier à ce sujet, et persistaient dans le sens de la prise en charge du coût de la réduction des émissions par les pays développés. Ces arguments furent notamment invoqués par la Chine, qui est un producteur très important de carbone, en raison de la consommation massive par les citadins de fuel et de charbon pour le chauffage domestique. Voir les articles parus dans Le Monde des 15 et 16 novembre 1998, pp. 1, 5 et 11. On peut aussi préciser que certains pays en développement seraient prêts à accepter de s'engager dans la voie d'une réduction des émissions, à condition que les Etats développés s'engagent à leur procurer des technologies moins polluantes sous la forme de transferts de technologies. (retour au texte)
(9) La totalité des décisions prises par la Conférence des parties sera examinée ; seules les recommandations ne seront pas étudiées. La Conférence des parties a pris 19 décisions dans des domaines fort différents (décisions 1/CP.4 à 19/CP.4) et deux recommandations, qui visent à remercier l'Argentine pour l'organisation de la Conférence (résolutions 1/CP.4 et 2/CP.4). (retour au texte)
(10) Voir la décision 1/CP.4. Ce plan d'action concerne le mécanisme financier, le développement et les transferts de technologie, la mise en oeuvre de l'article 4, § 8 et 9 de la Convention, les activités mises en oeuvre conjointement dans le cadre de la phase pilote, les mécanismes du Protocole de Kyoto et la préparation de la première session de la Conférence des parties servant de Réunion des parties au Protocole de Kyoto. Voir respectivement les décisions 2/CP.4 à 8/CP.4. (retour au texte)
(11) Le FEM est plus connu sous son appellation anglaise de Global Environmental Facility (GEF). Il a été en effet créé sous les auspices de la Banque mondiale en 1991 et sa mission a été complétée dans la cadre du Sommet de la Terre. Ce mécanisme financier est envisagé à l'article 11 de la Convention. Il est notamment mis en relation avec les transferts de technologie. Voir au sujet du FEM l'article de L. BOISSON de CHAZOURNES, "Le Fonds pour l'environnement mondial : Recherche et conquête de son identité", Annuaire français de droit international, 1995, pp. 612-632. (retour au texte)
(12) Les paragraphes 8 et 9 de l'article 4 de la Convention concernent les besoins spécifiques de certains Etats parties : d'une part, les besoins des Etats en développement subissant des conséquences indirectes des effets du changement climatique ou de l'impact de la mise en oeuvre de mesures de réponse ; d'autre part, les besoins des Etats les moins développés. (retour au texte)
(13) On sait que ces activités concernent les mesures et politiques déterminées par les pays développés pour réduire les changements climatiques, et dont l'application peut être étendue à d'autres Etats parties, et ce, dans le cadre d'une période appelée phase pilote. (retour au texte)
(14) L'article 6 du Protocole de Kyoto prévoit suivant différentes conditions restrictives l'existence des droits de rachat, mais ces conditions sont restrictives et prévoient notamment la participation des Etats parties à des projets de réduction des émissions. L'article 12 concerne le mécanisme de développement propre. Le but de ce mécanisme est d'aider les Etats qui ne font pas partie de l'annexe I au Protocole - c'est-à-dire les pays en développement - à atteindre un développement durable, suivant des modalités différentes. L'article 17 concerne l'élaboration d'une procédure de contrôle du respect des dispositions du Protocole, qui contiendrait une liste des conséquences qui pourraient être attachées à la violation par les Etats parties de leurs obligations. On peut ici rappeler qu'une telle procédure de contrôle existe dans le cadre du système conventionnel concernant les matières qui appauvrissent la couche d'ozone. Voir à ce sujet, E. P. BARNAT BROWN, "Building a Monitoring and Compliance Regime Under the Montreal Protocol", Yale Journal of International Law, 1991, vol. 16, n° 2, pp. 519-570 ; M. KOSKENNIEMI, "Breach of Treaty or Non-Compliance ? Reflections on the Enforcement of the Montreal Protocol", Yearbook of International Environmental Law, 1992, vol. 3, pp. 123-162 ; T. VAISSIERE, "Non-Compliance procedures (in International Environmental Law) and Liability (and its consequences) Compared", UNU/IAS Working Paper Series, 62 p., à paraître. (retour au texte)
(15) On sait que ce groupe de travail avait été créé par la décision 20/CP.1 de la première Conférence des parties,
FCCC/CP/1995/7/Add.1. Les références de ce rapport sont : FCCC/AG13/1998/2. (retour au texte)
(16) On peut se demander si la procédure ici définie est plus large que les procédures de non-conformité normalement utilisées : le fait que la procédure prévue à l'article 13 concerne l'application de la Convention pourrait laisser penser que celle-ci est plus large, dans la mesure où les problèmes relatifs à l'application de la Convention peuvent avoir un champ plus vaste. (retour au texte)
(17) On a abondamment commenté les raisons du refus de l'emploi de la responsabilité pour régler les problèmes relatifs à la violation de leurs obligations par les Etats parties dans un de nos articles, ainsi que les problèmes juridiques que cela pose : T.
VAISSIERE, "Non-Compliance procedures (in International Environmental Law) and Liability
(and its consequences) Compared", UNU/IAS Working Paper Series, 62 p., à paraître. (retour au texte)
(18) D'après l'acronyme anglais, Subsidiary Body for Scientific and Technological Advice. Il s'agit d'une des institutions issue du système conventionnel. (retour au texte)
|