VERS DES
NORMES MINIMALES EUROPEENNES
CONCERNANT LA PROCEDURE D'OCTROI ET DE RETRAIT DU STATUT DE REFUGIE
REFLEXIONS SUR UNE
PROPOSITION DE DIRECTIVE
par
Michel Laurain
Magistrat, conseiller de cour d'appel à Colmar
Résumé :
L’asile, matière nouvellement communautaire, fait l’objet d’une proposition de
directive relative aux normes minimales européennes concernant l’octroi et le
statut de réfugié. Plutôt que de synthétiser les pratiques procédurales
actuelles des Etats, la future directive devrait résolument intégrer l’ensemble
des droits fondamentaux concernant directement ou indirectement la matière
(Convention européenne des Droits de l’Homme, principes fondamentaux du droit
communautaire mis en évidence par la Cour de Justice des Communautés
européennes, principes impliqués par une application intégrale de la Convention
de Genève relative aux réfugiés du 28 juillet 1951), ce qu’elle ne fait que
partiellement.
Impression
et citations : Seule la version
au format PDF fait référence.
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En exécution du Titre IV du
traité instituant la Communauté européenne, tel qu’il résulte du traité
d’Amsterdam du 2 octobre 1997, la Commission européenne a préparé un ensemble de
propositions concernant la politique commune en matière d’asile, dont certaines
ont déjà été adoptées.
Les plus importantes mesures
restent à décider : le rapprochement des règles sur la reconnaissance et le
contenu du statut de réfugié et des formes de protection subsidiaire, les
conditions minimales d’accueil des demandeurs d’asile, les règles de
détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile (règlement
Dublin II) et la définition des normes minimales communes concernant la
procédure d’octroi ou de retrait du statut de réfugié.
La Commission a, sur cette
question de la procédure, élaboré deux propositions de directives successives,
l’une du 20 septembre 2000 (COM.2000.578) et, à l’invitation du Conseil de
l’Union, une proposition révisée le 18 juin 2002 (COM.2002.326 final).
Cette proposition révisée révèle
une préoccupation d’efficacité et de gestion des flux des demandeurs d’asile ;
la garantie des droits, si elle y est affirmée, est assortie d’exceptions
importantes.
Il est vrai que, s’agissant
d’une directive, les Etats sont invités à n’y voir qu’un minimum procédural
garanti et que rien ne les empêche de prévoir des mécanismes de protection et
des précautions de procédure supérieures.
Mais l’expérience démontre qu’en
cette matière, les efforts consentis par les Etats sont limités au strict
minimum et qu’ils n’iront pas ou très peu au delà des règles que leur imposera
la future directive.
Elle doit donc être examinée
dans l’optique d’une application minimale, dans la perspective que les
Etats-membres n’en dépasseront pas les « standards ».
Or, force est de constater que
certaines de ces normes minimales sont inférieures aux droits garantis par les
conventions internationales ou les traités européens (I).
D’autres contiennent des
incertitudes et laissent aux Etats un pouvoir discrétionnaire tels que l’apport
communautaire sera nul dans le meilleur des cas, voire négatif (II).
L’occasion est pourtant
exceptionnelle de synthétiser, en un texte unique, un socle de principes et de
garanties applicables en Europe et, ce faisant, de dessiner les contours d’une
procédure simple, lisible, harmonisée (III).
I. – DES NORMES MINIMALES
INFERIEURES AUX GARANTIES RESULTANT DE L'APPLICATION DES INSTRUMENTS
INTERNATIONAUX
I-1
– Pour l’essentiel, l’architecture des procédures, telle que l’a conçue la
Commission est la suivante :
-
une procédure normale ;
-
une procédure accélérée qui concerne
les demandes irrecevables, les demandes manifestement infondées, les cas
d’irrecevabilité, les demandes dites « ultérieures », huit autres cas de
présomption de manque de sérieux de la demande, et les procédures d’entrée sur
le territoire (articles 23 à 35).
Les mêmes garanties sont prévues
pour les deux types de procédure (droit au dépôt de la demande, droit au séjour
pendant l’examen de la demande, examen approprié, individuel et impartial,
information sur les droits, accès à un conseil juridique, bénéfice d’un
interprète).
Les procédures sont dites
accélérées parce que les délais d’instruction sont plus courts (article 41‑1‑a)
et surtout parce que – on le verra – le caractère suspensif du recours est sujet
à des exceptions plus nombreuses que dans la procédure normale.
Le droit à « un recours effectif
devant une juridiction » est en effet prévu.
Le caractère suspensif du
recours est affirmé. Néanmoins, le droit du demandeur de demeurer sur le
territoire de l’Etat-membre, en cas de recours administratif ou juridictionnel,
peut être subordonné à une décision juridictionnelle spécifique rendue au vu de
la « situation personnelle » du requérant. Aucune expulsion ne peut avoir lieu
tant que cette décision sur le droit au séjour n’a pas été rendue.
Deux types d’exception sont
néanmoins envisagés :
-
dans le cadre de la procédure normale,
les Etats peuvent prévoir une exception à ce droit « pour le cas où il a été
décidé que, pour des motifs de sécurité nationale ou d’ordre public, le
demandeur d’asile ne doit pas rester sur le territoire de l’Etat-membre
concerné » (article 39‑4) ;
-
dans le cadre de la procédure
accélérée, l’éloignement peut être exécuté pendant la procédure de recours
lorsqu’une demande a été considérée comme irrecevable ou lorsqu’une précédente
demande tendant à rester sur le territoire a déjà été rejetée et qu’aucun fait
nouveau ne s’est produit ou encore lorsque l’examen d’une demande « ultérieure »
n’est pas poursuivi ou, enfin, lorsque des motifs de sécurité nationale ou
d’ordre public sont invoqués (article 40‑3‑d).
Ce dispositif de garanties
minimales doit être mis en regard avec les normes internationales qui s’imposent
à l’Union européenne.
I-2
– Des normes internationales de référence qui se combinent et se complètent.
Face à un requérant qui demande
le bénéfice de la Convention de Genève, les autorités ont deux questions à se
poser :
-
l’intéressé peut-il craindre avec
raison des persécutions au sens de l’article 1‑A 2 de cette Convention ?
-
un refoulement, à un stade quelconque
de la procédure, a-t-il pour effet de renvoyer l’étranger vers des frontières où
sa vie ou sa liberté seraient menacées pour l’un des motifs de la Convention
(article 33 de la Convention de Genève) ?
Ces deux questions doivent, pour
les Etats-membres de l’Union européenne également membres du Conseil de l’Europe
et par ailleurs liés par la Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, être aussi
abordées sous l’angle des articles 3 et 5 de la Convention européenne des Droits
de l’Homme (C.E.D.H.) et des articles 1 et 3 de la Convention contre la torture.
Certes, la définition des
persécutions au sens de l’article 1-A-2 de la Convention de Genève, celle des
traitements cruels, inhumains ou dégradants de l’article 3 de la C.E.D.H. ou la
définition de la torture contenue dans l’article 1 de la Convention de l’O.N.U.
de 1984 sont différentes.
Il est également exact que la
directive est consacrée à la détermination (appelée « octroi ») du statut de
réfugié.
Mais il apparaît nécessaire
d’harmoniser les impératifs procéduraux qui résultent de l’ensemble de ces
textes dont l’application est conjuguée, et parfois simultanée, du chef d’un
demandeur d’asile.
Cette convergence est appelée
par la proposition de directive elle-même puisqu’elle précise expressément que
les Etats pourront appliquer la directive aux procédures de protection
subsidiaire, c’est-à-dire essentiellement celles qui sont inspirées par
l’application de l’article 3 de la C.E.D.H. (article 3-3 de la proposition).
Au demeurant, il faut ajouter à
ces références celle qui résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice des
Communautés européennes (C.J.C.E.) mettant en évidence d’importants « principes
fondamentaux du droit communautaire ».
Or, cette juridiction, sous certaines conditions,
va devenir juridiction de contrôle du droit européen de l’asile.
Ce n’est pas un empilement mais
un entrelacs d’obligations internationales, dont l’application est, pour
certaines, contrôlée par des juridictions spécifiques, qui domine la matière
nouvellement communautaire.
La Convention européenne est, en
effet, devenue une norme de référence dans le droit de l’Union européenne.
L’article 6 § 2 du Traité de
l’Union Européenne, tel qu’il résulte du Traité de Maastricht, reprenant une
jurisprudence bien établie de la C.J.C.E., stipule que : « l’Union respecte les
droits fondamentaux tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne des
droits de l’homme signée à Rome le 4 novembre 1950 et tels qu’ils résultent des
traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant que principes
généraux du droit communautaire ».
La Cour de Luxembourg s’inspire,
d’une manière de plus en plus précise, non seulement des stipulations de la
C.E.D.H., mais également de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme (Cour E.D.H.), et la juridiction de Strasbourg examine, quant à elle, le
respect, par les Etats, de la Convention de Genève
et applique, lorsqu’elle le juge utile, le droit de l’Union européenne.
S’agissant de la Convention de
Genève, le texte de l’article 63-1 du T.C.E. lui réserve un sort particulier
puisqu’il impartit au Conseil d’arrêter « des mesures relatives à l’asile
conformes à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et au Protocole du 31
janvier 1967 relatifs au statut de réfugiés ainsi qu’aux autres traités
pertinents ». Cette conformité serait, en tout état de cause commandée par le
fait que tous les Etats membres de l’Union ont ratifié la Convention de Genève.
Elle est, de manière opportune, énoncée directement – sans le détour de la
réception de la Convention par les droits nationaux.
I-3
– La proposition de directive n’a pas intégré, dans toute leur exigence,
certaines des garanties combinées du droit européen et de la Convention de
Genève.
La garantie du non-refoulement
doit être absolue : la combinaison des articles 1-A-2 et 33 de la Convention de
Genève conduit à exiger que ne soit pas refoulée, expulsée, reconduite ou
extradée, vers les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait
menacée, toute personne craignant des persécutions pour l’une des raisons
figurant à l’article 1-A-2.
« Principe fondateur du droit
des réfugiés »,
l’obligation de non-refoulement s’applique aux demandeurs d’asile comme aux
réfugiés.
Dans la mesure où la procédure
de détermination n’est pas terminée, le demandeur d’asile est un réfugié
potentiel : le principe de non-refoulement rejoint, au demeurant, les prévisions
de l’article 3 de la C.E.D.H. puisque l’existence d’un risque sérieux et
avéré de traitements de la nature de ceux que prohibe ce texte suffit à en
caractériser la violation (Soering c/ Royaume Uni, 7 juillet 1989 ;
Chahal c/ Royaume Uni, 15 novembre 1996).
La détermination, c’est-à-dire
l’examen du risque, est préalable à toute décision d’éloignement et, en
conséquence, aucun éloignement n’est envisageable sans que la détermination,
dans toutes ses phases ne soit parfaitement achevée.
I-3-a
- A cet égard, un examen indépendant et impartial est une garantie
essentielle. On se souvient de la rigueur énoncée par la Cour E.D.H. dans sa
décision Chahal, précitée. La méthode qu’utilise la Cour afin de
déterminer le caractère réel et sérieux du risque de mauvais traitement, en
particulier quant à la charge de la preuve et au contenu de cette preuve, est
l’une de ces « normes minimales » dont doivent s’inspirer les institutions
européennes à la recherche d’un « standard » de ce que doit être un examen
sérieux, impartial et éclairé du risque de persécution au sens de
l’article 1‑A‑2 de la Convention de Genève.
Du point de vue de la charge de
la preuve, dans le cadre de son contrôle du motif avéré et sérieux, lorsque le
requérant invoque l’action de l’autorité publique de son pays d’origine, la Cour
exige, de l’Etat qui renvoie, des « assurances » sur l’absence de risque de
mauvais traitements (Chahal c/ Royaume Uni, § 92‑105 qui mentionne aussi
les assurances de l’Etat vers lequel l’étranger est menacé de renvoi, en
l’espèce, l’Inde) et demande des preuves des affirmations de ces autorités sur
l’absence de risque ; à défaut de telles assurances et de telles preuves, la
cour considère le risque comme établi. La Cour apprécie le sérieux et la gravité
du risque de mauvais traitement en fonction des données produites par les
parties ou qu’elle se procure elle-même. « Afin de déterminer s’il est établi
que le requérant court un risque réel, s’il est expulsé vers l’Inde, de subir
des traitements contraires à l’article 3, la Cour s’appuie sur l’ensemble des
éléments qu’on lui fournit et, au besoin, qu’elle se procure d’office » (Chahal
c/ Royaume Uni, § 97).
De ce principe découlent les
implications suivantes : une parfaite information des agents de détermination
sur la situation dans les pays d’origine, un processus de détermination qui
tienne compte de la culture différente, de la personnalité souvent fragilisée de
l’exilé, et de sa langue maternelle spécifique, le principe de la liberté
des personnes qui est seule de nature à leur permettre de préparer utilement la
procédure, le respect du temps nécessaire à toute procédure équitable.
Or, si la directive en
préparation proclame la garantie de ces droits (articles 6 à 13), leur mise en
œuvre effective n’est pas assurée.
Ainsi, les conditions prévues
pour la rétention, l’accès à un interprétariat fidèle, le droit à la
notification des décisions de manière appropriée sont envisagés de manière très
insuffisante au regard des exigences de l’examen approfondi et du droit du
demandeur de s’exprimer librement, complètement, avec toute l’assistance
requise.
Selon l’article 17-1, qui
constitue la nouvelle rédaction d’un article 13 de la précédente proposition, la
rétention peut être autorisée « conformément à une procédure prévue par la
législation ou la réglementation nationale » lorsque ce placement est
« objectivement nécessaire aux fins d’un examen efficace de la demande et qu’il
existe un risque élevé, compte tenu du comportement personnel du demandeur, que
celui-ci prenne la fuite ».
Rappelons que - dans cette
matière, plus encore qu’en droit pénal, puisqu’aucune charge ne pèse sur
l’étranger - la liberté est la règle et ses restrictions, l’exception, ce
qu’énonce d’ailleurs l’article 17‑1 de la directive.
Le libellé de cette
« exception » prévue à l’article 17‑2 est tellement large et imprécis qu’il
autorise, ab initio, le contournement de la règle.
La notification au conseil
juridique.
L’article 9-d prévoit que les
décisions administratives peuvent être notifiées au conseil du requérant. Ce
faisant, les autorités font peser sur les avocats une obligation qu’elles ont
elles-mêmes beaucoup de mal à respecter – parfois du fait des demandeurs
eux-mêmes, mais plus souvent en raison des avatars et de la précarité de leur
vie d’exil – et qui consiste à atteindre les requérants. On sait les difficultés
de domiciliation des demandeurs d’asile. C’est sur les avocats que vont peser
les aléas de la notification et le risque de l’expiration des délais de recours.
I-3-b
- Les exceptions au droit au séjour du demandeur d’asile, qui sont
autorisées par les articles 39–4 et 40 de la future directive, apparaissent
contraires au droit au non-refoulement garanti par l’article 33 de la Convention
de Genève et aux exigences de l’article 3 de la C.E.D.H.
La Cour E.D.H., rappelons-le,
considère que l’article 3 de la Convention proclame l’une des valeurs les plus
fondamentales d’une société et que, « même dans les circonstances les plus
difficiles, telle la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la
Convention prohibe en termes absolus la torture et les peines ou traitements
inhumains ou dégradants » (Selmouni c/ France, 28 juillet 1999, § 95).
Est contraire, à notre sens, à
cet article 3, la disposition qui écarte l’effet suspensif du recours, dans le
cas où « il a été décidé » que des motifs de sécurité nationale ou d’ordre
public imposaient le départ du demandeur.
Cette situation est certes
prévue dans des termes voisins par le paragraphe 2 de l’article 33 de la
Convention de Genève, mais elle est exclue – si les persécutions encourues
répondent à la définition des traitements prohibés par l’article 3 de la
C.E.D.H. - par cette stipulation.
De même, le maintien du
demandeur sur le territoire de l’Etat de détermination doit être examiné au cas
par cas et peut donc être refusé par la juridiction prévue à l’article 40-2
(article 29-c) dans le cas où « le demandeur est, de prime abord, exclu du
bénéfice du statut de réfugié » par application de la directive sur la
définition du réfugié.
Cette directive, également en
préparation (COM.2001.510 final)
reprend les cas d’exclusion prévus par l’article 1-F de la Convention de
Genève : il résulte du rapprochement de ces deux textes que, si l’autorité de
détermination invoque l’article 1-F précité, le demandeur peut n’être pas
autorisé à rester jusqu’à ce que son recours soit définitivement jugé :
pourtant, l’article 1-F concerne des personnes qui encourent de graves risques
de persécution et, souvent, des risques de mauvais traitements au sens de
l’article 3 de la C.E.D.H. L’effet suspensif du recours est d’autant plus
nécessaire dans de tels cas, d’autant que le « procès » sur l’application de
l’article 1-F de la Convention de Genève est très délicat, mêlé d’éléments
subjectifs et objectifs, caractérisé par des règles de preuve complexes.
S’il était encore nécessaire de
démontrer l’importance du caractère suspensif du recours, il suffirait de
rappeler que l’article 13 de la C.E.D.H. qui garantit l’effectivité du recours
devant une instance nationale commande, lorsqu’existe un risque réel de mauvais
traitement, au sens de l’article 3, le caractère suspensif du recours (Chahal
c/ Royaume Uni, 15 novembre 1996 ; Soering c/ Royaume Uni, 7 juillet
1989 et Vilvarajah et autres c/ Royaume Uni, 30 octobre 1991, mais
également Conka c/ Belgique, 5 février 2002). La Cour de Strasbourg a
affirmé le caractère subsidiaire de cette stipulation, applicable même dans les
cas où l’article 6 ne s’applique pas (ce qui est le cas dans le contentieux de
l’éloignement des étrangers).
II. – DES DISPOSITIONS
INUTILES EN RAISON DES INCERTITUDES DANS LEUR APPLICATION ET DU POUVOIR
DISCRETIONNAIRE QU'ELLES LAISSENT AUX ETATS
II-1
- Au nombre des cas autorisant le recours à la procédure accélérée, sont décrits
huit cas classés « divers », hypothèses déjà envisagées dans des actes
antérieurs qui forment la préhistoire du droit de l’Union européenne
et mis en œuvre couramment dans les Etats-membres et les pays candidats :
-
le demandeur a, sans motif valable,
induit en erreur les autorités sur son identité ou sa nationalité, en présentant
de fausses indications ou en dissimulant des informations pertinentes qui
auraient pu influencer la décision dans un sens défavorable ;
-
il n’a produit aucune information
permettant d’établir avec une certitude suffisante son identité et sa
nationalité et s’il existe des motifs sérieux de penser que le demandeur, de
mauvaise foi, a procédé à la destruction ou s’est défait de pièces d’identité ou
de titres de voyage qui auraient aidé à établir son identité ou sa nationalité ;
-
il a délibérément fait des
déclarations fausses ou mensongères, importantes pour l’issue de l’examen, en ce
qui concerne les éléments de preuve produits à l’appui de sa demande d’asile ;
-
il a déposé une demande ultérieure
dans laquelle il n’invoque aucun fait nouveau pertinent par rapport à sa
situation personnelle ou à la situation dans son pays d’origine ;
-
la demande d’asile est introduite
tardivement sans motif valable alors qu’elle pouvait être faite auparavant et
elle n’est déposée qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision
antérieure ou imminente qui entraînerait son expulsion ;
-
le demandeur n’a pas rempli son
obligation de coopérer (présentation de tous les faits pertinents et des
éléments de preuve correspondants) ou ne s’est pas présenté aux convocations ou
n’a pas déféré aux demandes d’informations, ou encore il a quitté le lieu où il
vivait ou son lieu de rétention sans contacter l’autorité compétente dans un
délai raisonnable ;
-
il ne s’est pas présenté dans les
délais les plus brefs aux autorités, entrant ou prolongeant son séjour
illégalement ;
-
il constitue un danger pour la
sécurité de l’Etat membre ou a été l’objet d’une condamnation définitive pour un
crime ou un délit particulièrement grave de sorte qu’il constitue une menace
pour la communauté de l’Etat d’accueil.
II-2
- La première difficulté qui résulte de telles dispositions tient à la
détermination de l’autorité qui décide d’orienter un demandeur vers une
procédure accélérée. Est-ce la police (ce qui est souvent le cas actuellement) ?
Sous quel contrôle ? Au nom de quel principe ?
Ce silence de la proposition de
directive s’explique par des divergences non résolues : dans la Résolution du
Conseil des 30 novembre - 1er décembre 1992, l’autorité devait être
« compétente et dûment qualifiée en matière d’asile et de réfugiés », alors que
le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (H.C.R.), dans sa
position sur cette résolution, préconisait l’intervention de l’autorité
normalement compétente en matière de réfugiés.
Cette proposition du H.C.R. a
été écartée par le Conseil dans sa Résolution du 20 juin 1995 sur les garanties
minimales dans les procédures d’asile et ne semble toujours pas à l’ordre du
jour.
L’accélération des procédures
n’est pas définie : elle peut conduire à des procédures trop rapides eu égard à
la complexité de certaines requêtes. Le H.C.R. rappelle que « plus une procédure
est accélérée, plus le risque de décisions erronées est grand ».
D’autres questions ne sont pas
résolues : qu’est-ce qu’un « motif valable » justifiant que le demandeur ait
menti sur son identité et sa nationalité alors que, par crainte de représailles
sur leurs familles, nombre d’authentiques réfugiés reconnus comme tels vivent
pendant des années sous de fausses identités dans les pays d’accueil ? Cette
situation reconnue comme légitime pour les réfugiés statutaires ne le serait pas
– par principe - pour des demandeurs d’asile ?
Quand les informations sur la
nationalité et l’identité ont-elles permis d’établir ces dernières avec une
« certitude suffisante » et quels sont les « motifs sérieux de penser » que des
documents ont été détruits ou jetés de mauvaise foi ?
A quel moment une demande
d’asile est-elle déposée « trop tard » dans le cours d’une procédure
d’expulsion ? Quelles sont les « possibilités suffisantes » dont il disposait ?
Et que sont des motifs valables de différer le dépôt d’une demande (article 32 e
et g) ?
Quant au fait pour le demandeur
de n’avoir pas coopéré dans le cours de la procédure ou de n’avoir pas répondu
aux convocations et demandes d’informations (article 32 f), les praticiens
savent bien que les requérants sont souvent conseillés par des compatriotes plus
ou moins bien avisés qui leur recommandent de ne dire la vérité dans ses détails
qu’à la fin de la procédure (première hypothèse visée par le texte) et que leurs
difficultés considérables de domiciliation ne leur sont pas imputables, ce qui
rend injuste la sanction qu’ils encourent (seconde hypothèse).
S’agissant de la menace pour la
communauté de l’Etat membre, cette notion qui n’a aucun rapport avec le fond de
la demande, risque de conduire à un examen rapide injustifié.
Le caractère aléatoire, voire
discrétionnaire, de ces critères ouvre le champ à une inapplication de la
Convention de Genève, étant au surplus précisé qu’aucun recours n’est prévu à
l’encontre de la décision d’orientation de la demande vers la procédure
accélérée.
On regrettera également que
certaines contrariétés entre les législations nationales et les principes de la
directive en cours d’élaboration, reçoivent une absolution spéciale : ainsi les
Etats-membres qui, à la date d’entrée en vigueur de la directive, appliquent des
dispositions désignant des pays tiers sûrs (article 27) ou des pays d’origine
sûrs (articles 30-1 et 30-3), n’ont l’obligation que de les notifier à la
Commission, ces Etats peuvent maintenir des procédures spéciales d’admission à
la frontière (article 35), ils peuvent déroger à la règle de l’autorisation de
plein droit accordée, dans le cadre de la procédure normale, aux demandeurs qui
forment un recours sur la décision de détermination (article 39-2).
Autrement dit, ceux des
Etats-membres ou candidats qui n’ont pas encore adopté ces mesures restrictives
peuvent, opportunément, se dépêcher de le faire avant l’adoption de la
directive.
Ce nouveau chantier
communautaire était pourtant une occasion exceptionnelle de synthétiser l’acquis
européen en matière de droits fondamentaux en matière de procédure.
III. – UNE OCCASION MANQUEE
QUI PEUT ENCORE ETRE RATTRAPEE
Au moment où se discute
l’élaboration d’une Constitution européenne, où se pose la question d’un
préambule reprenant les principes de la Charte des Droits Fondamentaux de
l’Union, où l’on débat à nouveau de son adhésion à la C.E.D.H., la conception
d’une politique commune de l’asile et de son volet procédural est une chance
pour l’Europe.
Cette conception pourrait, selon
nous, être guidée par les principes suivants : l’universalité des garanties,
c’est-à-dire leur généralisation à
tous
les demandeurs, l’unicité de la procédure, le respect inconditionnel du principe
du non-refoulement, l’élévation des exigences de qualité de l’examen des
craintes.
III-1
- Une procédure unique, caractérisée par les mêmes droits pour tous les
demandeurs.
Une procédure simple et unique
pour tous les demandeurs est préférable à une fragmentation des procédures,
génératrice de contentieux et de complications.
La procédure à trois niveaux :
autorité administrative, recours devant une juridiction, recours en droit contre
la décision juridictionnelle, a fait ses preuves en France.
Elle mérite d’être généralisée.
a
- Le droit au dépôt d’un demande d’asile, en particulier à la frontière, doit
être garanti sans exception.
b
- Un entretien individuel doit être accordé à tous les demandeurs.
Doivent être assurées la même qualité d’examen, par des autorités indépendantes
et hautement compétentes en matière d’asile, la même assistance à chaque
requérant, dès l’introduction de sa demande et tout au long de la procédure,
même au stade de l’orientation vers une procédure accélérée.
c
- Le droit au non-refoulement pendant la durée de la procédure doit être
garanti, avec son corollaire, le droit au séjour, dans des conditions
matérielles décentes.
d
- De même, à tous les demandeurs doit être garanti le droit effectif - et donc
suspensif - au recours, devant une autorité juridictionnelle indépendante et
totalement distincte de l’autorité administrative qui a statué antérieurement.
Cette autorité juridictionnelle statue en fait et en droit. Le droit à la
présence personnelle du requérant, assisté d’un conseil et d’un interprète
compétent doit être une règle absolue. L’aide juridictionnelle doit être
organisée de manière à bénéficier à tous ceux qui n’ont pas de ressources
suffisantes.
e
- Doivent être assurées la compréhension, par les requérants, de la procédure et
des décisions qui les concernent et l’assistance d’un interprète, rémunéré sur
fonds publics devant l’organisme de détermination et la juridiction de recours.
Cet interprète doit parler la langue d’usage du requérant.
f
- Les délais doivent être conçus comme suffisants pour permettre aux requérants
de préparer leur procédure. Un délai de dépôt de la demande initiale de deux
mois, un délai de recours également de deux mois ne sont pas excessifs.
g
-Les notifications doivent être faites aux intéressés eux-mêmes et non à leurs
conseils.
h
- L’écoute et l’assistance des mineurs isolés ou séparés, des victimes de
violence, des femmes désireuses d’être entendues hors la présence de leur
famille, des personnes atteintes psychologiquement doivent être organisées de
manière personnalisée.
III – 2
- Des exceptions très limitées qui ne peuvent être justifiées que par des
impératifs supérieurs à ceux de la protection.
a
- En premier lieu, il est fondamental que toute décision qui écarte un demandeur
de la procédure normale soit prise par l’autorité compétente en matière de
détermination, après un entretien individuel.
b
- L’accélération des procédures, à la supposer justifiée, peut
parfaitement avoir lieu dans le cadre de la procédure normale, mais ne peut
avoir pour effet de supprimer les garanties mentionnées plus haut.
c
- A cet égard, la référence à des pays d’origine ou à des pays tiers sûrs
ne peut, à elle seule, conduire à écarter un demandeur de l’accès à la procédure
normale de détermination.
d
- La procédure accélérée doit être limitée aux demandes qui n’entrent, après un
entretien approfondi, dans aucune des situations prévues par l’article 1-A-2 de
la Convention de Genève, au sens où le H.C.R. recommande d’interpréter cet
article.
g
- La rétention des demandeurs d’asile est limitée aux seuls cas
d’atteinte ou de menace grave à l’ordre public.
h
- La demande d’asile à la frontière ne doit jamais à elle seule justifier la
rétention.
C’est en ce sens que le projet
de directive relatif aux normes minimales concernant la procédure d’octroi et de
retrait de la qualité de réfugié mérite, nous semble-t-il, d’être amendé et
complété.
L’efficacité recherchée par les
Etats y trouvera son compte. Le respect des personnes et de leurs droits
fondamentaux, également.
A l’évidence, les Etats-membres
n’ont pas voulu remettre en cause l’organisation actuelle de leurs systèmes
nationaux mais deux risques importants en découlent : celui de voir dans
quelques années une des juridictions nationales ou supra-nationales sanctionner
ce « minimum garanti » comme insuffisant au regard d’autres sources de droits
et, plus grave encore, celui d’exposer les victimes de persécutions à des
erreurs, à tous égards, catastrophiques.
* * *
NOTES
Il en va ainsi du principe du respect de la dignité et de la liberté de la
personne humaine ou du droit au juge, l’obligation de motivation des décisions
individuelles défavorables, ce même principe emporte le droit de demander la
suspension des décisions qui font grief pendant le cours de la procédure. Les
droits de la défense ont été reconnus comme un principe fondamental du droit
communautaire, « au regard de la nature de la décision en cause »,
essentiellement dans le cas des sanctions mais également de toutes les mesures
faisant grief.
Ils ont pour conséquences le
droit d’être assisté par un défenseur, le droit de présenter des observations
écrites, le droit d’être entendu, le droit d’accès au dossier, en temps utile
pour présenter des observations.
Pour le Guide des procédures du H.C.R., « cette situation (de réfugié) est
nécessairement réalisée avant que le statut de réfugié ne soit formellement
reconnu à l’intéressé [...] une personne ne devient pas réfugiée parce qu’elle
est reconnue comme telle, mais elle est reconnue comme telle parce qu’elle est
réfugiée » ce que confirme la conclusion du COMEX 1977 n° 6 sur le
non-refoulement.
Position du H.C.R. sur les procédures justes et rapides de 1994.
Les conditions que doit réunir un pays pour être considéré comme sûr sont
tellement complexes qu’elles conduisent, par les difficultés de leur
application, à la perspective d’un contentieux important qui fait écran à la
question centrale de la détermination du statut sur la base de craintes
personnelles.
Copyright : © 2003 Michel Laurain. Tous droits réservés. Impression
et citations : Seule la version
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Mode
officiel de citation :
LAURAIN Michel. - "Vers
des normes minimales européennes concernant la procédure d'octroi et de retrait
du statut de réfugié. Réflexions sur une proposition de directive". - Actualité et
Droit International, janvier 2003. <http://www.ridi.org/adi>.
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