ridi.org Actualité et Droit International
ADI
SUR LE GRILL
 

Accueil

 

Pendant la réorganisation du site, les autres menus sont disponibles sur la page d'accueil.

 

Merci de votre compréhension

 

Plan du site

Téléchargez Adobe Acrobat Reader

FAUT-IL RIRE DU DROIT INTERNATIONAL OU LE PLEURER ?
 

par

Slim Laghmani

Professeur à la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis

 

 

Résumé : Le droit international incite à la réflexion. Il pose des questions auxquelles l’étudiant n’est confronté dans aucune autre branche du droit : qu’est-ce que le droit ? Quels rapports entretient-il avec la force, la morale ? Qu’est-ce que l’effectivité ? Un droit ineffectif (non observé) mérite-t-il ce nom ? Qu’est-ce que la justice ?

Impression et citations : Seule la version au format PDF fait référence.

 

 

1. Étudiant et ensuite enseignant, j'ai toujours été subjugué par le droit international, c’est que le droit international incite à la réflexion. Il pose des questions auxquelles l’étudiant n’est confronté dans aucune autre branche du droit : qu’est-ce que le droit ? Quels rapports entretient-il avec la force, la morale ? Qu’est-ce que l’effectivité ? Un droit ineffectif (non observé) mérite-t-il ce nom ? Qu’est-ce que la justice ? Si l’étudiant, comme l'enseignant, est confronté à ce type de questions ‑ fondamentales pour celui qui ne fait pas son droit simplement pour savoir ce qui est de droit mais également pour savoir ce qu’est le droit[1] ‑ c’est que le droit international, à la différence des autres branches du droit, est contesté dans son existence, dans sa réalité et dans sa fonction. Depuis Machiavel, la pensée moderne doute de la juridicité, de l’effectivité et de la justice du droit international[2]. Il faut donc régler ces problèmes avant d’aller de l’avant, ce qui, soit dit en passant, est une entreprise pédagogique téméraire.

2. Dans une première période de ma vie d’enseignant, je n’avais aucune difficulté à écarter ces objections préliminaires contre le droit international. Le droit international existe, il est relativement effectif et il est relativement juste. Il suffisait pour le montrer de référer à l'existence, à l'effectivité et à la justice de certaines normes progressistes du droit international : le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, levier de la libération des peuples ; la souveraineté permanente sur les ressources naturelles qui a permis des nationalisations mémorables ; le concept de patrimoine commun de l'humanité qui a soustrait certaines richesses à l'appétit des États les plus puissants tels que le sol ‑ et sous-sol ‑ des fonds marins au-delà des juridictions nationales appelé Zone internationale...

Cet âge d'or du droit international était né de l'ordre politique international, de la réalité des rapports de force qui prévalait depuis la fin de la seconde guerre mondiale : l'ordre bipolaire a permis paradoxalement une relative effectivité des principes classiques du droit international et l'émergence de principes nouveaux progressistes.

La relative effectivité des principes classiques du droit international que sont les principes d'égalité souveraine, de non-intervention, de l'interdiction de l'usage de la force, du règlement pacifique des différends était due au jeu de la réciprocité. En méconnaissant à son avantage l'un quelconque de ces principes, un État, fut-ce l'une des deux superpuissances, s'exposait à être victime de sa méconnaissance de la part d'un autre ou d'autres États. Certes, l'effectivité de ces principes n'était pas totale, mais elle était en gros et de manière générale réelle.

L'émergence de principes nouveaux progressistes était essentiellement le fait d'un troisième acteur qui, s'adossant à cet équilibre des deux blocs, a pu exprimer sa volonté et obtenir de grandes réalisations : le tiers-monde organisé politiquement dans le mouvement des pays non alignés, organisé économiquement dans le Groupe des 77. Plus, la paralysie du Conseil de sécurité du fait de l'usage réciproque du droit de veto par les deux blocs, a mis l'Assemblée générale à l'avant de la scène des Nations Unies. Or, l'Assemblée générale est régie par le principe un État une voix. Cela a permis au tiers-monde, qui y dispose d'une majorité automatique, de concrétiser sa revendication d'un nouvel ordre économique international plus juste par l'adoption, notamment en 1974, de la Déclaration et du programme d'action relatifs à l'instauration d'un nouvel ordre économique international et de la Charte des droits et des devoirs économiques des États. Les États nouveaux ont même pu imposer leur conception de la succession d'État du fait de la consécration du principe de la « Table rase » en vertu duquel, en ligne générale, un État nouveau n'est pas lié par les engagements pris en son nom par l'État prédécesseur. Ils ont également pu imposer les innovations majeures du droit de la mer : la zone économique exclusive, la zone internationale...

3. À partir de 1980, le malaise s’est installé. Le tiers-mondisme, auquel aucun étudiant des années soixante et soixante-dix n’échappait, ne correspondait plus à rien. Le tiers-monde avait disparu, il avait éclaté en groupes aux intérêts divergents voire opposés : Pays les moins avancés ou quart-monde, pays producteurs de pétrole, pays émergents. Les non alignés s’alignaient. La revendication voire la consécration juridique d’un nouvel ordre économique international avait fait long feu. L’illusion d’un développement par le droit, par la modification des règles du droit international économique, le rêve d’un développement autocentré, l’espoir d’une coopération Sud-Sud, tout cela était parti en fumée. Le réveil fut brutal : crise de la dette, famines, guerres civiles, conflits armés, pandémie du Sida... Le Sud quittait lamentablement la scène internationale, dans un état pire encore que celui dans lequel il était au lendemain de la décolonisation. Le groupe des 77 revoyait sa copie ; la CNUCED, forum du tiers-monde, découvraient les délices de ce qu’elle combattait : l’ordre économique libéral ; les solidarités régionales se disloquaient et les organisations qui les concrétisaient (OEA, OUA, LEA) se décomposaient. Le Tiers-monde, qui avait tenu la barre de l’Assemblée générale des Nations Unies pendant près de 20 ans, prenait le chemin des coulisses, des coulisses de l’histoire. Soit libéral et tais-toi !

Sur ce advient la fin de l’ordre bipolaire. L’Allemagne se réunifie, l’Union soviétique se désagrège, le Pacte de Varsovie est abrogé, la Chine adopte une « économie de marché socialiste » ! Les États-Unis triomphent, un de ses « penseurs » décrète même « la fin de l'histoire » : « le dernier homme » est américain. Depuis l'empire romain, on n'avait rien vu de pareil. Un État capable d'intervenir partout dans le monde qui considère que ce qui est bon pour lui est bon pour le monde et que ce qui mauvais pour lui est mauvais pour le monde. Oui, le manichéisme est de retour : la lumière vient de l'Ouest, ailleurs règne l'obscurité. Le discours américain, de Bush le père à Bush le fils sans oublier Reagan, ne cesse d'opposer le bien au mal, les États gentils aux États bandits : on est en plein Far West !

Une puissance formidable et des idées simplettes : quoi de plus terrifiant ? L’Irak le sait-il, lui qui envahit le pétrole américain au Koweït et menace le pétrole américain en Arabie Saoudite ? Apparemment non ! Bien mal lui en prend : en retard d’une guerre, l’Irak va perdre la sienne.

4. Les relations internationales avaient muté d’une manière radicale, mais les principes du droit international sont restés les mêmes : égalité souveraine, non-intervention, non recours à la force, règlement pacifique des différends, droits de l’homme et droit des peuples. Quel sort sera-t-il réservé à des règles nées d’un monde disparu ? On va les réinterpréter, les adapter à monde nouveau, déséquilibré.

La souveraineté n’implique plus la liberté de choix du système politique, économique, social et culturel : elle doit s'accommoder avec la nécessité de l’option pour un système politique démocratique, un ordre économique capitaliste, une organisation sociale individualiste et des valeurs culturelles occidentales ou plus précisément avec le sous-produit commercial de la culture occidentale. Nous nommerons ça mondialisation ! C’est joli la mondialisation, évocateur, romantique même, cela rappelle les envolées lyriques des sophistes et des stoïciens. Cela nous permet de voir la terre à partir de la lune car il faut être « dans » la lune pour « voir » le Monde.

La non-intervention dans les affaires intérieures des États ? Voilà un principe désuet, immoral même ! « Doit-on les laisser mourir ? » s’interrogeront Bettati et Kouchner. L’ingérence humanitaire est un devoir répondront-ils, c’est un ordre décrétera le Conseil de sécurité. Mais on attendra que la Bosnie soit « nettoyée » pour intervenir et que 500 000 personnes soient assassinées au Rwanda pour instituer un Tribunal qui aujourd’hui encore a du mal à acheter des ordinateurs ! L’ingérence humanitaire est un impératif moral, mais il n’est pas catégorique. Elle a un sens en Haïti, un autre en Somalie et aucun en Palestine occupée. Pourtant, en Palestine occupée, cela ne serait même pas de l’ingérence mais l’application du droit. « Urgence en deçà des Pyrénées, patience au-delà ! »

Les droits de l’homme ? Oui, bien sûr, c’est l’un des plus forts appuis de l’idéologie libérale du fait de son universalisation, mais des droits de l’homme, on se rappelle souvent et l’on oublie parfois. La torture est abjecte mais la mort d’un enfant de malnutrition est-elle plus supportable ? Les droits de l’homme soit ! mais tous les droits ! tous les hommes, toutes les femmes, tous les enfants ! Y compris ceux qu’on jette en prison parce qu’ils ont jeté des pierres contre un char ou contre un fou de Yahvé !

Le droit des peuples ? Allons donc ! D’abord, où voyez-vous des peuples ? Au Cachemire ? En Palestine ? Qu’à cela ne tienne, il a été décidé qu’il n’y aura plus de peuple palestinien, pour le peuple Cachemiri cela viendra. Merci Ben Laden ! As-tu songé lors de tes chevauchées asiatiques ou dans tes grottes prophétiques que tu travaillais vaillamment à transformer un peuple en une bande de terroristes ! De 1945 à 1977, le droit international s’est considérablement enrichi de normes favorables à l’émancipation des peuples en général et du peuple palestinien en particulier. Il n’en est plus question. Le droit international consacre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, il interdit l’usage de la force contre les peuples[3], il reconnaît un droit de résistance ainsi qu’un droit à l’appui international au profit des peuples empêchés par la coercition de disposer d’eux-mêmes[4], il considère même que l’action armée d’un peuple qui lutte pour son autodétermination est un conflit armé international qui appelle l’application intégrale du droit humanitaire[5]. De tout cela, à écouter les positions américaines et israéliennes, il n’existe rien ! Par ailleurs, le droit international condamne l’acquisition de territoires par la force[6], interdit sa reconnaissance[7] et prévoit des qualifications pour les actes de violence illicites commis à l’occasion de cette occupation (crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide ...)[8].

Le règlement pacifique des différends ? Oui à l’ombre du règlement violent des conflits qui engagent les intérêts des États-Unis et d’Israël. Le conflit entre l’Inde et le Pakistan doit être réglé de manière pacifique, mais la question palestinienne doit être réglée à la manière de Sharon. Les États-Unis, eux, estiment que le seul moyen pour mettre fin au terrorisme n'est pas pacifique : c'est la guerre. Mais qu'est-ce que le terrorisme ? Le droit international, universel, n'en donne aucune définition. Et, en droit international, en l’absence d’une définition du terrorisme, l’issue est évidente : est terroriste le comportement qu’un État qualifie comme tel, en pratique l’État qualifie de terroriste toute violence politique qui le prend pour cible. Cela n’est pas du cynisme, c’est la logique du droit international et du principe de souveraineté des États. L’État conserve toutes les compétences auxquelles il n’a pas explicitement renoncé. Or, l’absence d’une définition internationale du terrorisme signifie que l’État n’a pas renoncé à définir de manière unilatérale le terrorisme et à qualifier unilatéralement comme tels les actes de certaines entités ou ces entités elles-mêmes[9]. Le cynisme est ailleurs : si tous les États ont pareillement le droit de définir unilatéralement le terrorisme, seuls certains parmi eux pourront, dans les faits, imposer à d’autres leur définition : les plus puissants. Cette situation favorise les usages idéologiques du concept : le terrorisme, c’est ce que font les ennemis, le terroriste n’est pas une personne, c’est le nom d’une personne, le nom de l’ennemi. Avant on appelait l’ennemi « fasciste » ou « nazi », ensuite on l’a appelé « communiste » aux États-Unis, « bourgeois » en URSS, « révisionniste » en Chine, aujourd’hui on le nomme « terroriste ».

5. Il est important de noter que, depuis 1990, cette ré-interprétation des principes fondamentaux du droit international est passée par trois étapes. Dans un premier temps, qui va de la guerre du Golfe à la guerre au Kosovo, le Conseil de sécurité a joué un rôle fondamental. Cela permettait de donner un sceau juridique à ces nouvelles lectures, de médiatiser la volonté américaine. Le Conseil de sécurité a, certes, développé des interprétations hardies voire contestables de la Charte des Nations, de son Chapitre VII et notamment des articles 39, 41 et 42[10], mais il en avait a priori la compétence. Dans un deuxième temps, à l'occasion de la guerre au Kosovo, le Conseil a été court-circuité par l'OTAN. L'OTAN, n'étant pas en situation de légitime défense, ne pouvait engager des opérations armées sans l'autorisation expresse du Conseil de sécurité[11], malgré tout l'action armée avait une apparence institutionnelle qui, politiquement, permettait de sauver la face. La troisième étape est franchie après les attaques du 11 septembre. Désormais les États-Unis agissent, presque, seuls et le revendiquent. Le Conseil de sécurité se retire, l'OTAN s'éclipse, les États-Unis veulent avoir les coudées franches. Suite aux réticences européennes quant à la volonté américaine d'étendre de la "guerre contre le terrorisme" à d'autres États (Iran, Irak, Corée du Nord ... mais la liste n'est pas limitative), les États-Unis ont officiellement déclaré qu'ils n'avaient besoin de personne pour mener leur croisade et qu'ils étaient seul juge des actions à entreprendre en vue de garantir leur légitime défense. Le droit international est ainsi ouvertement réduit à la politique extérieure américaine et les valeurs internationales aux intérêts américains.

6. Mais là n'est pas la seule marque de désintérêt voire de mépris américain pour le droit international. Il est utile de noter le nombre impressionnant de traités fondamentaux qui n'ont pas été ratifiés par les États-Unis : Le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels, les deux Protocoles facultatifs relatifs au pacte international relatif aux droits civils et politiques, les Protocoles I et II additionnels aux Conventions de Genève du 12 août 1949 respectivement relatifs à la protection des victimes des conflits armés internationaux et à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, le Protocole de Kyoto sur les changements climatiques, le traité interdisant les essais nucléaires, le Statut de la Cour pénale internationale...

Il faut également noter la prolifération des lois extra-territoriales américaines : loi Helms-Burton (12 mars 1996), loi d'Amato-Kennedy (8 août 1996), décidant de sanctions à l'encontre des partenaires commerciaux ‑ non américains ‑ des États soumis à des sanctions américaines (Cuba, Libye, Iran)[12]. Un projet de loi adopté par le Sénat, « le projet de Jesse Helms, menace de rétorsion sous forme de suspension de toute aide militaire les États qui ratifient le statut de la Cour pénale internationale »[13].

Il faut enfin noter que du point de vue américain le droit ne vaut que pour les autres, ainsi au nom des règles de l’OMC sur la propriété industrielle et commerciale, ils se sont opposés à la production hors normes de l'OMC des médicaments contre le SIDA en Afrique du Sud, par contre ils n’ont pas hésité à le faire eux-mêmes dès lors que la santé publique américaine a été menacée par la fort mystérieuse contamination à l’anthrax.

7. Quel enseignement tirer de ces évolutions ? Qu'il faut soit rire du ridicule du droit international soit pleurer sa dépouille. Qu'est-ce que le droit sinon la règle du jeu social ? Mais pour qu'il y ait règle encore faut-il qu'il y ait jeu et pour qu'il y ait jeu, il faut être au moins deux. Depuis 1990, il n'y a plus de jeu international. Les règles du jeu, héritées d'un monde bipolaire, équilibré, ne servent plus à rien. Il n'y a pas de droit sur fond de déséquilibre des rapports de force, il n'y a pas de droit sans réel contre pouvoir. Jusqu'où ira la logique de puissance qui enivre les dirigeants américains ? Il faut se rappeler Montesquieu : « C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites [...]. Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir »[14].

 

 

* * *

 


NOTES

 

[1] « Qu'est-ce que le droit ? Cette question pourrait embarrasser le jurisconsulte [...]. Ce qui est de droit, c'est-à-dire ce que disent et ont dit les lois en un certain lieu et à une certaine époque, il peut assurément le dire. Mais la question de savoir [...] quel est le critère universel auquel on peut reconnaître le juste et l'injuste lui resteront obscures [...] une science simplement empirique du droit est une tête qui peut être belle ; mais il n'y a qu'un mal : elle n'a point de cervelle », KANT (E.), Métaphysique des moeurs, Première partie, Doctrine du droit, (1796), Trad, Introd. Philonenko, Paris, Lib. Ph. J. Vrin, 1971, pp. 103-104.

[2] Machiavel : « Quant il y va du salut de la patrie, il n’y a à s’arrêter à aucune considération ni du juste, ni de l’injuste, ni de l’humain, ni du cruel, ni du louable, ni de l’ignominieux, tout autre point de vue doit être rejeté ». Résultat : « Le sage seigneur ne peut garder sa foi si cette observance lui tourne à rebours et que les causes qui l’ont induit à promettre soient éteintes ».

Hobbes : « Si l’état de société a pu être établi à l’intérieur de chacune des Républiques, l’état de nature subsiste intégralement entre les Républiques puisqu’aucun pouvoir n’existe qui puisse s’imposer à elles ». « Il en résulte la conclusion suivante : “Covenants without swords are only words” ».

Spinoza : « Puisque [...] le droit du souverain n’est rien d’autre que le droit même de nature, deux États sont l’un à l’égard de l’autre comme deux hommes à l’état de nature ». « Si un souverain a promis de faire pour un autre quoi que ce soit et qu’ensuite les circonstances ou la raison semblent montrer qu’il est nuisible au salut commun des sujets, il est obligé de rompre les engagements qu’il a pris ».

Rousseau : « Convenons donc que l’état relatif des Puissances de l’Europe est proprement un état de guerre et que tous les traités partiels entre quelques-unes unes de ces puissances sont plutôt des trêves passagères que de véritables paix », « Les alliances, les traités, la foi des hommes, tout cela peut lier le faible au fort et ne lie jamais le fort au faible”. “La paix perpétuelle est à présent un projet bien absurde ».

Kant : « Considérés dans leurs rapports extérieurs réciproques les États (comme des sauvages sans lois) sont par nature dans un état non juridique. Cet état est un état de guerre (du droit du plus fort) ».

Hegel : « L’Esprit universel s’incarnant dans une nation ne s’affirme que comme domination par cette nation du reste du monde ». « Le droit international résulte des rapports d’États indépendants. Son contenu en soi et pour soi a la forme d’un devoir être parce que sa réalisation dépend de volontés souveraines différentes ».

Afin de ne pas alourdir le texte de notes, nous nous permettons de renvoyer pour les références des citations ci-dessus à : LAGHMANI (S.), Éléments d’histoire de la philosophie du droit, T. 2, La modernité l’État et le Droit, Tunis, CPU, 1999, voir pp. 132-160. « La négation du droit international », s’agissant de Hegel, voir pp. 255 et ss.

Voir également :

Aron : « Les relations étatiques présentent un trait original qui les distingue de toutes les autres relations sociales, elles se déroulent à l'ombre de la guerre, ou, pour employer une expression plus rigoureuse, les relations entre États comportent par essence l'alternative de la guerre et de la paix... La politique internationale a toujours été, toujours pour tous, reconnue pour ce qu'elle est, toute de puissance, sauf à notre époque, par quelques juristes ivres de concepts ou quelques idéalistes qui confondraient leurs rêves avec la réalité », ARON (R.), Paix et guerre entre les nations, Paris, Calman-Levy, 1962, 5e éd., 1968, p. 116.

Morgenthau : « La politique internationale comme toute politique est une lutte pour le pouvoir [...] le droit international est incapable de résoudre les conflits qui ne trouvent leur solution que par la diplomatie appuyée par la force », MORGENTHAU (H.-J.), Politics Among Nations, The Struggle for Power and Peace, New York, 3e éd., 1960.

[3] AG/ONU résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 : Déclaration relative aux principes de droit international touchant aux relations amicales et à la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies : « Tout État a le devoir de s’abstenir de recourir à toute mesure de coercition qui priverait les peuples mentionnés ci-dessus dans la formulation du présent principe [principe de l’égalité de droits et de leur droit à disposer d’eux-mêmes] de leur droit à disposer d’eux-mêmes... ».

[4] AG/ONU, résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 : « ... lorsqu’ils réagissent et résistent à une telle mesure de coercition ans l’exercice de leur droit à disposer d’eux-mêmes ces peuples sont en droit de chercher et de recevoir un appui conforme aux buts et principes de la Charte des Nations Unies » ; AG/ONU résolution 3103 (XXVIII) 1973 : Principes de base concernant le statut juridique des combattants qui luttent contre la domination coloniale et étrangère et les régimes racistes ; Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), adopté le 8 juin 1977, ouvert à la signature le 12 décembre 1977, entré en vigueur le 7 décembre 1978, article 1er § 4. : « Dans les situations visées au paragraphe précédent (conflits armés internationaux) sont compris les conflits armés dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l'occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, consacré dans la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration relative aux principes de droit international touchant aux relations amicales et à la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies ».

[5] Du fait de l'assimilation des conflits armés dans lesquels les peuples luttent pour l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes à des conflits armés internationaux (Protocole I précité).

[6] Article 2 § 4 de la Charte des Nations Unies.

[7] AG/ONU résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 : « Nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera reconnue comme légale ».

[8] Les crimes de guerre sont les violations des lois et coutumes de la guerre, y compris le Protocole 1 cité plus haut ; Les crimes contre l’humanité « sont perpétrés dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile et en connaissance de cette attaque », le droit international coutumier n’exige plus de lien entre les crimes contre l’humanité et le conflit armé (Tribunal international pour l’ex Yougoslavie, Le Procureur c/ Dusko Tadic, alias « Dule », Affaire IT-94-1, Chambre d’appel, Arrêt, 2 octobre 1995, § 78). Le crime de génocide est « le crime des crimes », il correspond à la volonté de mettre fin à l’existence d’un groupe humain déterminé. Ces crimes relèvent aujourd’hui du droit coutumier international, ils sont également codifiés dans les textes suivants : Le Statut du tribunal militaire de Nuremberg posé par l’accord de Londres du 8 août 1945 et le Statut du tribunal militaire de Tokyo joint à la proclamation spéciale du commandant en chef suprême pour les puissances alliées, le général Mac Arthur faite le 19 janvier 1946 ; la Convention internationale pour la prévention et la répression du crime de génocide adopté le 9 décembre 1948 et entré en vigueur le 12 janvier 1951 ; les Statuts des tribunaux internationaux ad hoc pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda respectivement posés par la résolution 827 du Conseil de sécurité adoptée le 25 mai 1993 et par la résolution 955 du Conseil de sécurité adoptée le 8 novembre 1994 ; Statut de la Cour pénale internationale adopté à Rome le 17 juillet 1998.

[9] « Dans l’état actuel du droit international général, abstraction faite des engagements spécifiques découlant de traités particuliers et notamment des mécanismes institués dans le cadre d’organisations internationales, chaque État apprécie pour lui-même sa situation juridique au regard des autres États », Sentence arbitrale rendue dans l’affaire de l’interprétation de l’accord aérien du 27 mars 1946, Affaire dite de la rupture de charge, France contre États-Unis d’Amérique, R.S.A., XVIII, p. 482.

[10] Et cela aussi bien lors de la guerre du Golfe que dans l'affaire Lockerbie ou encore sa décision de créer des Tribunaux pénaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda.

[11] Et ce en vertu de l'article 53 de la Charte des Nations Unies qui dispose : « [...] aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l'autorisation du Conseil de sécurité [...] ».

[12] Le texte de la loi Helms-Burton est traduit in Documents d'actualité internationale, n° 16, 15 août 1996, pp. 674 et ss. ; le texte de la loi d’Amato-Kennedy est traduit in Documents d'actualité internationale, n° 19, 1er octobre 1996, pp. 778 et ss. ; COSNARD (M.), « Les lois Helms-Burton et d’Amato-Kennedy, interdiction de commercer avec et d’investir dans certains pays », A.F.D.I., 1996, pp. 33-61 ; STERN (B.), « Vers la mondialisation juridique ? Les lois Helms-Burton et d’Amato-Kennedy », R.G.D.I.P., 1996, 4, pp. 979-1003.

[13] Voir : TRÉAN (C.), « Offensive américaine contre le projet de Cour pénale internationale », Le Monde, 12 décembre 2001 ; CHEMILLIER-GENDREAU (M.), « Face à la force, le droit international », Le Monde Diplomatique, janvier 2002, pp. 4-5, voir p. 5.

[14] MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, Seconde partie, livre XI, Ch. IV.

 


 

Copyright : © 2003 Slim Laghmani. Tous droits réservés.

Impression et citations : Seule la version au format PDF fait référence.

Mode officiel de citation :

LAGHMANI Slim. - « Faut-il rire du droit international ou le pleurer ? ». - Actualité et Droit International, février 2003. <http://www.ridi.org/adi>.

ADI Haut de la page
Site conçu par
toile.org
© 2003 Patrice Despretz