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LE PATRIMOINE CULTUREL IRAQUIEN A L’EPREUVE

DE L’INTERVENTION MILITAIRE DU PRINTEMPS 2003
 

par

Hirad Abtahi

Juriste auprès des Chambres, Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)

 

 

Résumé : Les parties au conflit armé en Iraq au printemps 2003 étaient tenues de protéger, entre autres, l'exceptionnel patrimoine culturel dont regorge ce territoire. Cette étude examine l’applicabilité à ce conflit armé des règles du ius in bello et du droit international pénal qui protègent le patrimoine culturel. Cette étude vise également à examiner l'étendue de l'application, dans le cadre de ce conflit, du droit réglementant les relations entre les Etats en période de paix. 

Abstract : The parties to the spring 2003 armed conflict that occurred in Iraq were under the obligation to protect, inter alia, the rich cultural heritage located in that territory. This study envisages the applicability, to this armed conflict, of those rules of ius in bello and of international criminal law which were likely to protect that cultural heritage. This study also seeks to examine the extent to which the peace-time regime's protective norms were applicable to that conflict

Note : Les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de l’auteur en sa capacité personnelle et ne sont pas nécessairement ceux du TPIY ni ceux des Nations Unies.

Note importante : Cet article est une co-publication des revues Actualité et Droit International et Monde Iranien et Droit International.

Impression et citations : Seule la version au format PDF fait référence.

 

 

Terre de prophètes, la Mésopotamie constitue l’un des hauts lieux du Croissant fertile qui, s’étendant de l’Iran à l’Egypte, vit la naissance, entre autres, de l’agriculture, de l’alphabet, de codes de lois et de l’urbanisation. C’est de la ville d’Our, située près de l’embouchure de l’Euphrate, que partit Abraham à destination de Canaan, vers 1800-1700 av. J.-C. Berceau des civilisations bibliques assyrienne et babylonienne, cette région connut la brève occupation d’Alexandre le Macédonien, avant de devenir, à travers Ctésiphon, la capitale multiséculaire de l’empire perse. Avec la destruction de ce dernier par les Arabes au 7e siècle, Ctésiphon céda la place à la proche Bagdad qui prospéra sous le califat abbasside durant l’âge d’or de l’Islam. Un âge d’or qui vit l’éclosion des hauts lieux de l’islam chiite, tels Nadjaf et Karbala, le minaret en spirale de Samara, ville sacrée des chiites duodécimaux où disparut vers 874 Mahdi, l’Imam des Temps. Ainsi, regorgeant de quelque dix mille sites archéologiques, architecturaux et spirituels[1], le territoire de l’Iraq constitue l’une des mémoires les plus anciennes de l’humanité.

 

Comme toute construction humaine, ce patrimoine culturel – déjà ancien et donc fragile – devient particulièrement vulnérable lors des conflits armés. En effet, bien que la technologie moderne permette la sophistication de l’armement de précision, il n’en demeure pas moins que le potentiel de destruction croissant de celui-ci génère des forces d’une puissance accrue, comme durant la deuxième guerre du golfe Persique[2] de 1991 où, malgré les technologies avancées d’armement, le patrimoine mésopotamien de l'Iraq souffrit, entre autres, du souffle des explosions ou de l'usage des bombes à dépression FAE (Fuel Air Explosive). Parallèlement, il faut garder à l’esprit que de nombreux objectifs stratégiques se trouvaient à proximité de ces vestiges : ainsi Babylone et le vieux Palais abbasside avoisinaient, respectivement, l'usine de Scud d'Al Hillah et le ministère iraquien de la défense[3]. Dans la région de Bagdad, le gigantesque mais fragile arc du palais de Ctésiphon (4e siècle) jouxtait des usines sensibles[4]. Plus au sud, la Ziggourat d’Our se trouvait près d'un aérodrome militaire[5], tandis que Bassora, ville de Sinbad le marin, ne put échapper aux dommages collatéraux, conformément au bilan dressé par l’UNESCO en 1998[6]. Au nord, des maisons traditionnelles à Kirkouk, ainsi qu’une église du 10e siècle à Mossoul furent également endommagées[7].

 

Le 19 mars 2003 débuta l’intervention militaire en vue du désarmement et du changement de régime de l’Iraq. Aussi soigneusement eut-elle été préparée, cette campagne militaire aura comporté un certain nombre de risques au regard de l’immense patrimoine culturel éparpillé sur le territoire de l’Iraq. Ainsi, des organismes tels le Comité international du Bouclier Bleu, ICOMOS et l’UNESCO ont rappelé l’existence de ce risque, avant même le début des hostilités[8]. A la suite du déclenchement des hostilités, le Directeur général de l’UNESCO a indiqué que plusieurs édifices culturels iraquiens, notamment à Bagdad, Mossoul et Tikrit avaient été endommagés[9]. La composante aérienne de l’attaque a comporté des frappes dites « chirurgicales », exécutées par des missiles de grande précision lancés à partir de navires et de sous-marins situés dans la mer Méditerranée, la mer Rouge et le golfe Persique, mais aussi le recours aux aéronefs, tels les bombardiers B 52.

 

Sans nier l’évidente primauté de la protection de la vie humaine lors des conflits armés, il faut garder à l’esprit le fait que les objets à caractère civil, en particulier le patrimoine culturel, bénéficient, comme cette étude le démontrera, de la protection d’instruments juridiques internationaux. Il est ainsi nécessaire de réaliser qu’au delà de l’appauvrissement de la vie culturelle du pays dont le patrimoine culturel est endommagé, c’est la communauté internationale tout entière qui portera les séquelles de la destruction de ce patrimoine. En effet, chaque civilisation résulte d’interactions avec d’autres civilisations, et l’appauvrissement culturelle d’une civilisation donnée n’équivaut-elle pas à celui de l’humanité toute entière ?

 

La présente étude indiquera brièvement les modalités de protection du patrimoine culturel lors du conflit armé international mené en Iraq. Ce type de protection s’effectue principalement à travers les instruments réglementant le ius in bello. Ce droit comprend le droit dit de La Haye (qui détermine les droits et devoirs des belligérants dans la conduite des opérations militaires et limite le choix des moyens de nuire à l'ennemi) et le droit dit de Genève (qui a pour objet la sauvegarde des militaires hors de combat, de la population civile et plus généralement de tous ceux qui ne participent pas aux hostilités). Depuis la création des tribunaux pénaux internationaux ad hoc, et surtout depuis l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2002, du Statut de la Cour pénale internationale (CPI), le droit pénal international est venu étoffer ce dispositif juridique[10].

 

Le respect, par les parties au conflit, des normes protectrices énoncées dans cette étude devait, a priori, permettre de minimiser les risques de dommages infligés au patrimoine culturel situé sur le territoire iraquien. Ces normes protectrices opèrent de façon directe (I) et indirecte (II).

 

 

I. – LA PROTECTION DIRECTE DU PATRIMOINE CULTUREL

 

 

La protection directe du patrimoine culturel signifie la référence directe à celui-ci, en tant qu’objet explicitement bénéficiaire de la protection de normes juridiques internationales. Sous cet angle, le patrimoine culturel englobe généralement les bâtiments consacrés à la religion, à l'enseignement, à l'art, à la science ou à l'action caritative, ainsi que les monuments historiques.

 

 

A. - Le Règlement annexé à la Convention (IV) de La Haye de 1907[11]

 

 

L’article 56 du Règlement annexé à la Convention (IV) de La Haye de 1907 dispose :

 

« Les biens des communes, ceux des établissements consacrés aux cultes, à la charité et à l'instruction, aux arts et aux sciences, même appartenant à l'Etat, seront traités comme la propriété privée.

 

Toute saisie, destruction ou dégradation intentionnelle de semblables établissements, de monuments historiques, d’œuvres d'art et de science, est interdite et doit être poursuivie ».

 

Ce qui rend cet instrument – presque centenaire – particulièrement remarquable au regard de cette étude est le fait qu’il fasse une référence directe à certaines composantes du patrimoine culturel. Ainsi, l’on verra que cette formulation se retrouvera dans le Statut de la CPI. Il faut cependant garder à l’esprit que cette disposition se trouve dans la Section III, intitulée « de l’autorité militaire sur le territoire de l’Etat ennemi ».

 

La Convention (IV) de La Haye de 1907 faisant partie du droit international coutumier[12], les problèmes de forme ayant trait aux signatures et ratifications des belligérants ne se posent pas. Il est à noter que d’après le Secrétaire général des Nations Unies :

 

« la partie du droit international humanitaire conventionnel qui est sans aucun doute devenue partie du droit international coutumier est le droit applicable aux conflits armés qui fait l’objet d’instruments suivants : les Conventions de Genève du 12 août 1949 pour la protection des victimes de guerre, la Convention de La Haye (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et les Règles y annexées du 18 octobre 1907, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 et le statut du tribunal militaire international du 8 août 1945 »[13].

 

Cette affirmation du Secrétaire général revêt d’autant plus d’importance qu’elle s’est faite dans le cadre de son rapport adressé au Conseil de sécurité des Nations Unies qui, en l’adoptant, institua le Tribunal international pénal pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).

 

 

B. - La Convention de La Haye de 1954[14]

 

 

A la suite des ravages du patrimoine culturel européen durant la deuxième guerre mondiale, la communauté internationale demanda à l’UNESCO d’élaborer une convention, qui fut adoptée à La Haye en 1954[15]. Le Préambule de la Convention de La Haye de 1954 reflète le concept de responsabilité commune de la communauté internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel mondiale, en disposant :

 

« Convaincues que les atteintes portées aux biens culturels, à quelque peuple qu'ils appartiennent, constituent une atteinte au patrimoine culturel de l’humanité entière, étant donné que chaque peuple apporte sa contribution à la culture mondiale ;

Considérant que la conservation du patrimoine culturel présente une grande importance pour tous les peuples du monde et qu'il importe d'assurer à ce patrimoine une protection internationale [...] ».

 

L’article Premier énumère les biens qu'il faut considérer comme culturels indépendamment de leur origine ou de leur propriétaire : ceux qui présentent une valeur artistique, historique ou archéologique (article 1 (a)) ; ceux qui, tout en ne possédant pas ladite valeur, servent à exposer ou à abriter des objets du groupe précédent (article 1 (b)) ; et enfin ceux qui comprennent un nombre important d'objets appelés les « centres monumentaux », c’est-à-dire les quartiers de villes ou les villes entières (article 1 (c)).

 

Le régime de la protection accordé par la Convention de La Haye de 1954 est dual. D'une part existe la protection générale accordée aux biens qui correspondent à la définition de biens culturels. Elle consiste à les sauvegarder et les respecter (articles 3 et 4), et à opérer un partage de responsabilité entre les belligérants. L'Etat détenteur de l'objet s’engage, en temps de paix, à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger le bien culturel contre « les effets prévisibles » du conflit (article 3) ; et à ne pas l’utiliser à des fins qui pourraient l'exposer « à une destruction ou à une détérioration en cas de conflit armé » ; tandis que la partie adverse est tenue de s'abstenir de « tout acte d’hostilité » et de « toute mesure de représailles » à l’égard du bien protégé (article 4 (1) et (4)). Ainsi, il est intéressant de noter les allégations du Brigadier général Brooks, selon lesquelles des équipements militaires iraquiens auraient été stationnés à proximité de la voûte du délicat et fragile arc de Ctésiphon, site bénéficiant du signe distinctif de la Convention de La Haye de 1954[16]. Dans cette même optique, c’est-à-dire l’interdiction d’utiliser le patrimoine culturel à des fins qui pourraient l'exposer « à une destruction ou à une détérioration en cas de conflit armé », il faudrait signaler que bien que portant sur son toit le sigle protecteur de la Convention de La Haye de 1954, le Musée de Bagdad, dont la collection aurait dépassé les 100 000 pièces dans la période précédant les hostilités, se situait à proximité d’un ministère, d’une gare routière et du bâtiment de la radio et de la télévision[17]. Ces bâtiments étaient-ils susceptibles de constituer un objectif militaire légitime ? Qu’elle soit négative ou positive, la réponse à cette question imposait une obligation aux belligérants, c’est-à-dire l’obligation de protéger ces sites.

 

D'autre part, il faut évoquer la protection spéciale qui consiste en la protection de biens culturels jouissant d'une immunité absolue. Ces deux catégories de protections connaissent l’exception de la nécessité militaire, énoncée aux articles 4 (2) et 11 (1) et (2)[18]. Il est à signaler que suite à son adoption le 26 mars 1999, le Deuxième Protocole à la Convention de La Haye de 1954 apporte des compléments à la Convention de La Haye de 1954, y compris l’introduction de la « protection renforcée », ou encore des sanctions en cas de violations graves à l’égard des bien culturels[19].

 

Pour que la Convention de La Haye de 1954 soit applicable, encore faut-il que les belligérants l’aient ratifiée, ce qui est le cas de l’Iraq, mais pas des Etats-Unis ni du Royaume-Uni[20].

 

 

C. - La Convention sur le Patrimoine mondial[21]

 

 

L’article 1 de la Convention sur le patrimoine mondial, dont le dépositaire est l’UNESCO, définit le patrimoine culturel comme :

 

« - Les monuments : œuvres architecturales, de sculpture ou de peinture monumentale, éléments ou structures de caractère archéologique, inscriptions, grottes et groupes d’éléments, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science ;

- Les ensembles : groupes de constructions isolées ou réunies, qui, en raison de leur architecture, de leur unité, ou de leur intégration dans le paysage, ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science ;

- Les sites : œuvres de l’Homme ou œuvres conjuguées de l’Homme et de la nature, ainsi que les zones y compris les sites archéologiques qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue historique, esthétique, ethnologique ou anthropologique ».

 

L'article 6 (1) dispose que le patrimoine inscrit sur la liste « constitue un patrimoine universel pour la protection duquel la communauté internationale tout entière a le droit de coopérer »[22]. L'article 6 (3) prohibe toute action délibérée des Etats parties dont la conséquence serait « susceptible d'endommager directement » ou même « indirectement » les sites correspondant à la Convention sur le Patrimoine mondial. Ainsi, la prohibition s’opère dès lors qu'un site répertorié par cette Convention est endommagé directement ou indirectement par l'action d'un Etat partie[23]. Concernant l’Iraq, durant les hostilités à l’étude, seul le site de l’antique ville romano-iranienne d’influence hellénique de Hatra (3e siècle avant l’ère chrétienne) figurait sur la Liste du Patrimoine mondial, encore qu’il faille mentionner l’existence d’une « liste indicative » soumise par l’Iraq à l’UNESCO en l’an 2000, sur laquelle figurait non seulement Hatra, mais également sept autre sites que l'Iraq considère comme prioritaires en vue d'une inscription dans les prochaines années[24].

 

Pour ce qui est de l’état des ratifications, les trois principaux Etats parties au conflit en Iraq sont parties à cette convention. Cependant, se pose la question de son applicabilité ou non en période de conflit armé. Loin d’être évident, il s’agit là d’un problème fondamental et controversé. Il est toutefois possible de déceler des indices soutenant l’existence d’un lien entre cette convention et un contexte de conflit armé. Ainsi, dans les années 1990, en vue de renforcer la protection spéciale de la Convention de La Haye de 1954, l’UNESCO a invité les Etats parties à la fois à cette convention et à la Convention sur le Patrimoine mondial – dont les sites sont inscrits sur la liste de cette dernière – à étudier la possibilité de les inscrire au Registre international des biens culturels sous protection spéciale. Un autre argument soutenant l'applicabilité, en période de conflits armés, de la Convention sur le Patrimoine mondial est fourni par la pratique étatique. Par exemple, lors de l’encerclement de Dubrovnik – dont la Vieille Ville figurait sur la liste du patrimoine mondial – par les forces armées lors du conflit en ex-Yougoslavie, le Directeur général de l'UNESCO y envoya deux observateurs permanents pour y hisser le drapeau de l'ONU, afin de démontrer l'intérêt de la communauté internationale pour la préservation de ce site. Une approche quelque peu similaire a d’ailleurs été adoptée par l’UNESCO dans le cadre du conflit à l’étude. Ainsi, d’après le directeur adjoint de la culture à l’UNESCO, la liste des sites importants ainsi que des documents cartographiques de l’Iraq ont été remis aux Américains[25]. Ceci témoigne encore une fois de la perception, du moins par l’UNESCO, de l’applicabilité, en période de conflits armés, de la Convention sur le Patrimoine mondial.

 

 

D. - Le Protocole I de 1977[26]

 

 

Situé au chapitre III – « Biens de caractère civil » ‑, l'article 53 du Protocole I de 1977 dispose :

 

« Sans préjudice des dispositions de la Convention de La Haye du 14 mai 1954 (...) et d'autres instruments pertinents, il est interdit :

a. de commettre tout acte d’hostilité dirigé contre des monuments historiques, les œuvres d'art ou les lieux de culte qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples ;

b. d'utiliser ces biens à l'appui de l'effort militaire ;

c. de faire de ces biens l'objet de représailles ».

 

L’on constate que non seulement cette disposition énumère les composantes du patrimoine culturel ‑ rappelant la Convention (IV) de La Haye de 1907 ‑ mais encore elle établit un lien avec, entre autres, la Convention de La Haye de 1954. De manière remarquable, la disposition impose aux belligérants l’obligation de ne pas utiliser le patrimoine culturel « à l’appui de l’effort militaire ». A cet égard, dans le cadre du conflit à l’étude, il faut noter que les belligérants se sont rejetés mutuellement la responsabilité d’allégations de dommages infligés aux mosquées de deux des haut-lieux de l’Islam Chiite que sont Nadjaf et Karbala, où sont enterrés les Imams Ali et Hossein. Les autorités iraquiennes soutenant que les Américains avaient pris ces mosquées pour cibles, les Américains affirmant que les Iraquiens avaient utilisé celles-ci à des fins militaires, et les autorités chiites affirmant que les Américains n’avaient pas attaqué ces lieux saints[27]. A cela il faut ajouter les combats qui ont eu lieu autour de la mosquée d’Imam al-Adham, située au nord du centre-ville de Bagdad, d’où ‑ d’après l’armée américaine ‑ les forces ennemies tiraient[28].

 

Les normes protectrices énoncées à l’article 53 sont complétées par l'article 85 (d), « répression des infractions graves au présent Protocole », qui considère comme infraction grave :

 

« d. Le fait de diriger des attaques contre des monuments historiques, les œuvres d'art ou les lieux de culte clairement reconnus qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples et auxquels une protection spéciale a été accordée en vertu d'un arrangement particulier, par exemple dans le cadre d'une organisation internationale compétente, provoquant ainsi leur destruction sur une grande échelle, alors qu'il n'existe aucune preuve de violation par la partie adverse de l'article 53, alinéa b, et que les monument historiques, œuvres d'art et lieux de culte en question ne sont pas situés à proximité immédiate d'objectifs militaires ; (...) »

 

Ainsi, s’il était établi que les sites endommagés jouissaient d'une protection spéciale au sens du Protocole I de 1977, qu'ils avaient subi une destruction à grande échelle ‑ à condition qu'ils ne soient pas situés à proximité immédiate d'objectifs militaires ‑ alors les dommages infligés à ces sites constitueraient une infraction grave au Protocole I de 1977, c’est-à-dire des crimes de guerre.

 

Pour que le Protocole I de 1977 soit applicable, encore faut-il déterminer lequel des belligérants y était partie lors des hostilités. Ainsi, à la différence du Royaume-Uni, l’Iraq et les Etats-Unis n’étaient pas parties au Protocole I de 1977[29].

 

 

E. - Le Statut de la Cour pénale internationale

 

 

L’article 8 (2) (b) (ix) du Statut de la CPI qualifie de crimes de guerre commis dans un contexte de conflit armé international :

 

« b) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre établi du droit international, à savoir, l'un quelconque des actes ci-après :

(…)

ix) Le fait de lancer des attaques délibérées contre des bâtiments consacrés à la religion, à l'enseignement, à l'art, à la science ou à l'action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, pour autant que ces bâtiments ne soient pas des objectifs militaires ;

(…) ».

 

Tout comme la Convention (IV) de La Haye de 1907 et le Protocole I de 1977, cet article se réfère explicitement aux composantes du patrimoine culturel. Par ailleurs, l’article 8 (2) (b) (ix) témoigne de l’importance du patrimoine culturel en le plaçant au même niveau que celui des hôpitaux et de lieux de rassemblement de malades.

 

L’Iraq et les Etats-Unis ne sont pas parties au Statut de la CPI. En revanche, le Royaume-Uni étant partie au Statut, la Cour est compétente pour connaître des actes commis par ses ressortissants engagés dans les hostilités. D’où la prudence particulière s’imposant aux troupes britanniques eu égard au Statut de la CPI.

 

 

II. - PROTECTION INDIRECTE

 

 

Développé à partir de la seconde moitié du 19e siècle, le droit des conflits armés est resté essentiellement anthropocentrique. Par conséquent, à l’exception des dispositions citées précédemment, la protection du patrimoine culturel s'effectue essentiellement par des dispositions protégeant la propriété privée ou la population civile : il s’agit donc d’une protection indirecte.

 

 

A. - Le Règlement annexé à la Convention (IV) de La Haye de 1907

 

 

La Clause Martens qui figure au Préambule du Règlement annexé à la Convention (IV) de La Haye de 1907[30], ainsi que l’article 22 qui codifie le principe selon lequel « les belligérants n'ont pas un droit illimité quant au choix des moyens de nuire à l'ennemi », sont des dispositions susceptibles de protéger le patrimoine culturel dans le cadre de cette étude.

 

Vient ensuite l'article 23 (g), qui interdit :

 

« de détruire ou de saisir des propriétés ennemies, sauf les cas où ces destructions ou ces saisies seraient impérieusement commandées par les nécessités de la guerre ».

 

Si cette disposition prohibe les saisies et destructions de la propriété ennemie, elle assujettit en revanche la prohibition à la nécessité militaire. Malgré cette faiblesse – due au caractère subjectif de cette notion ‑, cette disposition peut être considérée comme protectrice du patrimoine culturel en tant que composante de la propriété de l'ennemi.

 

Mais c'est en réalité l'article 55 qui est pertinent. Cet article dispose :

 

« L'Etat occupant ne se considérera que comme administrateur et usufruitier des édifices publics, immeubles, forêts et exploitations agricoles appartenant à l'Etat ennemi et se trouvant dans le pays occupé. Il devra sauvegarder le fonds de ces propriétés et les administrer conformément aux règles de l'usufruit ».

 

Dans cette disposition plusieurs points retiennent l'attention. Tout d'abord, partant des termes « édifices publics et immeubles », il est possible de considérer le patrimoine culturel comme composante de la propriété de l'ennemi. Ensuite la disposition envisage le cas de figure d’occupation, où la puissance occupante n'est que « [l’]administrateur et [l']usufruitier » de la propriété ennemie. En d’autres termes, la puissance occupante a le droit de jouir de tous les avantages découlant de l'utilisation de la propriété de la puissance occupée, mais en même temps elle se doit de respecter les obligations y afférentes. Or, le patrimoine culturel constituant un sous-ensemble de cette propriété, il incombe à la puissance occupante l'obligation de le protéger, ce qui a pour corollaire la prohibition de l'endommager et/ou piller[31]. Tout cela nécessite évidemment de déterminer le statut des puissances non iraquiennes eu égard aux portions du territoire iraquien sous leur contrôle, dans les différentes phases temporelles durant et après les opérations militaires.

 

Dans le cadre de la présente étude, certaines villes iraquiennes ont connu de nombreux pillages dont l’ampleur s’est intensifiée, en particulier, avec le vide d’autorité créé à la suite de la chute de Bagdad. Si ces pillages ont concerné dans un premier temps les édifices gouvernementaux et les hôpitaux, ils ont été suivis par le pillage du musée archéologique de Bagdad, avec des dégâts se chiffrant à plusieurs milliards de Dollars[32]. Après une longue fermeture avant la deuxième guerre du golfe Persique, ce musée avait été inauguré en avril 2000, et contenait d’inestimables objets remontant à l’ère Sumérienne (3 500 av. J.-C.)[33], comprenant, entre autres, d’irremplaçables statues, d’objets du cimetière d'Our, de bas-reliefs et de 5 000 tablettes où étaient portées les plus anciennes écritures connues[34]. Suite auxdits pillages, le Directeur général de l’UNESCO a adressé un courrier aux autorités américaines, soulignant « l’urgence qu’il y avait à préserver des collections et un patrimoine considérés comme l’un des plus riches du monde », insistant en particulier « sur la nécessité d’assurer la protection militaire du Musée archéologique de Bagdad et du Musée de Mossoul »[35]. La même demande fut formulée auprès des autorités britanniques concernant plus particulièrement la région de Bassorah[36]. Le Directeur général semblait ainsi considérer que lesdites forces avaient l’obligation de protéger le patrimoine culturel iraquien, peut-être au sens de la Convention (IV) de La Haye de 1907. A cet égard, il est intéressant de noter l’engagement du secrétaire d'Etat américain à protéger le patrimoine iraquien et à réparer les dégâts provoqués par le pillage du musée archéologique de Bagdad : « Les Etats-Unis sont conscients de leurs responsabilités et nous allons prendre un rôle prépondérant dans le respect des antiquités en général, et de ce musée en particulier »[37]. Toujours dans la même optique, mentionnons la réunion d’experts à l’UNESCO le 17 avril 2003, à l’issue de laquelle une déclaration a été émise, demandant, entre autres, « aux forces de la coalition de respecter les principes de la [Convention de La Haye de 1954] et de ses deux protocoles », suivi de six recommandations « à tous les responsables de l’ordre civil en Iraq »[38]. A cela, il faut ajouter l’appel de protection lancé par le Directeur général de l’UNESCO[39], face aux destructions et incendies de la Bibliothèque et des Archives nationales à Bagdad, de même que la Bibliothèque des Corans du ministère du Culte, dans lesquels des siècles de manuscrits et autres archives auraient péri[40].

 

 

B. - La Convention de Genève IV de 1949[41]

 

 

Préoccupée par la tâche importante de la protection des victimes de la deuxième guerre mondiale, cette convention ne mentionne pas le patrimoine culturel en tant que tel. Cependant, deux de ses dispositions ‑ les articles 53 et 147 ‑ s’appliquent à cette étude. Situé dans la Section III intitulée « Territoires occupés », l'article 53 dispose :

 

« Il est interdit à la puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privées, à l'Etat ou à des collectivités publiques, à des organisations sociales ou coopératives, sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires ».

 

Cette disposition n'est pas sans rappeler l'article 23 (g) du Règlement annexé à la Convention (IV) de La Haye de 1907 commenté plus haut. Cependant, l'article 53 ne s’applique qu’aux territoires occupés, dont la définition et l’application ‑ controversées même au cas par cas ‑ constituent un obstacle en soi, quant à la protection du patrimoine culturel. Ainsi, dans le cadre de la présente étude, à supposer que les forces armées ayant déclenché les opérations militaires constituaient une « puissance occupante » au sens de la Convention de Genève IV de 1949, et que l’on se trouvait dans des territoires occupés, il pourrait être soutenu qu’elles n’ont pas cherché à « détruire » le patrimoine en question. D’ailleurs, ces forces n’ont pas été accusées d’avoir participé à la destruction de ces biens, soit personnellement, soit intentionnellement, bien que certains acteurs ‑ tels le Directeur général de l’UNESCO ou la directrice du musée archéologique de Bagdad[42] ‑ semblent avoir considéré que les forces en question avaient l’obligation de veiller à la protection desdits biens du désordre faisant suite à l’absence temporaire des pouvoirs publics.

 

Puis vient l'article 147 ‑ intitulé « infractions graves » ‑ qui dispose :

 

« Les infractions graves visées à l'article précédent sont celles qui comportent l'un ou l'autre des actes suivants, s'ils sont commis contre des personnes ou des biens protégés par la Convention : (...) la destruction et l'appropriation des biens non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire »[43].

 

Donc, dans ce cas de figure, la destruction en question doit être, en particulier, effectuée « sur une grande échelle » et non justifiée par la nécessité militaire. Les modalités de cette protection ont par ailleurs été amplement expliquées par le TPIY, dans l’affaire Kordic, où la Chambre de Première instance a indiqué que constitue une infraction grave, la destruction sur une grande échelle, de biens :

 

« i) lorsque les biens détruits entrent dans une catégorie à laquelle les Conventions de Genève de 1949 accordent une protection générale, qu’ils soient ou non situés sur un territoire occupé, et lorsque l’auteur de cet acte a agi dans l’intention de détruire les biens en question, ou que ces biens ont été détruits par l’effet de son imprudence et du peu de cas qu’il faisait de leur destruction probable, ou

ii) lorsque les biens détruits sont protégés par les Conventions de Genève du fait qu’ils se trouvent sur le territoire occupé et lorsque cette destruction est exécutée sur une grande échelle, et

iii) lorsque la destruction n’est pas justifiée par des nécessités militaires et que l’auteur de cet acte a été animé par l’intention de détruire les biens en question , ou que ces biens ont été détruits par l’effet de son imprudence et du peu de cas qu’il faisait de leur destruction probable »[44].

 

L’avantage du recours à la Convention de Genève IV de 1949 réside dans son statut de norme coutumière, permettant d’éviter les problèmes de forme propres au droit international conventionnel, tel l’état des ratifications. Cependant, il faut tenir compte du fait que cette protection est sujette, en particulier, à la nécessité militaire et à l’existence d’un conflit armé à caractère international.

 

Au-delà du fait que l’article 147 de la Convention IV de Genève de 1949 incrimine certaines infractions graves, c’est son incorporation dans le Statut de la CPI qui illustre son importance.

 

 

C. - Le Protocole I de 1977

 

 

Intitulé « Protection générale des biens de caractère civil », l’article 52 du Protocole I de 1977 dispose :

 

« 1. Les biens de caractère civil ne doivent pas être l’objet ni d’attaques ni de représailles. Sont biens de caractère civil tous les biens qui ne sont pas des objectifs militaires au sens du paragraphe 2.

2. Les attaques doivent être strictement limitées aux objectifs militaires. En ce qui concerne les biens, les objectifs militaires sont limités aux biens qui, par leur nature, leur emplacement, leur destination ou leur utilisation apportent une contribution effective à l’action militaire et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offre en l’occurrence un avantage militaire précis.

3. En cas de doute, un bien qui est normalement affecté à un usage civil, tel qu’un lieu de culte, une maison, un autre type d’habitation ou une école, est présumé ne pas être utilisé en vue d’apporter une contribution effective à l’action militaire ».

 

Si cet article porte principalement sur la distinction entre les biens à caractère civil et les objectifs militaires, il n’en demeure pas moins qu’il englobe indirectement le patrimoine culturel.

 

 

D. - Le Statut de la CPI

 

 

L’article 8 (2) (a) du Statut de la CPI qualifie de « crimes de guerre » :

 

« a) Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir l'un quelconque des actes ci-après lorsqu'ils visent des personnes ou des biens protégés par les dispositions des Conventions de Genève :

(…)

iv) La destruction et l'appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ;

(…) ».

 

Si l’article 8 (2) (a) (iv) incorpore une disposition conventionnelle, l’article 8 (2) (b) qualifie également de « crimes de guerre » :

 

« b) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre établi du droit international, à savoir, l'un quelconque des actes ci-après :

(…)

ii) Le fait de lancer des attaques délibérées contre des biens civils, c'est-à-dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires ;

(…)

iv) Le fait de lancer une attaque délibérée en sachant qu'elle causera incidemment des pertes en vies humaines ou des blessures parmi la population civile, des dommages aux biens de caractère civil ou des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l'ensemble de l'avantage militaire concret et direct attendu ;

v) Le fait d'attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires ;

(…)

xiii) Le fait de détruire ou de saisir les biens de l'ennemi, sauf dans les cas où ces destructions ou saisies seraient impérieusement commandées par les nécessités de la guerre ;

(…)

xvi) Le pillage d'une ville ou d'une localité, même prise d'assaut ;

(...) ».

 

Cet article incorpore ainsi non seulement d’autres dispositions conventionnelles, mais également et surtout des normes de droit international coutumier qui offrent une protection au patrimoine culturel, comme en témoignent les dispositions énumérées ci-dessus. En effet, les composantes du patrimoine culturel constituent des biens de caractère civil de l’ennemi. En tout état de cause, le patrimoine culturel peut également être incorporé dans « des villes, villages, habitations ou bâtiments ». Enfin, il est fondamental de tenir compte de la prohibition de « saisir » et l’interdiction du « pillage » de la propriété ennemie, dont le patrimoine culturel constitue une composante.

 

 

CONCLUSION

 

 

Les développements précédents illustrent l’existence, en période de conflits armés, de normes juridiques protectrices du patrimoine culturel. Cette protection connaît néanmoins deux atténuations : d’une part, les problèmes de forme (principalement l’état des ratifications) inhérents au droit international conventionnel ; d’autre part, le fait que le droit international semble fournir avec parcimonie une protection directe au patrimoine culturel[45]. Cependant, il faut noter que la protection indirecte ne présente pas nécessairement de désavantages. Ainsi, elle fournit au patrimoine culturel une protection adéquate, dans la mesure où elle permet d’éviter le problème de l’identification ou non des sites. De plus, lorsqu’elle revêt le statut de droit coutumier, la protection indirecte permet de contourner les problèmes de forme propres au droit conventionnel, en particulier, la question de l’état des ratifications[46].

 

En tout état de cause, au delà d’instruments tels que Le Règlement annexé à la Convention (IV) de La Haye de 1907 ou la Convention de Genève IV de 1949 ‑ dotés du statut de norme coutumière ‑ il est indispensable de mentionner deux normes coutumières ayant trait à la conduite des hostilités, dont le respect peut assurer la protection, entre autres, du patrimoine culturel. Il s’agit des principes de distinction et de proportionnalité. Le principe de distinction prohibe les attaques frappant indistinctement les objectifs militaires, les personnes civiles et les biens à caractère civil[47]. Dans le cadre de la présente étude, ce principe consiste donc à effectuer une distinction entre les biens de caractère civil ‑ le patrimoine culturel ‑ et les objectifs militaires[48]. Le principe de proportionnalité autorise, quant à lui, uniquement les moyens de combats proportionnels à l'objectif et nécessaires pour l’atteindre. Ainsi, il incombe aux belligérants l’obligation de ne pas attaquer un objectif militaire si les dommages collatéraux prévisibles sont disproportionnés par rapport à l'avantage militaire recherché.

 

Bien que la présente étude se penche surtout sur les normes juridiques réglementant la conduite des hostilités, il n’exclut pas le recours au droit international pénal, tel qu’il se matérialise dans le Statut de la CPI. En effet, l’existence des normes protectrices couvertes par sa compétence ratione materiae constitue en soi une mesure protectrice préventive. En tout état de cause, la pratique du TPIY illustre le fait qu’il est possible d’accuser, de poursuivre, de juger et de condamner les individus ayant commis, entre autres, des crimes de guerre sous forme de ravages infligés au patrimoine culturel.

 

Toutefois, il ne faut pas omettre de signaler que la destruction du patrimoine culturel ne constitue pas nécessairement une contravention aux normes précitées, dans la mesure où il est indispensable de tenir compte de l’intention des personnes menant les opérations militaires, mais également de concepts tel que les dommages collatéraux[49]. Enfin, il faut noter que le principe de nécessité militaire atténue l’effectivité des principes de distinction et de proportionnalité, dans la mesure où les contours ambigus de son champ d’interprétation permettent de l’invoquer afin de tenter de justifier les abus.

 

De manière plus générale, il faut espérer que, d’une part le patrimoine culturel situé sur le territoire d’un belligérant donné ne soit pas utilisé par celui-ci à des fins militaires, et d’autre part, ceux des belligérants qui mènent des hostilités sur son territoire respectent les principes de distinction et de proportionnalité. Le respect combiné de ces normes est à même d’assurer une meilleure protection à la fois de la précieuse vie humaine, et de ses irremplaçables créations.

 

Enfin, si cette étude n’a pas envisagé les problèmes d’importation, d’exportation et de transfert de propriété illicites[50] ‑ phénomène courant en période d’hostilités, particulièrement à la fin de celles-ci ‑ il n’en demeure pas moins que l’Iraq, qui avait déjà connu ce problème à la suite de la deuxième guerre du golfe Persique, semble également avoir fait l’expérience à l’occasion du conflit armé de mars-avril 2003, du fait du sort encore indéterminé des objets pillés, entre autres, au musée archéologique de Bagdad.

 

Sur la base des informations disponibles au moment de la rédaction de cette étude, il semblerait que les forces armées ayant déclenché les opérations militaires de 2003 ont respecté les règles de conduite des hostilités quant à la protection du patrimoine culturel[51]. Malheureusement, ledit respect a été réduit au néant par le fait qu’on n’ait pas vigoureusement empêché les immenses pillages et destructions des institutions culturelles envisagées dans cette étude[52].

 

 

* * *

 


NOTES

 

[1] Emmanuel de ROUX, « Menace sur cinq mille ans d’histoire », Le Monde, 26 mars 2003, http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3230--314221-,00.html.

[2] L’expression « guerre du golfe Persique » désignait, dans les années 1980, la conduite des hostilités dans le golfe Persique, c’est-à-dire la composante maritime du conflit armé international entre l’Iran et l’Iraq. Par conséquent, par souci d’exactitude historique, et afin de ne pas sombrer dans l’amnésie collective, le conflit armé de 1991 doit être considéré comme la « Deuxième guerre du golfe Persique ». S’agissant du conflit armé de 2003 en Iraq, il est difficile de le considérer comme une autre guerre du golfe Persique, dans la mesure où la conduite des hostilités s’est effectuée principalement dans l’espace terrestre et aérien de l’Iraq, évitant totalement les opérations militaires dans le golfe Persique.

[3] Michel BESSAGUET, « Ravages et dommages », Géo, Mai 1991, p. 217.

[4] Ibid., p. 217.

[5] Ibid., p. 217.

[6] Emmanuel de ROUX, « Menace sur cinq mille ans d’histoire », Le Monde, 26 mars 2003, http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3230--314221-,00.html.

[7] Id.

[8] Voir par exemple UNESCO, Iraq – Patrimoine en péril, Nouvelles du patrimoine mondial, http://whc.unesco.org/news/news170203.htm ou encore Conseil International des Monuments et des Sites, Guerre en Irak – Mémoire et patrimoine du Monde en danger, communiqué du 6 mars 2003, http://www.international.icomos.org/risk/2002/irak-appeal.htm.

[9] Koïchiro MATSUURA, « Il est de notre devoir d’aider le peuple iraquien à protéger sa mémoire et à construire son avenir », 27 mars 2003, http://portal.unesco.org/fr/ev.php@URL_ID=10817&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html.

[10] Il faut également noter que le droit de la paix est susceptible de fournir un certain nombre d’indications relatives à la protection du patrimoine culturel en période de conflits armés.

[11] Convention (IV) de La Haye du 18 octobre 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son Annexe : Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre.

[12] Comme l’indique par exemple le rapport du Secrétaire général, adopté par le Conseil de sécurité le 25 mai 1993 en vue de la création du TPIY. Le TPIY se fonde d’ailleurs régulièrement sur ce rapport dans sa jurisprudence.

[13] Rapport du Secrétaire général établi conformément au paragraphe 2 de la résolution 808 (1993) du Conseil de sécurité, S/25704, 3 mai 1993, § 35. Par ailleurs, en 1950, la Commission du droit international releva dans ses commentaires que d’après le Tribunal Militaire International de Nuremberg (TMI), la Convention de la Haye IV et son Règlement (notamment l'article 23 g) avaient acquis valeur coutumière en 1939, alors que les crimes de guerre du Statut du TMI étaient déjà reconnus comme crime de guerre par le droit international. Parmi les sept Principes du Tribunal reconnus par le Statut du TMI, le Principe VI (b) crimes de guerre inclut dans cette catégorie de crimes, la « destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne justifient pas la nécessité militaire » (« wanton destruction of cities, towns, or villages, or devastation not justified by military necessity ». Traduit par nous).

[14] Convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé.

[15] Dès ses origines, le droit des conflits armés a entendu protéger les biens culturels contre les effets des hostilités. Ainsi, le Règlement de la Haye IV contenait des dispositions en ce sens, mais elle se révélèrent insuffisantes durant la Première Guerre Mondiale. Parmi les initiatives les plus connues figure le Traité du 15 avril 1935 sur la Protection d'institutions artistiques et scientifiques et des monuments historiques, communément dénommé le Pacte Roerich.

[16] Cf. Caroline B. GLICK, “Archaeological Shields, Saddam holds Iraq’s antiquities hostage”, Wall Street Journal, March 27, 2003, http://www.opinionjournal.com/la/?id=110003253.  

[17] Emmanuel de ROUX, « Menace sur cinq mille ans d’histoire », Le Monde, 26 mars 2003, http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3230--314221-,00.html.

[18] L’Article 4 (1) dispose : « les Hautes Parties contractantes [doivent] respecter les biens culturels situés tant sur leur propre territoire que sur celui des Hautes Parties contractantes en s'interdisant l'utilisation de ces biens, (...) à des fins qui pourraient exposer ces biens à une destruction ou à une détérioration en cas de conflit armé, et en s'abstenant de tout acte d’hostilité à leur égard ».

[19] Pour de plus amples détails, voir Jan HLADIK, “Diplomatic Conference on the Second Protocol to The Hague Convention for the Protection of Cultural Property in the Event of Armed Conflict, The Hague, Netherlands (March 15-26, 1999)”, International Journal of Cultural Property, 1999, Vol. 8, N. 2, pp. 526-529.

[20] Le contrôle d’application de la Convention, incombe au Directeur général, aux Commissaires généraux et aux Puissances protectrices. Le Directeur général propose fréquemment une offre de service aux belligérants qui, lorsqu’elle est spécifique, bénéficie d’une réaction favorable des Etats (voir l’acceptation de la mission de l'UNESCO par les belligérants lors de la guerre Iran-Iraq). Les fonctions des Commissaires généraux consistent à s'occuper de tout ce dont ils sont saisis, y compris à ordonner et effectuer personnellement des investigations (voir la guerre Iran-Iraq). Ce dernier cas illustre les complications procédurales de la Convention : en effet, les négociations entamées en Iran et en Iraq par les deux représentants personnels du Directeur général, afin de préparer la désignation des Commissaires généraux dans chacun des deux pays, furent si longues que la guerre prit fin alors que l'Iraq n'avait toujours pas approuvé la nomination ; Etienne CLEMENT, « Some Recent Practical Experience in the Implemention of the 1954 Hague Convention », International Journal of Cultural Property, No. 1, Vol. 3, 1994, pp. 16-20.

[21] La Convention de Paris du 16 novembre 1972 sur le Patrimoine mondial, culturel et naturel.

[22] Cette formulation n’est pas sans rappeler le Préambule de la Convention de la Haye de 1954.

[23] Il est également intéressant de remarquer que l’article 12 dispose : « Le fait qu’un bien du patrimoine culturel et naturel n’ait pas été inscrit sur l’une ou l’autre des deux listes visées aux paragraphes 2 et 4 de l’article 11 ne saurait en aucune manière signifier qu’il n’a pas une valeur universelle exceptionnelle à des fins autres que celles résultant de l’inscription sur ces listes ».

[24] UNESCO, Nouvelles du patrimoine mondial, Iraq – Patrimoine en péril, http://whc.unesco.org/nwhc.fr/pages/news/irak.htm.

[25] Emmanuel de ROUX, « Menace sur cinq mille ans d’histoire », Le Monde, 26 mars 2003, http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3230--314221-,00.html.

[26] Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux.

[27] « Les sites religieux utilisés comme boucliers, selon les GI », Le Monde, 4 avril 2003,

http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3462--315318-,00.html ; et Anwar Iqbal, “Pro-U.S. Shiite cleric 'assassinated'”, The Washington Times, April 10, 2003, http://www.washtimes.com/upi-breaking/20030410-110013-5707r.htm.

[28] Khaled Yacoub Oweis, “Fierce Firefight at Baghdad Mosque, U.S. Marine Dead”, Yahoo! News, 10 avril 2003, http://news.yahoo.com.  

[29] Il doit toutefois être noté que certaines dispositions du cet instrument semblent avoir acquis le statut de droit coutumier. Par exemple, lors de la Conférence diplomatique de 1999 qui a adopté le Deuxième Protocole à la Convention de La Haye de 1954, des Etats qui n’étaient pas parties au Protocole I de 1977, tels les Etats-Unis, ont confirmé que l’article 52 (2) du Protocole I de 1977 faisait partie du droit coutumier. Jean-Marie HENCKAERTS, Nouvelles règles de protection des biens culturels en case de conflit armés: La portée du Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, Protection des biens culturels en cas de conflit armé, Comité international de la Croix-Rouge, novembre 2001, p. 34.

[30] Le Préambule se lit comme suit : « En attendant qu'un code plus complet des lois de la guerre puisse être édicté, les Hautes Parties contractantes jugent opportun de constater que, dans les cas non compris dans les dispositions réglementaires adoptées par elles, les populations et les belligérants restent sous la sauvegarde et sous l'empire des principes du droit des gens, tels qu'ils résultent des usages établis entre nations civilisées, des lois de l’humanité et des exigences de la conscience publique ». Communément appelée la Clause Martens, cette disposition peut être comprise comme ouvrant une perspective à l’évolution des normes protectrices en période de conflits armés. Il faut également mentionner la dernière partie de cette clause est communément appelée le principe d’humanité. Soixante-dix ans plus tard, l'article 1 (2) du Protocole I de 1977 a repris cette clause en la réactualisant ‑ quant au vocabulaire utilisé ‑ en disposant : « Dans les cas non prévus par le présent Protocole ou par d'autres accords internationaux, les personnes civiles et les combattants restent sous la sauvegarde et sous l'empire des principes du droit des gens tels qu'ils résultent des usages établis, des principes de l’humanité et des exigences de la conscience publique ».

[31] Bien que le principe de nécessité militaire ne soit pas évoqué dans cette disposition, il n’est pas exclu de supposer qu'il sera possible à l'Etat occupant de détruire la propriété de l'Etat ennemi, si ces destructions étaient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires.

[32] Emmanuel de ROUX, « Le musée archéologique de Bagdad a été pillé », Le Monde.fr, 12 avril 2003, http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3462--316706-,00.html. Voir Emmanuel de ROUX, « Les trente-deux galeries du Musée archéologique ont été mises à sac », Le Monde, 15 avril 2003, p. 3.

[33] Rajiv CHANDRASEKARAN, “Looters destroyed what war did not”, The Washington Post, April 12, 2003,

 http://www.msnbc.com/news/899588.asp?vts=041320030620.

[34] Emmanuel de ROUX, « Le musée archéologique de Bagdad a été pillé », Le Monde.fr, 12 avril 2003, http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3462--316706-,00.html. Voir Emmanuel de ROUX, « Les trente-deux galeries du Musée archéologique ont été mises à sac », Le Monde, 15 avril 2003, p. 3.

[35] UNESCO, « Le Directeur général de l’UNESCO demande que toutes les mesures soient prises pour assurer la surveillance et le gardiennage du patrimoine culturel iraquien et lutter efficacement contre le trafic illicite », Communiqué de presse de la Porte Parole du Directeur général, 12 avril 2003,

http://portal.unesco.org/fr/ev.php@URL_ID=11238&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html.

[36] Id.

[37] « Engagement américain à protéger le patrimoine historique iraquien », Le Monde, 13 avril 2003.

[38] Les six points étant : « 1) Que tous les musées, bibliothèques, archives, monuments et sites d’Iraq soient immédiatement gardés et sécurisés par les forces présentes sur place ; 2) Qu’une interdiction immédiate frappe l’exportation de tous objets anciens ou antiques, œuvres d’art, livres et archives d’Iraq ; 3) Que soit immédiatement interdit le commerce international de biens du patrimoine culturel iraquien ; 4) Qu’un appel soit lancé pour la restitution volontaire immédiate des biens culturels volés ou exportés d’Iraq de façon illicite ; 5) Qu’une mission, coordonnée par l’UNESCO, évalue l’étendue des dommages et pertes de biens culturels en Iraq ; 6) Que des efforts soient entrepris au niveau international pour faciliter le travail des institutions culturelles d’Iraq », Cf. UNESCO, Sauvegarde du patrimoine culturel iraquien : les recommandations des experts réunis par l’UNESCO, communiqué de presse 2003-26 du 17 avril 2003,

http://portal.unesco.org/fr/ev.php@URL_ID=11416&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html.

[39] UNESCO, « Koïchiro Matsuura demande la protection des bibliothèques et des archives, éléments essentiels du riche patrimoine culturel iraquien », communiqué de presse de la Porte Parole du Directeur général, 15 avril 2003, http://portal.unesco.org/fr/ev.php@URL_ID=11290&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html.

[40] Robert FISK, “Library books, letters and priceless documents are set ablaze in Final Chapter of the Sacking of Baghdad”, The Independent, April 15, 2003, http://argument.independent.co.uk/commentators/story.jsp?story=397350.

[41] La Convention de Genève IV de 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.

[42] Emmanuel de ROUX, « Le musée archéologique de Bagdad a été pillé », Le Monde.fr, 12 avril 2003, http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3462--316706-,00.html. Voir Emmanuel de ROUX, « Les trente-deux galeries du Musée archéologique ont été mises à sac », Le Monde, 15 avril 2003, p. 3. ; UNESCO, Le Directeur général de l’UNESCO demande que toutes les mesures soient prises pour assurer la surveillance et le gardiennage du patrimoine culturel iraquien et lutter efficacement contre le trafic illicite, Communiqué de presse de la Porte Parole du Cabinet du Directeur général, 12 avril 2003,

http://portal.unesco.org/fr/ev.php@URL_ID=11238&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html ;

 Rajiv CHANDRASEKARAN, « Looters destroyed what war did not », The Washington Post, 12 avril 2003,

http://www.msnbc.com/news/899588.asp?vts=041320030620.

[43] Cette disposition n'est pas sans rappeler le Principe VI (b) du Statut du TMI, en déclarant que « la destruction et l'appropriation des biens non justifiées par des nécessités militaires » est un crime de guerre. La vraie différence entre le Principe VI (b) et l'article 147 est que celui-ci précise que les destructions doivent avoir été exécutées « sur une grande échelle et de façon illicite, rendant par la même la définition plus restrictive ».

[44] Le Procureur c. Dario Kordic et Mario Cerkez, Affaire IT-95-14/2-T, Chambre de première instance, 26 février 2001, § 341, http://www.un.org/icty/kordic/trialc/jugement/index.htm.

[45] Ainsi, il peut être soutenu que la protection directe constitue la lex specialis, et la protection indirecte constitue la lex generalis.

[46] Ainsi, il est intéressant de citer le Préambule du Deuxième Protocole à la Convention de La Haye de 1954 du 26 mars 1999, qui dispose : « les règles de droit international coutumier continueront à régir les questions qui ne sont pas réglées par le présent Protocole ».

[47] Article 48 du Protocole I de 1977.

[48] Voir les articles 48 et 52 (2) du Protocole I de 1977. En cas de doute sur l’utilisation d'un bien en principe affecté à un usage civil, il est présumé ne pas être utilisé à des fins militaires.

[49] Voir les exemples fournis par David A. MEYER, “the 1954 Hague Cultural Property Convention and its Emergence into Customary International Law”, B.U. International Law Journal, 349, 376-377 (1993).

[50] Voir par exemple la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels du 14 novembre 1970.

[51] Emmanuel de ROUX, « Le musée archéologique de Bagdad a été pillé », Le Monde.fr, 12 avril 2003, http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3462--316706-,00.html. Voir Emmanuel de ROUX, « Les trente-deux galeries du Musée archéologique ont été mises à sac », Le Monde, 15 avril 2003, p. 3.

[52] Même si quelques 700 pièces et près de 40 000 manuscrits du musée archéologique de Bagdad semblaient avoir été retrouvés dans différents endroits, y compris dans les chambres fortes situées au sous-sol du musée. Cf. Jerry SEPER, “U.S. military recover 700 artifacts Missing in Baghdad”, The Washington Times, May 8, 2003,

http://washingtontimes.com/national/20030508-79443256.htm.

 


 

Note importante : Cet article est une co-publication des revues Actualité et Droit International et Monde Iranien et Droit International.

Copyright : © 2003 Hirad Abtahi. Tous droits réservés.

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Mode officiel de citation :

ABTAHI Hirad. - « Le patrimoine culturel iraquien à l’épreuve de l’intervention militaire du printemps 2003 ». - Actualité et Droit International <http://www.ridi.org/adi> et Monde Iranien et Droit International <www.spento-data.org/midi>, mai 2003.

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