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UN GRAND PAS POUR L'HUMANITE

par
Patrice Despretz



Je suis sidéré.

Sidéré quand j'entends un diplomate déclarer le plus sérieusement du monde à propos du conflit armé qui oppose l'Ethiopie à l'Erythrée : "c'est une guerre totalement stupide !" Non pas que je ne sois pas d'accord. Mais est-ce à dire, pour estimer nécessaire de le préciser, que certains pensent encore qu'il existe des guerres intelligentes ?
Qu'elles soient lucratives pour quelques uns, d'accord. Que la guerre apparaisse nécessaire dans certaines situations extrêmes, certes. Qu'elle soit parfois l'ultime et unique moyen de faire respecter un droit ou de juguler un conflit dévastateur, soit. Mais ce n'est pas cela qui la rend intelligente pour autant.
La guerre n'est, et ne sera toujours, que l'expression d'un échec. Juste une grave défaillance de la raison, le simple aveu d'une impuissance. Mais certainement pas une marque d'intelligence. C'est comme si l'on disait que larguer des sacs de blé lors d'une famine était intelligent. C'est bien évidemment nécessaire et cela doit être fait. C'est même, pour certains, fort profitable. Mais ce n'est pas cela qui empêchera les rassasiés d'avoir faim à nouveau. Au contraire.

Sidéré quand j'entends de même l'Assemblée nationale proclamer officiellement que "la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVème siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'Océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité". Non pas que je ne sois pas d'accord. Mais que la France se sente encore obligée de le faire plus de 400 ans après le début du commerce triangulaire, plus de 300 ans après l'adoption du code noir qui réduisait les noirs à du "bois d'ébène" et surtout plus de 150 ans après l'abolition de l'esclavage, cela m'effare.
Pour reprendre les mots d'un député, "le crime contre l'humanité est si évident qu'il est superfétatoire de mobiliser le Parlement pour le déclarer". Mais, répondront à juste titre d'autres députés, "adopter cette proposition est un devoir de mémoire envers des dizaines de millions d'hommes, de femmes et d'enfants d'Afrique et des caraïbes". En effet, "si les blessures et les ravages restent encore si vivaces malgré le temps, c'est qu'il n'a pas officiellement été fait droit à la requête légitime de reconnaissance, de justice et de réparation".
Voilà ce qui me navre : qu'il soit encore aujourd'hui nécessaire, ou estimé comme tel, de le dire. Que l'on soit obligé, encore aujourd'hui, d'affirmer que l'esclavage est un crime contre l'humanité. Certains ne le penseraient-ils donc pas ? D'autres en douteraient-ils encore ? Laisserait-on donc penser aux descendants des victimes, encore aujourd'hui, que les descendants des bourreaux n'en sont pas aussi persuadés qu'eux, pour les contraindre ainsi à mendier une proclamation officielle ?

Un député a déclaré : "Elie Wiesel, prix Nobel de la paix, disait 'le bourreau tue deux fois, la deuxième fois par le silence'". Serions-nous donc si silencieux, pour qu'on nous demande encore aujourd'hui de proclamer solennellement ce qui devrait être depuis longtemps considéré par chacun comme une évidence et surtout perçu comme tel ?

21 février 1999

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