Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant
l'implication d'enfants dans les conflits armés :
quel progrès pour la protection des droits de l'enfant ?
par
Joël Mermet
Doctorant à l'Université Robert Schuman
Strasbourg III
Résumé :
Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant
concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés est entré en vigueur
le 12 février 2002. Ce texte constitue indéniablement une avancée dans la
protection des droits de l’enfant en ce qu’il augmente l’âge minimal de
recrutement et de participation aux hostilités. Pourtant, le Protocole
facultatif n’est pas le texte dont avaient rêvé certains Etats et ONG et
contient de nombreuses lacunes et zones d’interrogation.
Abstract :
On 12 February 2002, the Optional Protocol to the Convention on the Rights of
the Child on the Involvement of Children in Armed Conflict entered into force.
By increasing the minimum age required for recruitment and participation in
hostilities, this instrument unquestionably constitutes a real step forward in
the protection of the rights of the child. However, this Optional Protocol is
not the instrument that some States and NGOs would have hoped for, as it
contains many weaknesses.
Impression
et citations : Seule la version
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« En entrant, j’avais frappé au
hasard un coup terrible, devant moi, sur quelque chose de noir que j’avais
traversé d’outre en outre. […] et j’entendis sous moi la voix mourante et tendre
d’un enfant qui disait : papa … Je compris alors mon œuvre […]. Je vis un de ces
officiers de quatorze ans, si nombreux dans les armées russes qui nous
envahirent à cette époque ».
Alfred de Vigny –
Servitude et grandeur militaires
Rien ne sépare vraiment les
enfants utilisés lors des derniers combats d’un régime nazi agonisant des
enfants recrutés par le PKK ou l’UCK, ou encore les Kadogos des Grands Lacs des
enfants soldats du Myanmar. Tous sont finalement des victimes utilisées par des
adultes sans scrupules en quête de victoires et de pouvoir. Même si le continent
africain a bien souvent été cité à juste titre comme celui où le plus grand
nombre d’enfants soldats ont été utilisés à la fin du XXe siècle, aucun
continent n’a véritablement été épargné et les enfants soldats sont présents
sous toutes les latitudes de notre planète.
Aujourd’hui, on estime à
300 000 le nombre de personnes de moins de 18 ans qui participent à des
hostilités à travers le monde.
Mais ce chiffre est une estimation qui n’est pas vraiment vérifiable dans la
mesure où ces enfants sont le plus souvent « invisibles ».
Invisibles, car ils sont cachés par ceux qui les engagent ou parce que leur âge
est falsifié sur les documents officiels. Invisibles, car ces enfants, le plus
souvent, combattent dans des zones qui ne font pas l’objet de couverture
médiatique. Invisibles, enfin, car ces enfants paraissent très rapidement
beaucoup plus vieux que leur âge en raison de leurs conditions de vie
déplorables.
Face à ce fléau, la
communauté internationale a réagi assez tard puisque les premières dispositions
du droit international sur l’âge de recrutement dans les forces ou groupes armés
sont contenues dans les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de
1949,
adoptés en 1977 seulement. Alors que ces Protocoles fixent à 15 ans l’âge
minimum de recrutement dans les forces ou groupes armés (article 77 § 2 du
Protocole I et article 4 § 3 c du Protocole II), il est indéniable que ces
textes ont été constamment violés au cours des conflits armés des années 80 et
90. L’adoption de la Convention des Nations Unies relative aux droits de
l’enfant (CIDE),
en 1989, ne changera pas beaucoup la situation au niveau du droit international
puisqu’elle ne fait que reprendre, en créant encore plus de confusion, les
dispositions du droit international humanitaire.
Pourtant, les imperfections
de la CIDE conduiront à la proposition d’un protocole facultatif à cette
Convention afin de rendre illégal le recrutement et la participation aux
hostilités des personnes de moins de 18 ans. Au bout de six ans de discussions,
le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant
concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (ci-après le
Protocole facultatif) a finalement été adopté en mai 2000 et est entré en
vigueur le 12 février 2002.
Toutefois, s’il concourt au renforcement de la protection des droits de
l’enfant, il n’en demeure pas moins un texte inachevé qui ne répond pas à toutes
les demandes ayant appelé à son élaboration et qui pose de nouvelles questions
en droit international.
I. - De
la nécessité de renforcer la protection des droits de l’enfant
Face aux lacunes évidentes
contenues dans le droit international humanitaire et dans la CIDE elle-même, il
devenait important de pallier ces insuffisances afin de renforcer la protection
des droits de l’enfant. Aussi, plusieurs instruments juridiques des années 90
ont-ils permis de corriger certaines imperfections du droit existant.
A. - Un droit existant imparfait
Déjà dans le cadre des
Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949, adoptés en 1977, la
question de l’âge minimal du recrutement et de la participation aux hostilités
avait suscité de vifs débats. Finalement, dans un but de consensus, il fut
décidé de fixer à 15 ans cet âge minimal aussi bien pour les conflits armés
internationaux (Protocole I, article 77 § 2) que pour les conflits à caractère
interne (Protocole II, article 4 § 3 c). L'article 77 § 2 du Protocole I précise
pourtant que lors du recrutement des personnes de plus de 15 ans mais de moins
de 18 ans, la priorité sera donnée aux plus âgées.
Par ailleurs, les Protocoles
additionnels ne font pas de distinction entre le recrutement volontaire et le
recrutement obligatoire. Aussi, le Comité international de la Croix-Rouge
s’est-il toujours prononcé en faveur d’une interprétation large des Protocoles
additionnels afin d’y inclure tout type de recrutement.
En outre, une distinction est opérée entre le Protocole I et le Protocole II en
ce que le premier n’interdit que la participation directe pour les enfants de
moins de 15 ans. Dans la mesure où il n’existe pas de définition communément
acceptée de ce qu’est la participation directe, cela ne fait que renforcer le
caractère flou du texte.
Il convient également de
souligner que le Protocole I ne fixe qu’une obligation de moyen à l’endroit des
Etats parties qui doivent prendre « toutes les mesures possibles »
pour que les enfants de
moins de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités.
Par ailleurs - et ce paradoxe est justifié par une vision réaliste de la
conflictualité -, les Protocoles additionnels prévoient qu’en cas de violations
des dispositions relatives à l’âge minimal pour la participation aux hostilités,
la protection spéciale dévolue aux enfants continuera de s’appliquer s’ils sont
capturés.
Dans le cadre des droits de
l’homme, c’est la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant,
adoptée en 1990, qui est le texte le plus abouti en la matière puisqu’il prévoit
en son article 22 § 2 que les Etats parties « prennent toutes les mesures
nécessaires pour veiller à ce qu’aucun enfant ne prenne directement part aux
hostilités, et en particulier, à ce qu’aucun enfant ne soit enrôlé sous les
drapeaux ». Dans le cadre de ce texte, l’enfant est défini comme toute personne
de moins de 18 ans et ceci sans exception possible.
Plus récemment, le Statut de
Rome de la Cour pénale internationale dispose en son article 8 que
« [l]e
fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement d'enfants de moins de 15
ans dans les forces armées nationales ou de les faire participer activement à
des hostilités »,
que ce soit dans le cadre des conflits armés internationaux ou ne présentant pas
un caractère international, constituent des crimes de guerre.
Enfin, en 1999, la Convention du Bureau international du Travail sur les pires
formes de travail des enfants (Convention n° 182),
requiert de chaque Etat partie qu'il prenne des mesures immédiates et efficaces
pour interdire « [l]e recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de
leur utilisation dans des conflits armés ».
Cette disposition ne semble prohiber le recrutement des personnes de moins de 18
ans uniquement si c’est dans le but de leur utilisation dans un conflit armé et
non pas un recrutement qui se ferait sans lien direct avec un tel conflit. C’est
à peine un an plus tard que le Protocole facultatif à la CIDE sera finalement
adopté.
B. - Une nouvelle étape pour une meilleure
protection des droits de l’enfant
L’adoption du Protocole
facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant
l'implication d'enfants dans les conflits armés ne s’est pas faite sans
difficulté et il a fallu six sessions du Groupe de travail chargé d’élaborer ce
texte pour qu’un consensus soit finalement atteint. Néanmoins, plusieurs
dispositions de ce nouvel instrument instituent des progrès incontestables dans
la protection des droits de l’enfant dans le cadre des conflits armés.
1. - Une adoption difficile
C’est sur l’initiative du Comité
des droits de l’enfant que l’idée d’un protocole facultatif a été soulevée et
que la Commission des droits de l’homme a décidé d’établir un Groupe de travail
pour l’adoption d’un tel texte. Il est apparu très clairement dès la première
session de ce groupe de travail, en 1994, que l’adoption d’un protocole
facultatif ne serait pas plus aisée que la rédaction de l’article 38 de la CIDE.
Au fil des sessions est apparu un désaccord fondamental au sujet de l’âge
minimal pour le recrutement des enfants et leur participation aux hostilités au
sein des forces armées. A cela sont venues s’ajouter des questions importantes,
à savoir les écoles militaires - et plus largement la formation militaire -,
ainsi que le recrutement des enfants et leur participation aux hostilités au
sein des groupes armés.
Les différences de vue qui
sont apparues au cours des débats ont hypothéqué grandement l’issue du Groupe de
travail. En effet, en janvier 1998, à la suite du refus des Etats-Unis
d’accepter un consensus sur l’âge de 18 ans comme âge minimal pour la
participation aux hostilités, le Groupe de travail a dû interrompre sa session
et son président a démissionné. C’est finalement lors de la session de janvier
2000, dans une certaine confusion, que fut adopté le projet de Protocole
facultatif
qui complète et modifie le droit existant sur différents points.
2. - Des avancées laborieuses
Le Protocole facultatif
contient diverses dispositions qui peuvent être analysées comme des progrès eu
égard à la protection des droits des enfants impliqués dans des conflits armés
malgré des imperfections évidentes.
●
L’avancée la plus manifeste
- et absolument incontestable puisqu’elle ne souffre d’aucune exception - est la
fixation à 18 ans de l’âge minimal pour le recrutement obligatoire dans les
forces armées. Il ne faut par ailleurs pas oublier que d’après des études
récentes menées sur ce sujet, encore deux tiers des Etats à travers le monde
usent de la conscription (en théorie pour le moins) pour le recrutement au sein
de leurs forces armées.
Malgré la simplicité de
l’énoncé de l'article 2 du Protocole facultatif, il convient pourtant de
souligner différents aspects sujets à interprétation. En premier lieu, il
convient d’être vigilant sur l’âge mentionné dans les législations qui prennent
comme référence le 1er janvier de l’année au cours de laquelle la recrue atteint
ses 18 ans et non la date anniversaire de ladite recrue. En second lieu, cette
règle s’applique pour tout type de recrutement obligatoire, qu’il s’agisse de la
conscription ou d’une mobilisation générale en cas de conflit imminent. En
dernier lieu, dans les pays où la conscription a été suspendue mais non
supprimée, il convient de veiller à l’âge mentionné dans l’ancienne loi si cette
dernière peut être rétablie dans certaines circonstances.
●
L’article 4 §§ 1 et 2 du
Protocole facultatif constitue un progrès significatif en ce qu'il vise à
empêcher l'enrôlement et l'utilisation dans les hostilités par les groupes armés
distincts des forces armées d'un Etat des personnes âgées de moins de 18 ans et
demande aux Etats parties de prendre toutes les mesures possibles pour empêcher
l'enrôlement et l'utilisation de ces personnes, notamment les mesures d'ordre
juridique voulues pour interdire et sanctionner pénalement ces pratiques. Bien
que cette avancée du droit international soit contestable (voir infra),
elle démontre la volonté des Etats de réglementer les agissements des groupes
armés et de prendre en considération la question des conflits à caractère non
international. À cet égard, il ne faut pas oublier que la plupart des conflits
armés actuels sont de caractère non international et que la majorité des enfants
soldats sont recrutés par - et combattent pour - des groupes armés. En
conséquence, il est aisé d’apprécier à sa juste valeur une telle disposition,
d’autant plus que son champ d’application est beaucoup plus large que celui du
droit international humanitaire à cet égard.
Toutefois, l’obligation qui
pèse sur les groupes armés de ne pas recruter ni d’utiliser dans les hostilités
des personnes de moins de 18 ans est une obligation morale plus que juridique.
En effet, le choix du conditionnel « devrait », plutôt que de l’indicatif
« doivent », affaiblit lourdement la portée de cette disposition. Ceci peut
s’expliquer par le fait que, dans le cadre du droit international des droits de
l’homme, l’approche classique vise à n’imposer des obligations que sur les
Etats. La disposition contenue dans le second paragraphe de l’article 4 n’est
pas plus convaincante en raison de ses limitations juridiques et pratiques.
Ainsi, les Etats s’engagent uniquement à « prendre toutes les mesures
possibles » notamment pour criminaliser et sanctionner les agissements des
groupes armés contraires aux dispositions. Ceci ne constitue aucunement une
obligation juridique claire ; par ailleurs, le caractère dissuasif d’une telle
disposition est très discutable dans la mesure où un groupe armé se place, par
sa simple existence, dans une situation illégale et où l’incrimination
supplémentaire inscrite dans ce protocole n’aura pas un rôle déterminant dans
ses choix stratégiques.
●
L’article 6 § 3 du Protocole facultatif, enfin, prévoit les
mesures à prendre par les Etats en cas de violation des dispositions de ce
texte. Cet article est le pendant de l’article 39 de la CIDE qui, pourtant, est
plus contraignant vis-à-vis des Etats parties. En effet, une fois de plus, les
Etats parties au Protocole facultatif ne sont tenus de prendre que les
mesures possibles pour assurer la démobilisation des enfants recrutés par
les forces ou groupes armés. En outre, il est assez surprenant que ces mêmes
Etats n’accordent à ces enfants toute l’assistance appropriée, en vue de leur
réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion sociale, que si
cela s’avère nécessaire. En effet, la pratique a montré que très peu d’enfants,
pour ne pas dire aucun, ressortent psychologiquement ou physiquement indemnes
d’un conflit armé au cours duquel ils ont combattu.
Malgré ces quelques avancées
juridiques, il est clair que ce nouvel instrument n’apporte pas toujours de
solutions adéquates à des questions majeures. En effet, le texte finalement
approuvé ne peut satisfaire personne en raison même des conditions de son
adoption qui en font, non pas le texte ayant donné lieu à la plus large
approbation, mais davantage celui ayant recueilli le moins d’oppositions.
II. - Le
Protocole facultatif : un instrument juridique inachevé et source
d’interrogations
Le protocole facultatif n’a
répondu qu’en partie aux attentes et pose de nouvelles interrogations auxquelles
seule la pratique des Etats parties pourra répondre.
A. - Un protocole qui n’apporte pas toutes les
réponses attendues
Malgré les avancées
indéniables de ce Protocole, la formulation de son article 1, la question de
l’âge minimal pour le recrutement volontaire dans les forces armées et
l’exception du recrutement dans les écoles militaires constituent des lacunes
importantes de ce texte.
●
La question de la participation des enfants aux hostilités n’a
pas été appréhendée de la manière la plus optimale dans le Protocole facultatif,
dans la mesure où seule la participation directe est interdite. Il semble donc
clair que certaines activités telles que la collecte d’informations, le
transport d’armes ou de nourriture ou encore les actes de sabotage ne sont pas
couvertes par l’article 1 du Protocole facultatif alors qu'elles placent les
enfants dans des situations tout aussi dangereuses que les faits d’armes. Encore
faut-il savoir comment chaque Etat interprètera ce qualificatif dans la mesure
où les experts militaires n’avaient pas pu s’entendre sur une définition de la
participation directe dans le cadre de la rédaction des protocoles additionnels
aux Conventions de Genève. Les rédacteurs du Protocole facultatif auraient pu
s’inspirer de la formule du Statut de la Cour pénale internationale qui fait
mention de la participation active aux hostilités (article 8).
Par ailleurs, l’article 1 du
Protocole facultatif fait peser sur les Etats parties une obligation qui se
trouve limitée en raison de la formule utilisée puisque ceux-ci doivent prendre
« toutes les mesures possibles » pour que les enfants ne participent pas aux
hostilités. Il est de nouveau regrettable qu’une formule plus contraignante
n’ait pas été utilisée comme celle qui se trouve à l’article 22 § 2 de la Charte
africaine des droits et du bien-être de l’enfant.
●
Au cours des travaux préparatoires, il est devenu impossible de
trouver une solution à la question de l’âge minimal pour le recrutement
volontaire notamment en raison de l’opposition des Etats-Unis et du Royaume Uni.
Même si l’article 3 § 1 fixe à 16 ans l’âge minimal pour le recrutement
volontaire, soit un an de plus que l’âge fixé à l’article 38 § 3 de la CIDE, il
affaiblit considérablement le Protocole dans son entier. En effet, alors qu’il
est souvent difficile de savoir concrètement si un enfant a réellement été
recruté de façon volontaire, les sauvegardes incluses dans le Protocole
facultatif pour faire en sorte de garantir le caractère volontaire du
recrutement souffrent de limitations certaines dans la pratique. A titre
d’exemple, il paraît difficile pour nombre d’enfants des pays les plus pauvres
de fournir une preuve de leur âge.
Chaque Etat partie doit de cette
manière déposer au moment de sa ratification une déclaration contraignante
indiquant l’âge minimal pour le recrutement volontaire dans le pays concerné et
les garanties prévues pour assurer le caractère volontaire de ce recrutement.
Force est de constater que les déclarations existantes à ce jour ne sont pas
toutes optimales dans la mesure où elles fixent - pour certaines d'entre elles -
un âge inférieur à 18 ans pour le recrutement volontaire. Il appartiendra donc
au Comité des droits de l’enfant de les évaluer au regard de l’objet et du but
du Protocole facultatif.
●
Enfin, l’obligation faite aux Etats de relever l’âge du
recrutement volontaire ne s’applique pas aux établissements scolaires placés
sous le contrôle ou l’administration des forces armées. Cette exception est
lourde de conséquences dans la mesure où l’on sait très bien que ces écoles
militaires sont des réservoirs de recrues en cas de conflits armés et qu’il
serait naïf de croire que les Etats se priveraient d’une main-d’œuvre formée et
disponible en cas de crise majeure. Par ailleurs, le statut de ces étudiants est
très important dans la mesure où ils deviennent des cibles militaires légitimes
s’ils sont considérés comme membres des forces armées. Enfin, il existe dans un
certain nombre de pays des écoles gérées ou cogérées par le Ministère de la
défense quand bien même elles font partie intégrale de l’enseignement public
général (écoles de troupes, prytanées militaires, etc.). L’argument trop souvent
entendu selon lequel ces « écoles militaires » sont l’unique moyen pour des
enfants défavorisés d’obtenir une éducation ne convainc pas vraiment. En effet,
pourquoi l’argent mis par l’Etat à la disposition de ces écoles ne pourrait-il
pas l’être au profit d’écoles entièrement gérées par l’administration civile ?
A ces limites contestables
et regrettables s’ajoutent des dispositions qui posent certaines interrogations
au regard du droit international.
B. - Un protocole qui soulève des interrogations
La dualité des normes qui
est établie dans le Protocole facultatif, ainsi que la question des Etats en
mesure de le ratifier, posent de sérieuses questions au niveau du droit
international public.
1. - La dualité des normes
L’article 4 du Protocole
facultatif, quand bien même il utilise une formule au conditionnel, soumet les
groupes armés à des obligations plus fortes que celles imposées aux Etats
parties. En effet, les groupes armés ne sont pas autorisés à recruter des
personnes de moins de 18 ans que ce soit par conscription ou de manière
volontaire et ne doivent pas les utiliser dans les hostilités que ce soit de
manière directe ou indirecte. Cette distinction opérée selon les acteurs à un
conflit armé pourrait bien amener les groupes armés à ne pas se considérer liés
par un texte qui les place de jure dans une situation plus contraignante
que leur adversaire et par là même discriminatoire. Ceci est par ailleurs une
violation de la règle de l’égalité entre les belligérants qui a été établie dans
le droit international humanitaire et qui est un aspect important de son
application.
Une fois de plus, il faudra observer l’utilisation de cette clause par les Etats
parties pour pouvoir apprécier sa pertinence.
2. - La ratification possible par des Etats non
parties à la Convention relative aux droits de l’enfant
Enfin, la possibilité
offerte par l’article 9 § 2 du Protocole facultatif à tout Etat de pouvoir
ratifier ce texte représente un précédent fâcheux en droit international. En
effet, aux termes de cet article, un Etat qui ne serait pas partie à la CIDE
peut quand même ratifier ce protocole. Nonobstant le fait qu’il apparaît
surprenant que l’on puisse accorder à un Etat le droit de devenir partie à un
protocole - qui plus est facultatif - sans l’être à la Convention qu’il
complète, il est particulièrement grave qu’une disposition d’un texte
international soit incluse uniquement pour satisfaire un Etat en particulier, en
l'occurrence les Etats-Unis. Auparavant, seul le Protocole de 1967 à la
Convention sur les réfugiés de 1951 prévoyait un tel cas de figure.
C’est pourquoi la France et la Suède ont bien souligné au moment de l’adoption
de ce Protocole que cette situation ne devait en aucun cas constituer un
précédent en droit international.
Conclusion
Face aux multiples
interprétations possibles de plusieurs des dispositions clés de ce Protocole
facultatif, le contrôle de la mise en œuvre qui sera exercé par le Comité des
droits de l’enfant en vertu de l’article 8 de cet instrument sera capital. Il
lui appartiendra notamment de veiller à ce que les Etats parties n’ont pas
déposé de déclarations au moment de leur ratification qui dénaturent l’objet et
le but du traité. Par ailleurs, il devra faire tout ce qui est en son pouvoir
pour donner une interprétation « généreuse » de ce texte pour assurer une
meilleure protection des droits de l’enfant. A cet égard, les directives
qu’il a adoptées pour aider les Etats parties dans la rédaction de leur rapport
qu’ils devront lui soumettre contiennent d’ores et déjà des signes d’une telle
interprétation.
* * *
NOTES
L'auteur a mis en place à titre personnel un site Internet sur « Les droits de
l'enfant » [http://www.geocities.com/joelmermet].
Copyright : © 2002 Joël Mermet. Tous droits réservés. Impression
et citations : Seule la version
au format PDF fait référence.
Mode
officiel de citation :
MERMET Joël. - "Protocole facultatif à la
Convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants
dans les conflits armés : quel progrès pour la protection des droits de l'enfant
?". - Actualité et
Droit International, juin 2002. [http://www.ridi.org/adi].
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