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  LES RELATIONS ENTRE L'UEO ET L'UE
DANS LE CADRE DES DISPOSITIONS DU TRAITÉ SUR L'UE
 

par

Kamuran Reçber*

Docteur en droit

 

 

Résumé : Les relations de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) avec l’Union européenne (UE) se sont orientées vers la subordination de la première à la seconde, à travers les dispositions du Traité sur l’UE (TUE). Dans ce traité, la marge de manoeuvre de l’UEO a été restreinte, dans l’intention d’en faire une partie “intégrante du développement de l’Union européenne”. Le TUE indique que l’UE peut avoir recours à l’UEO pour élaborer et mettre en œuvre les décisions et les actions de l’UE qui ont des implications dans le domaine de la défense et de la sécurité. Cela signifie que l’UEO agit non seulement par rapport aux dispositions de son Traité constitutif, mais aussi par rapport à celles du TUE.

Abstract : The Western European Union (WEU) has become dependent on European Union (EU) by the provisions of the Treaty on EU. With this treaty, the operational capability of the WEU, which is qualified as “an integral part of the development of EU”, had been restricted. The Treaty puts in order that, EU can apply to the WEU for bringing into force its own decisions and preparing its own operations which are related the topics about security and defence. This means that WEU does not just move according to its own constitutional Treaty’s provisions, but also within the framework of EU's provisions.

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INTRODUCTION

 

 

Depuis sa création, l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) entretient des relations assez étroites avec les Communautés européennes (CE)[1]. Les CE, bien que n'étant pas formellement dotées de compétences en matière de défense, se sont pourtant penchées sur la politique étrangère et de défense commune[2]. Les initiatives de quelques pays européens - en particulier la France - ont progressivement conduit, à partir de la ratification de l'Acte unique européen[3], à l'ébauche d'une identité européenne commune de sécurité et de défense[4].

 

Le Traité sur l'Union européenne (TUE), signé à Maastricht le 7 février 1992 et entré en vigueur le 1er novembre 1993, est le premier texte à contenir des dispositions concrètes à ce sujet. Ledit Traité a été révisé et modifié par le Traité d’Amsterdam, signé le 1er octobre 1997. Selon l'article 17 du titre V de ce dernier traité, l'UEO est désormais considérée comme partie intégrante du développement de l’Union européenne (UE)[5]. Du point de vue juridique, on pourrait dire que le TUE a limité l'autonomie de l'UEO à l'égard de l'UE. Autrement dit, le TUE a subordonné l’UEO à l’UE.

 

On s’efforcera dans le présent article de présenter les relations entre l’UEO et l’UE par rapport aux dispositions du TUE. A travers l'analyse des dispositions de titre V du TUE, une première partie sera donc consacrée aux conséquences du TUE pour l’UEO. Le deuxième partie sera l’occasion d’étudier le rôle opérationnel de l’UEO au nom de l’UE, en présentant en même temps la capacité militaire de l’UE dans le système de sécurité et de défense européennes.

 

 

I. - LE TUE ET LES CONSÉQUENCES POUR L'UEO

 

 

Le Traité d’Amsterdam est une étape supplémentaire dans le renforcement de l'intégration européenne. Il prévoit en effet que les Etats membres de l'UEO réunissent progressivement les moyens dont ils disposent, individuellement et collectivement, en vue de répondre à la nouvelle situation politico-stratégique de l'Europe et de jouer un rôle plus actif dans le système international. Ce traité pourrait être considéré comme une tentative de réponse à la fin de la bipolarité en Europe. La deuxième phrase du préambule du TUE évoque d'ailleurs explicitement “la fin de la division du continent européen et la nécessité d'établir des bases solides pour l'architecture de l'Europe future”.

 

 

A. - L’UEO, bras armé de l'UE

 

L’UEO peut être considérée, conformément aux dispositions du TUE, comme le bras armé de l’UE. L'UEO a par ailleurs été chargée, par le paragraphe 3 de l'article 17 de ce Traité, à la demande de l'UE, “d'élaborer et de mettre en oeuvre les décisions et les actions de l'Union qui ont des implications dans le domaine de la défense[6].

 

Les questions visées dans le paragraphe 2 de l’article 17 du TUE comportent “les missions humanitaires et d’évacuation, les missions de maintien de la paix et les missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris les missions de rétablissement de la paix”. Selon ce paragraphe, on pourrait dire que l'UEO est partiellement chargée de la sécurité de l'UE. D'autre part, dans ses articles 2 du titre I et 17 du titre V, le TUE fait la différence entre “la  politique étrangère et de sécurité commune”, la “politique de défense commune” et la “défense commune”. L’article 2 du titre I souligne que “l'Union se donne pour objectifs : (....) d'affirmer son identité sur la scène internationale, notamment par la mise en œuvre d'une politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune, qui pourrait conduire à une défense commune (....)”. Ces termes sont repris dans le premier paragraphe de l'article 17 du titre V.

 

D’autre part, il convient de dire que la Déclaration des Etats membres de l'UEO du 10 décembre 1991 annexée au Traité de Maastricht contient aussi des dispositions à ce sujet. Il est prévu que “l'UEO sera développée en tant que composante de défense de l'Union européenne (....). A cette fin, elle formulera une politique de défense européenne commune et veillera à sa mise en œuvre concrète en développant plus avant son propre rôle opérationnel[7]. En outre, la Déclaration des Etats Membres de l’UEO du 22 juillet 1997 annexée au Traité d’Amsterdam réaffirme ces dispositions et souligne l'importance de l'avenir de l'UEO en tant qu’élément futur de défense de l'UE. Elle associe aussi étroitement l'UEO et l'UE.

 

L'élaboration et la mise en œuvre des décisions et des actions de l'UE ont été prévues pour une période indéterminée. Il est clair que l'Union s'adressera à l'UEO lorsque les Etats membres se saisiront de questions de sécurité ou de défense. Toutefois, le paragraphe 3 de l'article 17 ne contient pas un mandat général donnant à l'UEO un pouvoir d'action. Il ne permet à l'UE que de présenter à l'UEO des demandes précises, au cas par cas. Cela signifie que l'UEO a été mise à la disposition de l'UE. Dans ce cas, on ne pourrait plus parler d'autonomie de l'UEO dans le système de la sécurité et de la défense européennes[8].

 

Si l’UE a recours à l’UEO pour élaborer et mettre en œuvre ses décisions et ses actions, la procédure de ce recours, mentionnée dans le paragraphe 3 de l'article 17, n’est pas explicitement précisée. Mais les décisions relevant de ce paragraphe sont prises à l'unanimité au sein du Conseil des CE. Il convient de dire que les membres de l’UE présents ou représentés ne font pas obstacle à l’adoption de ces décisions[9]. Dans sa dernière phrase, l’alinéa 3 du paragraphe 3 de l’article 17 du Traité d’Amsterdam précise que “le Conseil, en accord avec les institutions de l'UEO, adopte les modalités pratiques nécessaires”. Dans ce but, le Conseil de l’UE a pris le 10 mai 1999 une décision concernant les modalités pratiques relatives à la participation de tous les Etats membres aux missions prévues dans l’article 17, paragraphe 2, du TUE, pour lesquelles l’UE a recours à l’UEO[10].

 

En outre, une pareille décision a été prise par le Conseil de l’UE en ce qui concerne les arrangements visant à améliorer la coopération entre l’UEO et l’UE[11]. Ces arrangements visent à renforcer la coordination des processus de consultation et de prise de décision de chacune des organisations, en particulier dans des situations de crise. Les organes compétents des deux organisations tiennent des réunions conjointes, coordonnent étroitement leurs activités, y compris par l’échange et le détachement de membres du personnel. Les organes compétents de l'UE, comme l’Unité de planification de la politique et d’alerte rapide, peuvent avoir recours aux ressources de la Cellule de planification, du Centre de situation et du Centre satellitaire de l’UEO, entre autres.

 

L'annexe IV du chapitre IV du document concernant la mise en œuvre du Traité de Maastricht, approuvée par le Conseil européen le 29 octobre 1993, contient des précisions à ce sujet : “[l]orsque l'Union européenne aura demandé à l'UEO d'élaborer et de mettre en oeuvre ses décisions et actions ayant des implications dans le domaine de la défense, l'UEO acceptera cette demande conformément aux procédures de prise de décision de cette organisation et mènera toutes les actions concernant une telle demande d'une manière qui soit tout à fait compatible avec la politique générale instaurée par l'Union européenne[12]. Cette disposition complète le paragraphe 2 de l'article J.4 du Traité de Maastricht. En revanche, le paragraphe 2 de l’article 17 du Traité d’Amsterdam inclut les missions humanitaires, d’évacuation, de maintien de la paix et de forces de combat pour la gestion des crises, y compris les missions de rétablissement de la paix (dites missions de Petersberg). L’UE peut avoir recours à l’UEO pour élaborer et mettre en œuvre les décisions et actions concernant ces missions (article 17, paragraphes 2 et 3). Dans ce cas, le Conseil européen définit des orientations conformément à l’article 13 du TUE pour que l’UEO puisse mettre en œuvre ces orientations.

 

 

B. - L'UEO et les décisions prises par les institutions de l’UE dans le cadre des dispositions du TUE

 

Il convient de préciser que c'est le Conseil européen - qu'on peut qualifier d'organe intergouvernemental - qui définit les principes et les orientations générales de la politique étrangère et de sécurité commune, y compris ceux qui concernent les questions ayant des implications en matière de défense (article 13, paragraphe 1 du TUE). Le Conseil européen recherche avant tout des solutions politiques et privilégie la méthode communautaire, afin de transformer les décisions politiques en décisions juridiquement opérantes[13]. C’est-à-dire que sur la base des orientations générales définies par le Conseil européen, le Conseil de l’UE peut prendre les décisions nécessaires à la définition et à la mise en oeuvre de la politique étrangère et de sécurité commune. D’autre part, le Conseil de l’UE arrête des actions communes (article 14, paragraphe 1) et des positions communes (article 15)[14]. Si une action de l’UE est jugée nécessaire dans certaines situations, le Conseil de l’UE a le droit d’adopter des actions communes en précisant leurs objectifs, leur portée et leur durée. D’autre part, en cas de nécessité, le Conseil de l’UE peut arrêter des positions communes concernant la définition de la position de l’UE sur une situation particulière de nature géographique ou thématique.

 

Pour appliquer les principes et les orientations générales du Conseil européen, il faut que le Conseil de l’UE prenne les décisions nécessaires en vue d’empêcher une éventuelle violation de responsabilité dans le droit communautaire. Car la personnalité juridique internationale de l’UE est discutable. A ce propos, il est généralement admis que l’UE n'est pas dotée de la personnalité juridique internationale. Le TUE n’ayant pas explicitement attribué de personnalité juridique à l’UE, celle-ci doit agir par l’intermédiaire des Communautés et/ou de ses Etats membres, notamment au sujet des actes qui concernent des engagements juridiques vis-à-vis de l’extérieur[15].

 

Lorsque l’UE a recours à l’UEO pour élaborer ou mettre en œuvre les décisions et les actions de l’UE, l’UEO agit conformément aux orientations définies par le Conseil européen[16]. Dans le cadre du paragraphe 3 de l’article 17 du TUE, les demandes de l'UE lient l'UEO. Elles revêtent un caractère obligatoire. Il n’y a a priori pas d’interdiction ni dans le TUE ni dans le Traité de Bruxelles modifié pour que l'UEO l'approuve conformément à sa procédure de prise de décision. En vertu du paragraphe 4 de l'article VIII du Traité de Bruxelles modifié, le Conseil de l'UEO “prend à l'unanimité les décisions pour lesquelles une autre procédure de vote n'aura pas été ou ne sera pas convenue”. Dans ce cas, sur un plan purement juridique, un Etat membre peut empêcher l'acceptation de la demande de l'UE[17], mais d'un point de vue politique, cela paraît impossible, car tous les membres de l'UEO sont en même temps membres de l'UE. Ainsi, au sein de cette dernière, ils sont préalablement déjà d'accord sur la demande que l'UE adressera à l'UEO.

 

D’autre part, chaque fois que l’UE a recours à l’UEO pour que cette dernière puisse élaborer et mettre en œuvre les décisions de l’UE concernant les missions mentionnées au paragraphe 2 de l’article 17 du TUE, tous les Etats membres ont le droit de participer pleinement à ces missions. Le Conseil de l’UE, en accord avec les organes compétents de l’UEO, “adopte les modalités pratiques nécessaires pour permettre à tous les Etats membres apportant une contribution aux missions en question de participer pleinement et sur un pied d’égalité à la planification et à la prise de décision au sein de l’UEO[18]. A ce propos l’UEO doit développer le rôle de ses observateurs conformément aux dispositions de l’article 17, paragraphe 3, et adopter les modalités pratiques nécessaires pour permettre à tous les États membres de l’UE d'apporter une contribution aux missions menées par l’UEO à la demande de l’UE[19].

 

 

II. – LA CAPACITÉ MILITAIRE DE L’UE ET LES ACTIONS MILITAIRES DE L'UEO AU NOM DE L'UE

 

 

A. - La capacité militaire de l’UE

 

Dans les zones de crise et de conflit de l’Europe du Sud-Est (Bosnie-Herzégovine, Albanie et Kosovo, notamment), “la cessation des hostilités imposée aux belligérants a été suivie par la mise en place d'un grand nombre” de forces étrangères chargées de préserver et rétablir la paix[20]. L'UE, n'ayant pas de puissance militaire, n’a pas pu jouer un rôle efficace à elle seule au cours de ces affrontements. Il est clair qu'il ne suffisait pas de doter l'UE d'un pouvoir décisionnel en matière de sécurité et de défense. Il aurait fallu également qu'elle ait des moyens militaires. En effet, si l'UE adopte actuellement une action militaire commune sur un conflit international afin de maintenir et de rétablir la paix, elle ne pourra pas agir toute seule en raison de ses carences militaires. En d'autres termes, des solutions politiques et diplomatiques peuvent être efficaces si celles-ci “s'appuient sur des moyens militaires crédibles et sur la volonté d'employer ceux-ci contre un agresseur[21].

 

Au cours des derniers Conseils européens (Cologne, Helsinki, Santa Maria da Feira, Nice, Göteborg et Laeken), les Etats membres ont continuellement plaidé pour la création d'une force de réaction capable de servir leurs intérêts militaires et sécuritaires. Les changements institutionnels nécessaires ont été opérés dans le TUE. On a défini la nature et la taille de la force, établi le processus de décision de l’utilisation de cette force et la participation des Etats membres et des membres de l’OTAN, en précisant qu’une telle force sera opérationnelle en 2003[22].

 

Le Conseil européen, lors du sommet d’Helsinki, a adopté les deux rapports de la présidence sur le développement des moyens de l’UE pour la gestion militaire et non militaire des crises dans le cadre d’une politique européenne commune renforcée en matière de sécurité et de défense (voir le paragraphe 25 des Conclusions de la Présidence du Conseil européen d’Helsinki). Dans ce but, il a décidé que : “coopérant volontairement dans le cadre d’opérations dirigées par l’UE, les Etats membres devront être en mesure, d’ici 2003, de déployer dans un délai de 60 jours et de soutenir pendant au moins une année des forces militaires pouvant atteindre 50 000 à 60 000 personnes, capables d’effectuer l’ensemble des missions de Petersberg ; de nouveaux organes et de nouvelles structures politiques et militaires seront créés au sein du Conseil pour permettre à l’Union d’assurer l’orientation politique et la direction stratégique nécessaires à ces opérations, dans le respect du cadre institutionnel unique ; (....)”. Au sein du Conseil européen, il a été prévu que de nouveaux organes politiques et militaires permanents seraient créés - un Comité politique et de sécurité (COPS) permanent, un Comité militaire (CM) et un Etat-major militaire (EM)[23].

 

Est-ce que l'UEO peut actuellement combler la lacune militaire de l'UE ? Il semble difficile pour l'UEO de jouer un rôle important au nom de l'UE dans les conflits internationaux, car l’UEO ne dispose pas des capacités militaires suffisantes[24]. Il est évident que l'UE n'a pas actuellement de moyens militaires, mais elle a la possibilité de contribuer à la résolution des crises internationales par ses moyens financiers. Le rôle joué par l'UE dans la réorganisation de l'administration de Mostar dépasse cependant le simple cadre financier. L'UEO a été étroitement associée à ce projet, conformément au point 1 de l'Annexe IV.

 

 

B. - Les actions militaires de l'UEO au nom de l'UE

 

Les crises et conflits divers qui secouent l'Europe du Sud-Est depuis 1991 constituent des problèmes difficiles pour l'Europe occidentale. Ces crises ont servi de test concret pour la sécurité et la défense européennes communes et pour les relations entre l’UE et l'UEO. Les divergences entre Etats membres de l’UE ont constitué un problème majeur pour résoudre ces conflits. Par exemple, les gouvernements des Etats membres de l'UE ont tenté de mettre fin à la guerre en ex-Yougoslavie. Ils ont proposé une conférence de paix entre les parties et appliqué un embargo économique et militaire sur l'ex-Yougoslavie, mais la guerre n'a pas cessé. L'UE, en tant que principale organisation politique et sécuritaire de la nouvelle Europe, n’a pas réussi à résoudre ce conflit[25]. Tout en apparaissant comme un acteur de stabilité, de coopération et d'intégration en Europe, elle n'a pas pu démontrer sa capacité autonome d'intervention en ex-Yougoslavie. Le problème de la reconnaissance des Républiques de l'ex-Yougoslavie en 1991 a révélé les divergences entre les Etats membres. Les ministres des Affaires étrangères de l'UE, réunis à Bruxelles le 16 décembre 1991, sont parvenus à un compromis sur la reconnaissance des Républiques de l'ex-Yougoslavie. Ils ont accepté de ne prendre une décision définitive que le 15 janvier 1992, après l'avis rendu par la Commission d'arbitrage présidée par Robert Badinter. Mais l'Allemagne n'a pas respecté ce compromis. La Commission Badinter était chargée de vérifier si la législation des Républiques sécessionnistes garantissait les droits de l'homme et en particulier la protection des minorités[26].

 

Après l'accord de Dayton entre les parties croate et bosniaque, l'UEO a été invitée par l'UE à apporter sa contribution à Mostar[27]. La première demande formulée par l'UE le 4 octobre 1993 à Luxembourg précisait qu'il convenait “d'étudier, en ce qui concerne l'administration de Mostar, le soutien que l'UEO pourrait apporter en matière d'organisation d'une force de police et d'amélioration de certaines fonctions logistiques vitales, en particulier dans le domaine médical[28]. Un groupe de police de l'UEO a été envoyé à Mostar.

 

Pour le Conseil de l'UEO, l'affaire de Mostar constituait le premier exemple d'une coopération concrète entre l’UEO et l'UE dans l'esprit du paragraphe 3 de l'article 17 du TUE et de la déclaration de Noordwijk du 14 novembre 1994[29]. L'UEO avait été chargée de contribuer à l'unification des deux forces de police de Mostar. Mais cet épisode n'a pas véritablement fourni la preuve de la crédibilité de l'UEO. La mission confiée à l’UEO à Mostar visait simplement à rétablir la stabilité et la sécurité dans une petite ville de Bosnie-Herzégovine. Les Etats membres ont participé à titre individuel à la constitution d'un détachement de police de l'UEO[30].

 

En Albanie, l'UEO a été chargée par l'UE de mettre en place un élément multinational de conseil en matière de police (EMCP). L’objectif de celui-ci visait à aider le gouvernement albanais à reconstituer ses forces de police[31]. D’autre part, l’UE a demandé au Centre satellitaire de l'UEO, sur la base du paragraphe 2 de l'article J.4 (actuellement le paragraphe 3 de l’article 17) du TUE, de mener une mission de surveillance générale de la sécurité dans la région du Kosovo. Dans une première phase - depuis novembre 1998 -, le Centre satellitaire a recueilli des informations concernant l'état de l'application des accords de Belgrade (les 15-16 octobre 1998) et la situation des réfugiés et personnes déplacées[32].

 

 

CONCLUSION

 

 

Le TUE prévoit une politique étrangère et de sécurité commune, incluant l'ensemble des questions relatives à la sécurité de l'UE, y compris la définition à terme d'une politique de défense commune. Depuis la ratification du TUE, un partenariat a été constitué entre l'UEO et l'UE. La première a perdu partiellement son autonomie en appliquant les demandes du Conseil de l’UE relatives aux questions de sécurité et de défense.

 

Les dispositions du paragraphe 3 de l'article 17 du TUE qui sont citées ci-dessus reflètent la domination de l'UE sur l'UEO. Dans ce paragraphe, si la formule utilisée était : “l'Union peut demander à l'UEO (...)”, on aurait pu apporter un tempérament à ce constat. Malgré l'existence du paragraphe 3 de l'article 17, l'UEO garde toujours sa personnalité juridique internationale[33], mais ce paragraphe limite le contenu de cette personnalité. Autrement dit, la marge de manœuvre de l'UEO dans le domaine de la défense se voit limitée par ce paragraphe. D'autre part, l’UE veut développer sa dimension de sécurité et de défense. A ce sujet, sous l'impulsion de la présidence belge, le Conseil de l’UE a transformé, le 20 juillet 2001, l'Institut d’études de sécurité de l’UEO en agence de l'UE.

 

Lors d’une crise ou un conflit spécifique, si l'UE “est politiquement et économiquement confrontée à” une telle crise ou à tel conflit, elle pourra demander “un soutien supplémentaire de l'UEO” (observateurs militaires, cessez-le-feu, maintien de la paix et suivi des sanctions). Dans la pratique, toute action coercitive armée de l'UE reste subordonnée à une autorisation du Conseil de sécurité des Nations Unies[34]. Le développement de la politique de sécurité et de défense européenne commune renforce la contribution de l'UE à la paix et à la sécurité internationales conformément aux principes de la Charte des Nations Unies. L'UE reconnaît la responsabilité première du Conseil de sécurité des Nations Unies en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales.

 

Actuellement, si les intérêts de l'UE en matière de sécurité sont directement concernés et s'il faut apporter un soutien logistique à une action humanitaire, l'UE peut également demander une aide militaire à l'UEO. Mais, le Traité de Nice a modifié et supprimé certaines dispositions du TUE concernant les relations entre l’UEO et l’UE. Lorsque les modifications faites par le Traité de Nice entreront en vigueur - après la ratification par tous les États membres de l’UE conformément à leurs règles constitutionnelles respectives -, l’UE ne pourra plus avoir recours à l’UEO en utilisant les dispositions du TUE. En effet, les dispositions du TUE - notamment l’article 17 - qui soulignent les relations entre l’UE et l’UEO ont été supprimées par le Traité de Nice. Cela nous montre que l’UE veut développer sa capacité militaire à l’extérieur de l’UEO dans le système de sécurité et de défense européennes. Dans ce cas, l’UEO devient encore une organisation marginale comme dans la période de bipolarité.

 

 

* * *

 

 


NOTES

 

* L'auteur est Maître assistant au Département des Relations internationales de la Faculté des Sciences économiques et administratives de l’Université d’Uludag (Bursa-Turquie).

[1] Les Communautés européennes (CE) se composent de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), de la Communauté européenne (CE) et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA).

[2] A ce propos, voir MASCLET Jean-Claude, L’union politique de l’Europe, PUF, 1973, passim ; ZORGBIBE Charles, “Manifeste pour une défense européenne de l’Europe", Studia Diplomatica, vol. XXXVII, No 3, 1984, pp. 319-338 ; STORY Jonathan, “La Communauté européenne et la défense de l’Europe”, Studia Diplomatica , vol. XLI, No 3, pp. 271-272 ; BURBAN Jean-Louis, “La Communauté Européenne et la Défense”, Défense Nationale, 36e année, juillet 1980, pp. 97-108.

[3] Voir Journal Officiel des CE, L 169 du 29 juin 1987.

[4] Voir le paragraphe 2 de l’article 50 du TUE (ancien article P).

[5] L’alinéa 2 du paragraphe 1 de l’article 17 du TUE. Mais cet alinéa a été supprimé par le Traité de Nice signé le 26 février 2001 modifiant le TUE, les Traités instituant les CE et certains actes connexes. Toutefois, le Traité de Nice n’a pas été encore ratifié par les 15 Etats membres de l’UE conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Le processus de ratification en cours se poursuivra jusqu'en 2002. A ce propos, voir [http://europa.eu.int/eur-lex/fr/treaties/dat/nice_treaty_fr.pdf].

[6] Ce paragraphe a été aussi supprimé par le Traité de Nice.

[7] Point 2 de la Déclaration des Etats membres, voir Annuaire européen, vol. XXXIX, 1991, pp. 30-34.

[8] ORTEGA Martin, “Quelques questions juridiques”, in LENZI Guido, L’UEO a cinquante ans, Institut d’Etudes de Sécurité de l’UEO, Paris, 1998, p. 13.

[9] L’alinéa 1 du paragraphe 1 de l’article 23 du TUE.

[10] A ce propos, voir Journal Officiel des CE, L 123 du 13 mai 1999, pp. 14-17.

[11] A ce propos, voir Journal Officiel des CE, L 153 du 13 mai 1999, pp. 1-27.

[12]Voir FERRARI M., “L’UEO dans le processus de l’Union Européenne - Réponse au trente-neuvième rapport annuel du Conseil”, Rapport présenté au nom de la Commission politique de l’Assemblée de l’UEO, Document No 1417, le 10 mai 1994, p. 11. En outre, voir le premier paragraphe du  point 2 de l'annexe IV du document IV concernant la mise en œuvre du Traité de Maastricht, transmis par le Conseil à l’Assemblée, 23 mars 1994, Actes Officiels de l’Assemblée de l’UEO, Document No 1412, juin 1994, pp. 51-52.

[13] Voir PNEVMATICOU Lydia N., Aspect juridiques de la politique européenne de sécurité et de défense, Publication occasionnelle No 31 de l’Institut d’Etudes de Sécurité de l’UEO, novembre 2001, pp. 8-9. Pour la nature juridique et éventuels effets de droit des Conclusions et des actes du Conseil européen, voir PNEVMATICOU Lydia N., op. cit., pp. 8-14.

[14] Voir ORTEGA Martin, “L’intervention militaire et l’Union européenne”, Cahiers de Chaillot, No 45, Institut d’Etudes de Sécurité de l’UEO, Paris, 2001, p. 112.

[15]Pour de plus amples renseignements concernant la personnalité juridique de l’UE, voir ARSAVA Ayşe Füsun, Amsterdam  Anlaşmasının Avrupa Birliği Hukukuna Katkıları (Makaleler Derlemesi), Ankara Üniversitesi Siyasal Bilgiler Fakültesi Yayınları No 589, Ankara, 2000, pp. 18, 30-31, 35-37 ; “La personnalité juridique de l’Union”, Fiche thématique No 20 (1ére mise à jour : 30 janvier 1996), [http://www.europarl.eu.int/igc1996/fiches/fiche20_fr.htm] ; “Rapport du Groupe de réflexion”, Bruxelles, le 5 décembre 1995, [http://www.europarl.eu.int/enlargement/fr/reflex6.htm]. D'autre part, les CE ont la personnalité juridique internationale (voir PESCATORE Pierre, “Relations Extérieures des Communautés”, Recueil des Cours de l’Académie de Droit International, 1961, vol. II ; GENÇ Mehmet, Avrupa Topluluklarının Kurumsal ve Hukuksal Yapısı, Uludağ Universitesi Güçlendirme Vakfı Yayını, No 72, Bursa, 1993, pp. 29-35; TEKINALP Ünal/TEKINALP Gülören, Avrupa Birliği Hukuku, 2. Baskı, Beta Yayım Dağıtım A.Ş., İstanbul, 2000, pp. 41-44, PAZARCI Hüseyin, Uluslararası Hukuk Açısından Avrupa Ekonomik Topluluğu’nun Yaptığı Andlaşmalar, Ankara Üniversitesi Siyasal Bilgiler Fakültesi Yayınları, Ankara, 1978, pp. 19-31; GÜNUGUR Haluk, Avrupa Topluluğu Hukuku, Avrupa Ekonomik Dayanışma Merkezi, Ankara, 1996, pp. 5-6).

[16] Voir le point 5 de la Déclaration de l’UEO sur le rôle de l’UEO et sur les Relations avec l’UE et avec l’Alliance Atlantique annexée au Traité d’Amsterdam.

[17] Selon Martin Ortega, “lorsque l’UEO agit sur les indications de l’UE, elle lui est subordonnée parce qu’il n’existe ni double mécanisme décisionnel ni ‘filtre’ politique supplémentaire à la disposition de son Conseil” (voir ORTEGA Martin, “Quelques questions (...)”, loc. cit.).

[18] Alinéa 3 du paragraphe 3 de l'article 17 du TUE.

[19] Point 6 de la Déclaration des Etats Membres de l’UEO du 22 juillet 1997 annexée au Traité d’Amsterdam.

[20] HANCOCK et PONSONBY, “Missions de police internationale dans l’Europe du Sud-Est”, Rapport présenté au nom de la Commission politique de l’Assemblée de l’UEO, Document No 1721, 7 décembre 2000. Voir [http://www.weu.int/assembly/fra/rapports/1721a.html].

[21] Discours de Manfred Worner, ancien secrétaire général de l'OTAN. Voir VUILLEMIN Jean-Marie, “Une Europe de la défense ‘opérationnelle’ est organique”, Défense nationale, novembre 1996, pp. 56-57.

[22] Voir ORTEGA Martin, “L’intervention militaire (...)”, op. cit., p. 117.

[23] Voir [http://ue.eu.int/fr/Info/eurocouncil/index.htm]. A partir du 1er mars 2000, des organes intérimaires ont été constitués et ont commencé à fonctionner. Le COPS, le Comité militaire et l’Etat-major ont été institués comme des organes permanents le 22 janvier 2001 par la décision du Conseil de l’UE (voir Journal Officiel des CE, L 27 du 30 janvier 2001, pp. 1-9 ; PNEVMATICOU Lydia N., op. cit., pp. 2-4, 14-19). Les nouveaux organes politiques et militaires permanents sont donc mis en place au sein du Conseil. Pour les structures et missions de ces organes, voir [http://ue.eu.int/pesc/military/fr/homefr.htm].

[24]Voir Actes Officiels de l’Assemblée de l’UEO, première partie, Document No 1411, juin 1994, pp. 51-52. Le Conseil de l’UE a pris beaucoup de décisions concernant le paragraphe 3 de l’article 17 du TUE. Par exemple : 96/670/PESC : Décision du Conseil du 22 novembre 1996, relative à l'élaboration et à la mise en oeuvre de l'action commune de l'Union dans la région des Grands Lacs (Journal Officiel des CE, L 312 du 02 décembre 1996, p. 3) ; 98/547/PESC : Décision du Conseil du 22 septembre 1998, relative à l'étude de faisabilité d'opérations internationales de police afin de porter assistance aux autorités albanaises (Journal Officiel des CE, L 263 du 26 septembre 1998, pp. 1-2) ; 98/628/CE : Décision du Conseil du 9 novembre 1998, concernant la mise en oeuvre d’une décision du Conseil relative à une action spécifique de l’Union dans le domaine de l’assistance au déminage (Journal Officiel des CE, L 300 du 11 novembre 1998, pp. 2-3) ; 98/646/CE : Décision du Conseil du 13 novembre 1998, relative au suivi de la situation au Kosovo (Journal Officiel des CE, L 308 du 18 novembre 1998, pp. 1-2) ; 1999/190/PESC : Décision du Conseil du 9 mars 1999, concernant la mise en oeuvre de l’action commune relative à la contribution de l’UE au rétablissement d’une force de police viable en Albanie (Journal Officiel des CE, L 063 du 12 mars 1999, pp. 3-4).

[25] En ce qui concerne le rôle de l'UE dans la guerre de l'ex-Yougoslavie, voir DAVID Dominique, “La Communauté entre la paix et la guerre”, Politique étrangère, 58e année, No 1, printemps 1993, pp. 79-91 ; DAVID Dominique, “L'Europe des Douze et la Yougoslavie : leçons d'une impuissance”, Le Trimestre du Monde, 4e trimestre, 1993, pp. 129-138 ; PAYE Olivier et REMACLE Eric, “L'Union européenne et les organisations internationales à l'épreuve”, in BUFFOTOT Patrice, La défense en Europe : de la guerre du Golfe au conflit yougoslave, les études de la Documentation française, Paris, 1995, pp. 203-214 ; GNESOTTO Nicole, “La Défense européenne au carrefour de la Bosnie et de la CIG”, Politique étrangère, 61e année, No 1, printemps 1996, pp. 113-124 ; BEAUCHAMP Damien, “L'Alliance atlantique, une chance pour la défense européenne”, Politique internationale, No 74, hiver 1996-1997, pp. 273-283.

[26] Voir JOHNTSON Sir Russell, “Les enseignements à tirer du conflit yougoslave”, Rapport présenté au nom de la Commission de Défense de l’Assemblée de l’UEO, Document No 1395, le 9 novembre 1993 ; GARDE Paul, “Ex-Yougoslavie : le fiasco de la ‘Communauté internationale’”, Politique internationale, No 68, été 1995, pp. 159-160.

[27] Les habitants de cette ville au centre de la Bosnie Herzégovine sont croates et musulmans. Au cours de la guerre en ex-Yougoslavie, Mostar a été divisée en deux. L'UE a assumé l'administration de cette ville afin d'établir la sécurité publique et de construire une force de police croato-musulmane, avec le concours d'un détachement de police fourni par l'UEO.

[28] Actes Officiels de l'Assemblée de l'UEO, op. cit., juin 1994, p. 50.

[29] Annuaire européen, vol. XLII, 1994, pp. 45-61.

[30] REÇBER Kamuran, Le Rôle de l’Union de l’Europe Occidentale dans le système de sécurité et de défense européennes, Presses Universitaires du Septentrion, Villeneuve d’Ascq, 1998, pp. 280-281. Le mandat de la force de police de l'UEO s’est terminé à partir du 15 octobre 1996. ROSETA Pedro, “ Le processus de la paix dans les Balkans ”, Rapport présenté au nom de la Commission politique de l’Assemblée de l’UEO, Document No 1540, le 15 octobre 1996, p. 11. Actuellement, la force de police internationale de l'ONU (IPTF) a remplacé le rôle de l'UEO comme prévu à l'annexe des Accords de Dayton (Ibid., p. 13).

[31] Au sujet de la création de l'EMCP en Albanie, voir GIANNATTASIO, “Les forces de police de l'UEO - Réponse au rapport annuel du Conseil”, Assemblée de l’UEO, Document No 1609, le 13 mai 1998 ; PULGAR, “La perception publique de la contribution de l'UEO à la stabilisation de la démocratie en Albanie - Réponse au rapport annuel du Conseil”, Rapport présenté au nom de la Commission pour les relations parlementaires et publiques de l’Assemblée de l’UEO, Document No 1650, le 19 mai 1999 ; DURRIEU et MICHELOYIANNIS, “L'évolution de la situation dans l'Europe du Sud-Est”, Rapport présenté au nom de la Commission politique de l’Assemblée de l’UEO, Document No 1666, le 9 novembre 1999, passim.

[32] Pour de plus amples renseignements, Ibid.

[33] A propos de la personnalité juridique internationale de l’UEO, voir REÇBER Kamuran, “Batı Avrupa Birliği’nin Uluslararası Hukuk Kişiliği” (La personnalité juridique internationale de l’UEO), Ankara Üniversitesi Siyasal Bilgiler Fakültesi Dergisi, Sayı 57-1, 2002.

[34] Car le Conseil de sécurité utilise, s'il y a lieu, les organisations régionales “pour l'application des mesures coercitives prises sous son autorité. Toutefois, aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l'autorisation du Conseil de sécurité (...)” (paragraphe 1 de l’article 53 de la Charte des Nations Unies). Voir [http://www.un.org/french/aboutun/charte/]. Voir aussi ORTEGA Martin, “L’intervention militaire (...)”, op. cit., pp. 118-121.

 


 

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Mode officiel de citation :

Reçber Kamuran. - "Les relations entre l'UEO et l'UE dans le cadre des dispositions du Traité sur l'UE". - Actualité et Droit International, août 2002. [http://www.ridi.org/adi].

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