LA
GESTION PAR L’OMS
DES SITUATIONS D’URGENCE SANITAIRE DE PORTEE INTERNATIONALE
L’exemple du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS)
par
Michèle Poulain
Ingénieur d'études au CNRS
Résumé :
L’épidémie de SRAS vient de
donner à l’Organisation mondiale de la santé l’occasion de mettre à l’épreuve le
cadre stratégique qu’elle a élaboré pour répondre aux situations d’urgence
sanitaire internationale. Si l’action que l’Organisation a menée, en particulier
par l’intermédiaire des Réseaux d’alerte et d’action, a permis d’endiguer la
propagation de l’épidémie, des enseignements peuvent en être tirés. Ils
confirment la nécessité d’une amélioration des capacités de lutte, aussi bien au
plan national qu’international et celle d’une actualisation de leur cadre
juridique par une révision du Règlement sanitaire international dont les
dispositions doivent être compatibles avec les normes de l’accord OMC sur les
mesures sanitaires et phytosanitaires.
Abstract :
The
World Health Organization has just been given the opportunity, through the SARS
epidemic, to put to the test the strategic framework is has developed to face
international health emergencies. The action taken by the Organization,
especially through its Global Outbreak Alert & Response Network, allowed to
contain the spreading of the epidemic, but lessons can be drawn from these
events: they confirm the need to improve struggling capacities on a national but
also international scale, as well as to update their juridical context by
reviewing International Health Regulations. Measures taken from these
Regulations must indeed meet the standards of the WTO Agreement on sanitary and
phytosanitary measures.
Impression
et citations : Seule la version
au format PDF fait référence.
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La première trace d’une action
visant à protéger les populations contre l’apparition de maladies infectieuses
remonte à 1377, année où la République de Venise a édicté une législation
instituant une quarantaine à l’égard des navires.
Il fallut ensuite attendre presque cinq siècles et les grandes épidémies
européennes de choléra entre 1830 et 1847 pour que soit réunie à Paris, en 1851,
une Conférence sanitaire internationale, et encore quarante années pour que
soient adoptées en 1892 une première convention sanitaire internationale, qui
concernait le choléra, et en 1897 une deuxième convention concernant la peste.
En 1907, la plupart des Etats signataires de ces deux conventions – qui avaient
été remplacées par une convention unique en 1903 – se sont réunis à Rome et ont
mis en place l’Office international d’Hygiène Publique (OIHP), doté d’un
secrétariat permanent à Paris, dont la mission était d’ajouter une surveillance
internationale à la surveillance que les
états, du moins certains d’entre eux, exerçaient en matière de santé
publique. L’OIHP rassemblait donc des informations sur les flambées épidémiques
afin de les communiquer aux pays participants, avec un bilan qui s’avéra plutôt
négatif, dans la mesure où la réglementation, souvent dépassée par les faits,
n’était pas reconnue de manière universelle et où tous les cas n’étaient pas
notifiés par crainte de réactions négatives sur les échanges internationaux.
Continuant dans cette direction, l’Organisation mondiale de la santé (OMS)
adopta à sa quatrième session, le 25 mai 1951, un Règlement sanitaire
international (ci-après : RSI), destiné à prévenir la propagation de certaines
maladies infectieuses : le choléra, la peste, la fièvre jaune et la variole.
Depuis lors, l’amélioration des conditions d’hygiène et de nutrition, le
développement des vaccins et d’antibiotiques de plus en plus ciblés et de plus
en plus performants, ainsi que l’éradication de la variole à la fin des années
1970,
se sont traduits par la fausse certitude que tout phénomène infectieux pouvait
être jugulé, tant et si bien que
« les fonds précédemment
affectés à la lutte ont été consacrés à d’autres problèmes, les experts ont pris
leur retraite ou quitté le terrain et les étudiants se sont intéressés à des
sujets plus gratifiants que les virus et les bactéries, de sorte que
l’infrastructure de la lutte contre les maladies transmissibles a commencé à
s’affaisser ».
A partir des années 1990, on
constata alors l’émergence de nouvelles maladies et l’augmentation de la
prévalence de maladies anciennes qui étaient devenues rares,
ceci en conséquence de divers facteurs : le volume important des voyages,
professionnels ou touristiques, et des échanges internationaux de denrées
alimentaires, l’absence dans beaucoup de pays en développement de systèmes
efficaces d’assainissement et d’hygiène dans la préparation des aliments ainsi
que, pour certains d’entre eux, l’effondrement des infrastructures de santé ;
les altérations de l’environnement et du climat ayant un impact direct sur les
populations d’insectes vecteurs et des réservoirs animaux ; le développement des
résistances aux antibiotiques liées à de mauvaises conditions d’utilisation ; la
menace enfin d’accidents causés par des agents biologiques.
L’Assemblée mondiale de la santé, « préoccupée par l’absence de surveillance
mondiale coordonnée qui permette de détecter, de notifier et de combattre les
maladies infectieuses »
a donc adopté en 1995 une résolution invitant tous les membres à renforcer la
surveillance de ces maladies autant par un dépistage et une identification
précoces que par une communication accrue à tous les niveaux, national et
international.
De manière à faciliter l’application de cette résolution, l’Organisation créa un
« Département Maladies transmissibles : surveillance et lutte » (EMC) dont les
activités visent à écarter les risques que présentent, au niveau mondial, les
maladies infectieuses émergentes ou réémergentes, les épidémies et les agents
infectieux pharmacorésistants. Ces activités tendent à rassembler des
informations, à coordonner la stratégie internationale, à fixer des normes
mondiales et à aider les pays pour tout ce qui touche à la surveillance des
maladies infectieuses, à prévoir une planification préalable et à organiser une
riposte en cas d’épidémie.
C’est dans ce contexte
qu’apparaissent en Chine, dans la province de Guandong, en novembre 2002, les
premiers cas d’une pneumonie atypique, qui se répand très rapidement. Le 12 mars
2003, après la notification de plus de 300 cas depuis la mi-février chez des
personnes résidant en Asie ou en provenant, l’OMS lance une alerte mondiale et
« en attendant d’en savoir plus […] préconise les techniques de soins en
isolement pour les patients qui présentent une pneumonie atypique et sont
susceptibles d’être en relation avec ces flambées »
ainsi que la notification aux autorités sanitaires de tout cas suspect. Trois
jours plus tard, devant la rapidité de la propagation du syndrome qui, de la
Chine, du Vietnam et de Hong Kong, a gagné simultanément le Canada, l’Indonésie,
les Philippines, Singapour et la Thaïlande, l’Organisation dresse un tableau des
principaux signes de ce qu’elle décide de nommer syndrome respiratoire aigu
sévère (SRAS)
et publie des recommandations, dont certaines à l’usage des voyageurs et des
compagnies aériennes.
Le 2 avril, fait rarissime dans l’histoire de l’Organisation, les voyages sont
déconseillés vers les zones apparemment les plus touchées, Hong Kong et la
province de Guandong en Chine.
Les données sont ensuite fréquemment actualisées tant sur l’évolution de la
maladie que sur les mesures prises.
Le 10 juin, on peut noter un recul régulier depuis plusieurs semaines
et le 24 juin l’Organisation lève son avis recommandant de ne pas se rendre à
Pékin.
Le 5 juillet, Taïwan est la dernière à être retirée de la liste des destinations
déconseillées.
Si l’épidémie a été maîtrisée, c’est par l’utilisation combinée des méthodes
traditionnelles de lutte contre les maladies infectieuses – isolement des
malades et quarantaine pour les personnes ayant été en contact avec eux
– et des techniques sophistiquées de communication et de recherche. De
nombreuses données demeurent toutefois mal connues, voire inconnues, en
particulier celles qui sont relatives à l’origine du virus, à ses modes de
contagion et de mutation, ainsi que celles qui concernent l’existence d’un
réservoir animal ou humain.
L’OMS insiste donc sur la nécessité de conserver un niveau de mobilisation
important
à l’égard d’une pathologie qui a successivement été reconnue « menace sanitaire
mondiale », puis « urgence de santé publique mondiale ».
L’action de l’Organisation tend
en conséquence à « éviter si possible qu[e le SRAS] ne devienne une nouvelle
maladie endémique ».
Elle s’inscrit dans un cadre stratégique déjà opérationnel en matière de lutte
contre les maladies infectieuses (I). Les différents développements intervenus
ont cependant montré, ou confirmé, la nécessité d’en repenser certains éléments
(II) et d’en actualiser le cadre juridique (III).
I. ‑ UN cadre
STRATégique OPéRATIONNEL
La stratégie récemment installée
par l’OMS montre une dynamique certaine des objectifs et des méthodes en vue de
limiter la propagation internationale des agents infectieux. La gestion du SRAS
a été l’occasion d’en tester l’efficacité.
A. ‑ Les réseaux d’alerte et
d’action
A partir de 1997, l’OMS a
imaginé et mis en oeuvre un système d’information qui repose sur plusieurs
partenaires, aussi bien sources officielles (professionnels de la santé,
laboratoires, bureaux régionaux de l’OMS, réseaux militaires) que non
officielles (ONG, médias et forums de discussion électroniques). D’abord
mécanisme au coup par coup, les liens établis ont été officialisés par la
création du réseau « Alerte et action », connu également sous son acronyme
anglais GOARN (Global Outbreak Alert & Response Network), issu d’une
conférence tenue à Genève du 26 au 28 avril 2000 et regroupant des représentants
des institutions déjà partenaires dans la surveillance des épidémies.
Le réseau repose sur des
principes généraux
tendant à la coordination des mécanismes déjà existants, qu’il vient compléter
et renforcer. Il a pour fonctions l’identification rapide, la vérification et la
communication des menaces visant à une réponse coordonnée. Il consiste en une
alliance globale de partenaires avec, au centre, un comité de coordination
composé de membres du réseau selon une large représentation géopolitique et, au
Siège de Genève, une équipe opérationnelle. Il est financé sur les fonds de
l’OMS avec des possibilités extrabudgétaires. Actuellement, le réseau est
composé de cent douze équipes qui sont concrètement chargées de vérifier sur le
terrain les mesures de protection prises par les hôpitaux, d’aider les
ministères de la santé dans le suivi épidémiologique, de s’assurer que les
prélèvements sont analysés en sécurité par les laboratoires et de mobiliser la
communauté sanitaire locale. Depuis 1997, année où le mécanisme a commencé à
fonctionner, ce sont 745 rapports qui ont fait l’objet d’une enquête
et de janvier 1998 à mars 2002, les investigations de l’OMS ont ainsi pu porter
sur 538 flambées importantes dans 132 pays.
Parmi les réseaux préexistants
apportant leur coopération, on peut noter :
-
le
Réseau mondial d’intelligence en santé publique (RMISP), logiciel élaboré par
Santé-Canada, utilisé par l’OMS depuis 1997 : ce réseau dispose de puissants
moteurs de recherche qui balayent le web en permanence à la recherche
systématique de mots-clés dans près de mille sources d’information et groupes de
discussion électroniques ; les textes sont ensuite lus par des chercheurs qui
combinent les résultats pour opérer une synthèse, ce qui représente le
traitement quotidien de plus de 18 000 éléments, dont environ 200 donnent lieu à
une analyse plus poussée.
Ce système, qui utilise l’Internet, permet un gain de temps considérable par
rapport au système traditionnel qui fait remonter l’alerte en paliers du niveau
local au niveau national puis international.
-
le
Réseau de surveillance des antibiotiques ‑ ou réseau WHONET ‑ créé parce qu’un
nombre de plus en plus important d’antimicrobiens fondamentaux deviennent
cliniquement inefficaces et que la résistance des agents pathogènes s’est
étendue des médicaments de première intention à ceux de deuxième, voire
troisième intention, compromettant alors sérieusement le résultat du traitement.
Le principal moteur de cette résistance est l’usage même qui est fait des
antimicrobiens : utilisation excessive, en particulier contre des infections
mineures, mauvaise utilisation, notamment faute d’accès à des traitements
appropriés ou sous-utilisation faute de moyens financiers pour achever les
traitements.
Grâce au réseau WHONET, l’OMS reçoit des informations actualisées sur l’état de
la résistance, les communique à tous les pays, recense les problèmes et aide la
recherche.
Par ailleurs, l’OMS utilise une
technique cartographique qui permet la localisation de cas et une analyse rapide
de la dynamique de l’épidémie. Cette technique ‑ ou système d’information
géographique (SIG) ‑ a notablement progressé depuis la fin des années 90. On la
décrit comme
« un ensemble de matériel
informatique, de logiciels, de données géographiques et de personnel, conçu de
façon à permettre de façon efficace la collecte, le stockage, la mise à jour, la
manipulation, l’analyse et l’affichage de toutes formes d’informations à
référence spatiale ».
En clair, cette technique rend
possible l’intégration et la gestion, au plan géographique, de grandes quantités
d’informations provenant de différentes sources,
permettant ainsi d’évaluer dans les délais les plus rapides l’extension d’une
épidémie.
B. ‑ L’application au SRAS
1. ‑ Mise en place de la
stratégie
C’est dans ce cadre général que
l’OMS a été amenée à gérer l’épidémie de SRAS. La décision de l’Organisation de
renforcer le niveau de l’alerte initiale prononcée le 12 mars 2003 a tenu à la
coexistence de cinq facteurs :
le fait que l’origine, et donc la capacité épidémique, de l’agent causal soient
inconnues ; les grands risques apparemment courus par le personnel soignant et,
plus généralement, par toute personne en contact rapproché ; l’absence d’effet
des tentatives d’utilisation empirique de plusieurs antibiotiques et
antiviraux ; le nombre important de malades qui se trouvent rapidement en état
de détresse respiratoire et nécessitent des soins intensifs (vingt-cinq sur
vingt-six des membres du personnel de l’hôpital français de Hanoï et
vingt-quatre sur trente-neuf des membres du personnel de l’hôpital de Hong
Kong) ; le déplacement de la maladie de son milieu d’origine, l’Asie, vers
l’Europe et l’Amérique du Nord.
L’OMS a alors, dès le 17 mars,
activé trois réseaux spécifiquement consacrés à l’étude de l’épidémie, qui ont
fonctionné dans le cadre du Réseau « Alerte et Action ».
Composés de trois équipes ‑ une équipe de quatre-vingt cliniciens qui étudient
les signes de la pneumonie atypique et les traitements appliqués ; une équipe de
treize laboratoires qui cernent l’étiologie (les causes) de la maladie ; une
équipe d’épidémiologistes enfin qui analysent la propagation de la pneumonie ‑
ils ont partagé quotidiennement leurs résultats par voie de téléconférence, sous
l’égide d’une équipe genevoise servant de quartier général, ainsi que par
l’accès à un site web protégé utilisant, entre autres, la technique
cartographique du SIG. Grâce à cette structure et à cette coopération,
l’identification du coronavirus,
d’un type inconnu jusqu’ici, a pu être faite dès le 17 avril, soit un mois
seulement après l’alerte initiale.
2. ‑ Examen critique
S’ajoutant aux contraintes
budgétaires, conséquences de budgets limités,
différents obstacles peuvent théoriquement être relevés : insuffisances des
systèmes nationaux de surveillance aptes à fournir quotidiennement des
informations détaillées ; incapacité des autorités à obtenir des informations
auprès des provinces ou territoires concernés ; refus de leur part d’alerter
l’OMS par crainte des répercussions internationales négatives ; non coopération
des équipes scientifiques, chacune espérant être, seule, à l’origine de
découvertes significatives.
Si l’on peut dès l’abord ‑ on vient de le voir ‑ écarter le dernier, la gestion
de l’épidémie par la Chine permet de relever le caractère très réel des autres.
La Chine connut son premier cas
de pneumonie atypique en novembre 2002 et, malgré un développement constant des
cas, a tout d’abord gardé le silence sur ce qu’elle considérait comme secret d’état.
Le voile se levant peu à peu par l’intermédiaire de médias étrangers,
la réaction des autorités chinoises fut alors de minimiser l’importance de
l’épidémie.
Ce n’est qu’au 26 mars 2003 que la Chine s’est décidée à fournir des données
plus fiables
et au 28 mars qu’elle a rejoint le réseau de lutte. Le 2 avril, elle a donné
l’autorisation à une équipe OMS de se rendre à Guandong
et deux jours plus tard, elle a commencé à notifier quotidiennement le nombre de
cas et le nombre de décès, par province. Le 9 avril, l’équipe OMS a présenté un
rapport au ministère de la santé, faisant part d’interrogations sur la capacité
de certaines provinces à faire face à l’épidémie, ce qui a poussé les autorités
à entreprendre une campagne de relations publiques afin de restaurer une
crédibilité mise à mal par une gestion contestable.
Ceci représente au total 5 mois
complets de perte de temps, délai qui a supprimé de manière radicale toute
possibilité d’endiguer l’épidémie à son point de départ.
« Pour toutes les nations, il y
a là une leçon à retenir : dans un contexte de mondialisation et de connections
[sic] électroniques, toute tentative de tenir secrets des cas de maladies
infectieuses par crainte d’éventuelles retombées sociales ou économiques doit
être considérée comme une mesure à court terme et « bouche-trous » dont le coût
se révélera élevé – perte de crédibilité aux yeux de la communauté
internationale, escalade de dommages économiques domestiques, dégâts causés à la
santé et à l’économie des pays voisins, sans oublier le risque très réel que la
flambée sur le territoire même du pays n’échappe à tout contrôle ».
L’émergence du SRAS, autant que
son développement facile et rapide dans une société très mobile, ont ainsi mis
en évidence la nécessité que les capacités de détection et de réponse soient
développées au maximum.
II.
‑ AMELIORATION dEs capacites de lutte
Comme l’a indiqué le Dr.
Jong-wook Lee, nouveau Directeur général de l’OMS,
« […] l’amélioration de la
surveillance sanitaire mondiale et de la gestion des données sera l’un des
grands objectifs de l’OMS au cours des cinq années à venir. […] Quatre-vingt-dix
pour cent des ressources seront consacrées à la mise en place de moyens de
surveillance des maladies aux niveaux national et régional. […] Nous allons
d’autre part développer et améliorer l’évaluation de la santé en insistant sur
la mise en place de capacités dans les pays ».
L’OMS a d’ores et déjà entrepris
des actions en vue d’améliorer les capacités de lutte contre les agents
infectieux. La gestion du SRAS a clairement montré la nécessité de cette
amélioration, à la fois sur les plans national et international, afin qu’à
l’avenir il puisse être efficacement répondu à une urgence sanitaire de portée
internationale.
A. ‑ Dans le cadre national
Suivant une approche incitative,
l’OMS a édicté tout un ensemble de directives à l’intention des ministères de la
santé.
Ces directives contiennent diverses informations, telles que les raisons et les
modalités de la lutte, un résumé de l’étiologie et des différents modes de
transmission, une description clinique, la liste des interventions recommandées
et les contacts OMS pour chaque maladie, mais elles ne forment qu’un cadre non
contraignant soumis à la volonté et aux capacités des institutions nationales.
C’est pourquoi il était nécessaire d’aller plus avant. L’Organisation s’est donc
attachée à renforcer ses compétences et son influence dans différents domaines,
y compris non médicaux mais dont dépendent les arbitrages en matière de santé
publique, tels les problèmes économiques.
Sur le plan médical, elle cherche à obtenir une amélioration des capacités
nationales de lutte contre les maladies infectieuses qui passe par l’utilisation
de protocoles d’évaluation.
1. ‑ L’amélioration de la
qualité des laboratoires nationaux de santé publique
Laissant aux pays développés la
responsabilité de s’auto-améliorer, l’OMS concentre tout naturellement ses
efforts sur l’assistance donnée aux pays en développement. Afin de mettre à jour
les connaissances et les compétences des professionnels de ces pays appelés à
lutter contre les épidémies, elle organise des actions de formation, comme celle
qui est menée par l’intermédiaire du Bureau OMS créé à Lyon le 16 mai 2000.
Le Bureau a été inauguré le 8 février 2001 et a commencé à fonctionner en avril
de cette même année. Sa mission est de « renforcer la capacité des pays en
développement à faire face aux épidémies et aux infections émergentes, y compris
pour le dépistage de la pharmacorésistance »
par l’organisation de stages de formation d’une durée de deux années.
2. ‑ La mise au point de
protocoles d’évaluation
Un premier protocole, établi en
1997,
était destiné aux institutions nationales, afin que chaque
état soit en mesure d’évaluer
lui-même ses performances en matière de santé et d’apporter des modifications en
suivant les conseils généraux donnés par le document. Il était prévu que
l’enquête soit réalisée par une équipe de techniciens provenant de tous les
niveaux auxquels se situe le système de surveillance.
Cette équipe devait présenter des recommandations en vue d’améliorations et
prévoir des évaluations ultérieures afin de contrôler la mise en oeuvre des
objectifs.
Comme cependant tous les pays ne réussissent pas de la même manière ‑ on serait
tenté d’écrire que tous ne « jouent pas le jeu » de la même manière, mais
certains n’en ont guère la possibilité ‑ l’OMS a cherché à aller un peu plus
loin et a édicté un deuxième protocole en 2001,
sur des bases renouvelées. Le système national de surveillance épidémiologique,
défini comme « le processus de recueil, collation et analyse systématiques de
données et leur prompte diffusion aux personnes qui en ont besoin pour une
action pertinente »
y est replacé dans le contexte plus général de la surveillance en santé
publique, laquelle relève du système d’information sanitaire. Le protocole part
du principe que l’évaluation ne relève plus du seul
état, qui en conserve toutefois l’initiative puisqu’il doit,
lui-même, faire appel à l’OMS, à laquelle il donne mandat pour en faciliter la
réalisation et avec laquelle il exerce une responsabilité partagée.
Le processus repose sur un double volet : d’une part, évaluer la structure, les
processus, les compétences, les ressources, l’efficacité et la coordination du
système national de surveillance, de préparation épidémique et de riposte aux
maladies transmissibles et, d’autre part, proposer un plan d’action. Des
techniciens du pays concerné participent toujours à l’évaluation, conjointement
avec ceux de l’OMS, le ministère de la santé étant considéré comme « l’agent-clé »,
cependant que le rôle de l’équipe extérieure « est de faciliter le processus en
faisant appel à des méthodes et à des outils normalisés, comme le recommande
l’OMS ».
Le déroulement des opérations est prévu et un modèle d’ossature pour le rapport
est fourni.
Davantage cadré par l’envoi de l’équipe OMS, mieux conseillé, l’état voit néanmoins sa souveraineté respectée puisqu’il fait
lui-même la demande d’assistance. Ceci étant, les écarts entre systèmes
nationaux de surveillance demeurent importants, d’où la nécessité d’avoir
recours à un système de partenariats.
B. ‑ Dans le cadre
international : le recours aux partenariats
Recherchant une plus grande
efficacité, tant financière que technique, afin de pallier les insuffisances
dans la fourniture des services de santé, insuffisances qui sont responsables de
la limitation de la couverture sanitaire,
l’OMS a instauré dès les débuts de son existence des partenariats entre
institutions publiques et privées, nationales et internationales. Ces
partenariats n’ont toutefois pris une réelle importance que dans le courant des
années 1970,
notamment en ce qui concerne les maladies infectieuses et l’OMS en a rappelé la
nécessité dans ce domaine.
1. ‑ Analyse
L’Organisation définit le
partenariat comme le
« moyen de réunir une série
d’acteurs en vue d’atteindre un objectif commun, qui est d’améliorer la santé
des populations en se fondant sur des rôles et des principes définis d’un commun
accord ».
Par-delà la pluralité des
acteurs, on peut dégager de cette définition la nécessité de la réalisation d’un
triple accord : accord sur les objectifs, accord sur les rôles, accord sur les
principes.
‑ Les partenariats doivent bien
évidemment contribuer à la réalisation des objectifs de l’OMS et « le but de
santé publique qui sous-tend la collaboration doit être clairement énoncé ».
‑ En ce qui concerne les rôles
attribués à chacun, il est nécessaire qu’un équilibre soit réalisé entre les
différentes parties. Ainsi
« l’état
doit être en mesure d’énoncer une politique claire de collaboration avec le
secteur non public afin de gérer convenablement le secteur de la santé,
notamment en négociant et en définissant les rôles et les responsabilités, en
exerçant un contrôle fondé sur des critères d’efficacité agréés, en faisant
respecter les termes convenus et en évaluant l’efficacité […], les dispensateurs
de soins privés, ONG comprises, doivent être en mesure d’engager un dialogue
politique et stratégique avec les autorités sanitaires, de gérer les ressources
(financières et humaines notamment), d’assurer la qualité des prestations et de
remplir les termes du contrat ».
- Quant aux principes éthiques à
la base du système, ils ont été déterminés par l’OMS : intention bénéfique
(garantir la santé publique) et non malveillante (la mise en œuvre du
partenariat ne doit pas être à l’origine de nouveaux problèmes de santé
publique), autonomie (ne pas porter atteinte à l’autonomie des partenaires),
équité (partenariat dévolu à ceux qui en ont le plus besoin).
On peut conclure de ces
caractéristiques que tout partenariat ne serait pas nécessairement bon pour
servir la cause de la santé
et c’est la raison pour laquelle l’OMS a entrepris l’élaboration de Principes
directeurs
qui encouragent la création de formes nouvelles de partenariat. Ces Principes
réglementent les dons en espèces, les contributions en nature, le détachement de
personnel, la mise au point de produits et le recouvrement des coûts.
L’initiative du partenariat peut venir de l’une ou l’autre des parties.
C’est le programme concerné de l’OMS qui se reporte aux Principes et
décide si l’accord peut être envisageable (appendice, article 1) ou s’il faut en
référer au Bureau du Conseiller juridique (article 3), lequel pourra donner
suite à la proposition (article 4) ou consulter le Comité de la collaboration
avec le secteur privé (articles 5 à 8).
2. ‑ Mise en oeuvre
Allant d’une simple
collaboration entre l’OMS et le personnel de sociétés privées à une coopération
approfondie assise sur des accords
plus ou moins complexes, dont la gestion peut être confiée à une entité
juridique distincte,
et qui constituent une base juridique véritable en ce qu’ils formalisent les
engagements respectifs des parties, les partenariats comprennent de nombreuses
formules qui regroupent un nombre plus ou moins grand d’acteurs.
Plusieurs approches typologiques sont possibles, en fonction du mode
d’association, du degré auquel les intérêts privés participent à la prise de
décision d’intérêt public ou encore de la nature de l’activité entreprise par le
partenariat.
Enfin, de manière concrète, les partenariats couvrent quatre grands domaines :
la mise au point de nouvelles molécules,
l’élargissement de l’accès aux médicaments,
l’amélioration de la qualité de ceux-ci et l’amélioration de la qualité des
services de santé.
Des réticences ont pu cependant
être émises, principalement sur deux points : l’indépendance de l’OMS et
l’exercice par les états de leurs
responsabilités en matière de santé publique.
-
On peut
ainsi redouter que les valeurs de l’OMS ne passent au second plan et que les
priorités ne soient changées, influençant ainsi la prise de décisions qui serait
alors guidée non plus par les seuls objectifs de santé publique mais par des
considérations purement commerciales
et, qu’en conséquence, la capacité de l’OMS à fixer des normes libres de toute
considération commerciale ne se trouve altérée, en dépit des précautions prises.
Les Principes directeurs posent en effet clairement la nécessité
que « la réputation et les valeurs de l’OMS » soient préservées et celle que la
rigueur scientifique ne soit pas compromise (article 8). Ils rappellent
également que « les entreprises commerciales travaillant avec l’OMS devront se
conformer aux politiques de santé publique de l’OMS » (article 11). Mais, d’un
point de vue moins général, s’il est établi que les « conflits d’intérêts »
entre l’OMS et ses partenaires doivent être évités,
le concept reste flou : faute de définition précise, il est laissé à une
appréciation au cas par cas qui peut elle-même être source de divergences ou de
conflits.
Il est pourtant fondamental de pouvoir déterminer avec précision ce qui donne
lieu à conflit d’intérêts et est donc susceptible d’entraver la conclusion de
l’accord.
-
On peut
également craindre que les états
ne s’appuient sur les facilités offertes par le Partenariat et n’abdiquent leurs
responsabilités en matière de santé publique en les transférant purement et
simplement à celui-ci.
Il apparaît donc nécessaire que
soient réunis les éléments d’une gestion avisée qui, par l’établissement de
« bonnes pratiques » créeraient un climat de confiance. Les questions à résoudre
seraient alors les suivantes :
-
recherche d’une légitimité de la représentation des différents acteurs par
détermination, lors de la constitution du partenariat, des intérêts qui doivent
être représentés et de ceux qui ne doivent pas l’être et recherche d’une
convergence des objectifs ; mise en place de mécanismes indépendants
d’évaluation des conflits d’intérêts et de règlement de ces conflits ;
-
bonne
définition des rôles et des pouvoir respectifs, en particulier du rôle que
doivent jouer l’état (énonciation
d’une politique claire de collaboration, mesures à prendre pour améliorer
l’accès aux services proposés)
et le secteur privé, y compris les ONG (gestion des ressources financières et
humaines, qualité des prestations) ;
-
bonne
gestion enfin :
respect des exigences de transparence (en particulier, décisions régulièrement
communiquées à tous les intéressés, diffusion de comptes rendus, éventuellement
réalisation d’une évaluation indépendante) ; respect des procédures régulières
mises en place par l’accord. Pour sa part, l’OMS a désigné en 1999 un agent de
liaison chargé de la coordination des interactions, créé un groupe de travail
informel sur la mise en œuvre des partenariats et organise régulièrement des
tables rondes avec l’industrie pharmaceutique.
En conclusion, il appartient à
l’OMS de ne pas perdre de vue sa fonction normative et son rôle de décideur, de
définir des règles claires et de démontrer que ce sont ceux qui en ont besoin
qui bénéficient des partenariats. C’est par cette démarche que l’Organisation
avancera utilement dans « la conduite de la réflexion mondiale sur la politique
sanitaire ».
III. ‑ L’ACTUALISATION DU CADRE
JURIDIQUE
Elle concerne la révision du
Règlement sanitaire international et la compatibilité de ses dispositions avec
les normes de l’Organisation mondiale du commerce.
A. ‑ La révision du Règlement
sanitaire international
Le Règlement sanitaire
international (RSI) est
« un mécanisme de régulation
concernant le passage des informations épidémiologiques sur la propagation
transfrontière des maladies infectieuses ».
Premier code international
destiné à prévenir la propagation de certaines maladies, il a été adopté à la
quatrième Assemblée mondiale de la Santé, le 25 mai 1951. Objet de trois
révisions en 1969, 1973 et 1981,
il souffre de défauts qui le rendent peu efficace : en premier lieu, il ne
concerne, depuis l’éradication de la variole, que trois maladies, le choléra, la
peste et la fièvre jaune, qui font donc l’objet d’une prescription de
déclaration obligatoire, mais il laisse en conséquence le champ libre à toute
action, ou inaction, en ce qui concerne les autres et notamment les maladies
émergentes ; en second lieu, l’inexistence de sanctions à l’égard des
états contrevenants
est aggravée de manière générale par la réticence de ceux-ci à toute déclaration
par crainte de répercussions économiques
et n’est pas compensée par la présence de mécanismes de collaboration et de
mesures d’incitation. Devant ces carences et l’augmentation parallèle des
maladies infectieuses, la 48ème Assemblée mondiale de la santé, tenue
en mai 1995, a demandé la révision du RSI.
Celle-ci passe par des changements importants qui supposent le renouvellement
complet de la nature de la coopération entre l’OMS et les
états qui en sont membres
et par conséquent la recherche d’un consensus de toutes les parties concernées à
toutes les étapes du processus de révision,
en premier lieu les états membres,
par qui le RSI sera, ou ne sera pas, appliqué, mais également les Bureaux
régionaux de l’OMS et les organisations internationales dont la mission est en
partie liée à une bonne application du Règlement (OACI, FAO, OMC). La révision
concerne la définition d’un nouveau concept ainsi que la mise sur pied de
mécanismes de coopération et de mesures d’incitation, étant entendu qu’elle doit
« tenir compte des données, de l’expérience, des connaissances et des
enseignements découlant de la riposte au SRAS ».
1. ‑ De la déclaration de
maladies à celle d’urgences sanitaires de portée internationale
Les travaux entrepris ont
rapidement dégagé un certain nombre de nécessités : faire en sorte que seuls les
risques infectieux qui revêtent un caractère d’urgence sur le plan international
soient notifiés ; éviter d’entraver inutilement les échanges commerciaux et
touristiques à la suite de notifications erronées et/ou précipitées ; établir un
système suffisamment sensible pour repérer des risques réémergents ou nouveaux.
D’où la conclusion que « cette démarche va au-delà de la notification fondée
uniquement sur des maladies déterminées, bien qu’une liste de maladies puisse
être aussi fournie à titre indicatif »
et le remplacement, en un premier temps de la notification de maladies par la
notification de syndromes.
A l’essai, celle-ci s’est toutefois révélée peu adaptée au cadre réglementaire,
en particulier parce que l’on ne pouvait pas les relier à des règles préétablies
destinées à empêcher la propagation de maladies.
L’équipe de révision s’est donc orientée, avec le soutien de l’Assemblée
générale de la santé,
vers la notification d’« urgences de santé publique de portée internationale »,
nouveau concept qui permettrait d’identifier tous les événements de santé
publique susceptibles d’avoir un impact international. Une définition est à
l’étude dans le cadre d’un projet mené conjointement avec l’Institut suédois de
lutte contre les maladies infectieuses, qui a conclu un accord avec l’OMS en mai
2001.
Une liste de critères potentiels a été déterminée et doit être testée, à la fois
sur les plans international et national, avant de pouvoir être incorporée au
projet de RSI révisé.
2. ‑ Les mécanismes de
coopération
Il est proposé que différents
mécanismes de coopération soient insérés dans le RSI révisé. Ce sont :
-
un
arbre de décision. Comme les urgences sanitaires devraient être évaluées en
fonction de leurs possibles répercussions internationales, les travaux de
l’équipe de révision portent sur la mise au point d’un arbre de décision qui
aiderait les autorités sanitaires nationales à déterminer quand un événement
constitue une situation d’urgence et quand il présente une portée
internationale. Le projet contient actuellement quatre points de décision :
gravité, caractère inattendu, risque de propagation internationale, restrictions
internationales.
-
un
« point focal ». Afin de pouvoir réaliser une communication permanente entre les
états et l’OMS, chaque
état devra installer un « point
focal », c'est-à-dire instaurer, par la voie électronique, un système de relais
de telle sorte qu’une seule adresse mène toujours, et 24 h sur 24, à quelqu’un
de disponible.
-
le
recours par l’OMS à des sources d’information non étatiques. Il s’agirait en
particulier des réseaux d’alerte et d’action. Les
états devraient donc s’attendre à
recevoir des demandes de clarification émises par l’Organisation et à y répondre
dans des délais très brefs.
3. ‑ Mesures d’incitation
Dans un système reposant sur la
combinaison de l’adhésion volontaire et de la capacité à s’exécuter, la mise en
place de mesures incitatives est indispensable afin que les
états qui acceptent le cadre
proposé aient également la possibilité concrète de l’appliquer. Différentes
mesures ont été ainsi imaginées :
-
L’équipe de révision du RSI a organisé, en novembre et décembre 2001, des
ateliers afin de définir ce qu’il faut attendre d’un système de surveillance
nationale pour qu’un état soit à
même de participer à l’identification d’une urgence de portée internationale et
à l’élaboration de la riposte. A la suite de ces travaux, un document a été
rédigé sur les exigences essentielles de surveillance de la santé publique et
des directives sur les systèmes avancés en matière de surveillance sont en cours
d’élaboration.
-
Afin
d’éviter des réactions désordonnées et négatives de la communauté
internationale, les états membres
auraient la possibilité de faire des notifications confidentielles et
provisoires
qui donneraient lieu à des consultations avec l’OMS en vue de l’évaluation du
risque, aucune information n’étant rendue publique jusqu’à preuve de la
propagation de la maladie au niveau international.
-
Enfin
certaines obligations pèseraient sur l’OMS en vue de renforcer la transparence
des mécanismes créés et la confiance corrélative que les
états leur accorderaient, confiance indispensable à
l’application du RSI : obligation serait ainsi faite à l’Organisation de porter
rapidement assistance aux états
déclarants afin que les risques internationaux puissent être clairement
évalués ; le RSI contiendrait des recommandations constituant un cadre pour des
mesures appropriées de riposte ainsi qu’une liste non exhaustive des mesures
pouvant être appliquées ;
en outre un mécanisme d’évaluation permanente du fonctionnement du Règlement
serait créé, permettant d’en améliorer plus rapidement les points faibles.
B. ‑ La
compatibilité entre les normes du RSI révisé et celles de l’accord OMC sur les
mesures sanitaires et phytosanitaires
L’accord sur l’application des
mesures sanitaires et phytosanitaires a pour objet de réglementer, dans le
contexte général des normes établies par l’Organisation mondiale du commerce, la
circulation des biens et les éventuelles mesures que prendraient les
états afin de se protéger contre
des personnes, des animaux ou des marchandises en provenance de contrées
atteintes, ou supposées atteintes, par une épidémie. La question de la
compatibilité des normes du RSI concerne en particulier les points suivants de
l’accord OMC : les mesures adoptées ne doivent pas servir de prétexte à des
discriminations arbitraires ni constituer une restriction déguisée au commerce
international (article 2, § 3) ; elles doivent être fondées sur des principes
scientifiques et ne doivent pas être maintenues sans preuves scientifiques
suffisantes (article 2, § 2) ; une évaluation des risques pour la santé des
personnes et des animaux ou pour la préservation des végétaux doit être menée
« compte tenu des techniques […] élaborées par les organisations internationales
compétentes » (article 5, § 1) ; enfin, des mesures provisoires peuvent être
prises « sur la base des renseignements pertinents disponibles » à condition que
les renseignements additionnels nécessaires à une évaluation plus objective soit
obtenus « dans un délai raisonnable » (article 5, § 7).
Encore que la question soit
toujours à l’étude, l’OMS et l’OMC ont, semble-t-il, l’intention de collaborer
pour éviter tout conflit entre les deux séries de règles :
« lors de discussions récentes,
on a évoqué la possibilité que l’OMS aide l’OMC à s’assurer que les pays
prennent les mesures de santé publique qui s’imposent pendant une flambée. Il
appartiendra à l’OMC de vérifier les pratiques commerciales ».
Il est également projeté que des
comités d’arbitrage pour les différends relatifs aux pratiques commerciales
après la survenue d’une flambée soient créés.
Leur jurisprudence à venir sera particulièrement attendue, notamment en ce qui
concerne l’application du principe de précaution, auquel l’article 5 § 7 fait
implicitement référence. Mais on ne voudrait pas entrer dans le domaine
incertain de la fiction juridique : avant tout commentaire, il convient, dans un
premier temps, que le projet de RSI révisé soit définitivement établi et, dans
un deuxième temps, qu’il soit adopté par l’Assemblée mondiale de la santé.
* * *
On pouvait, il y a peu, se
demander s’il ne convenait pas d’en finir avec une Organisation dont la
crédibilité avait été mise à mal par de multiples dysfonctionnements.
Quelques années plus tard, on reproche à cette même Organisation, à l’occasion
d’une crise sanitaire à portée internationale majeure, d’en avoir trop fait.
Sans vouloir faire preuve de partialité à l’égard de l’OMS et pour s’en tenir
aux seuls résultats, plusieurs éléments sont à mettre au crédit de
l’Organisation : elle a réagi de manière remarquablement rapide et rationnelle ;
elle a permis la prise de conscience par la Chine de ses responsabilités
internationales ; elle a cherché à ce que les conséquences soient les moins
lourdes possibles pour les états
concernés, tout en veillant à ce que les précautions sanitaires indispensables
soient prises ; elle a mis en place un processus d’analyse de la gestion
étatique de cette crise ainsi que de sa propre gestion, afin d’en tirer des
leçons applicables à la réponse aux crises futures ; enfin, last but not
least, elle a contribué à ce que l’expansion de l’épidémie ait pu être
contrôlée rapidement, du fait des actions entreprises sous son autorité ou avec
son incitation, dans un système pourtant dépassé, entièrement soumis à la
(bonne) volonté des états et en
phase de reconstruction de plusieurs de ses éléments, et non des moindres. Un
bilan qui ne semble pas totalement dérisoire du double point de vue de la santé
publique et des ressources qui peuvent lui être consacrées. Si, dans les années
quatre-vingt, après la première publication concernant l’apparition, dans la
communauté homosexuelle de Los Angeles, d’une forme rare de pneumonie,
de telles actions avaient été entreprises, la propagation du sida eût
probablement été différente.
* * *
NOTES
Selon les définitions données par l’OMS (Aide-mémoire, n° 97,
révision août 1998) « les maladies infectieuses émergentes résultent
d’infections nouvellement identifiées et auparavant inconnues qui entraînent
des problèmes de santé publique au niveau local ou international » (la
nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jacob, décrite pour la
première fois en 1996 au Royaume-Uni, le virus Ebola dont les premières
flambées datent de 1976 et qui a été isolé en 1977, le virus de
l’immunodéficience humaine (VIH), responsable du sida, isolé pour la
première fois en 1983). Le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) entre
dans cette catégorie. « On parle de maladies infectieuses réémergentes
quand on observe la réapparition ou une augmentation d’infections connues
mais devenues si rares qu’elles n’étaient plus considérées comme des
problèmes de santé publique » (le choléra, disparu du continent américain
pendant un siècle et réapparu en 1991 où plus de 390 000 cas ont été
enregistrés ; la fièvre jaune, importée aux Etats-Unis en 1996 par des
touristes qui avaient voyagé dans des régions exposées sans avoir été
vaccinés ; v. OMS, Aide-Mémoire n° 200, juin 1998).
« Un partenariat mondial associant des pays, des organisations non
gouvernementales, des organisations internationales et des particuliers
s’impose pour réagir à la menace que font peser les maladies émergentes et
réémergentes en mettant sur pied un dépistage rapide et un endiguement
efficace des flambées », Des partenariats pour relever les défis, fiche
JMS 97.2, Journée mondiale de la santé 1997.
K. Buse, G. Walt, « Partenariats mondiaux publics-privés, I :… », op. cit.,
p. 185. Les auteurs donnent eux-mêmes la définition suivante du
partenariat : « exemple de collaboration qui dépasse les frontières nationales
et qui réunit au moins trois parties, parmi lesquelles une société (et/ou une
association d’industriels) et une organisation intergouvernementale, en vue
d’atteindre un objectif commun en faveur de la santé sur la base d’une
répartition des tâches décidée d’un commun accord », ibid., p. 186.
Il faut reconnaître que ces craintes ne sont pas sans fondement :
l’élaboration de principes directeurs concernant l’hypertension a été,
semble-t-il, quelque peu perturbée « en raison de l’influence exercée par une
entreprise qui avait beaucoup à gagner dans cette affaire » (K. Buse, A.
Waxman, « Partenariats public-privé pour la santé », op. cit., p. 4)
et les accords concernant l’accès aux antirétroviraux conclus avec les
grandes compagnies pharmaceutiques par le Mali, la Côte d’Ivoire, le Rwanda,
le Sénégal et l’Ouganda favorisent quand même ces dernières : « Une réduction
de 80%, cela semble énorme, mais qu’est-ce que cela représente ? [...] avec
des montants allant de 720 à 1320 dollars par personne et par an, les prix des
cocktails de ces multinationales sont encore plus élevés que ceux pratiqués
par trois fabricants indiens de génériques : 600, 347 et 285 dollars » (Health
Action International - réseau non officiel d’environ 150 groupes
d’intérêt public intervenant sur les problèmes liés à la santé et à
l’industrie pharmaceutique : « Le partenariat grandissant de l’OMS avec le
secteur privé répond-il aux besoins en matière de santé publique ou aux
priorités des compagnies ? », mai 2001. Sur le site du réseau [
www.haiweb.org ].
Copyright : © 2003 Michèle Poulain. Tous droits réservés. Impression
et citations : Seule la version
au format PDF fait référence.
Mode
officiel de citation :
POULAIN Michèle. - « La
gestion par l’OMS des situations d’urgence sanitaire de portée internationale.
L’exemple du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) ». - Actualité et Droit International
<http://www.ridi.org/adi>,
novembre 2003.
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