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LA RESOLUTION 1701 (2006) DU CONSEIL DE SECURITE
TROP TARD ET TROP PEU !
 

par

Rafaâ Ben Achour

Professeur à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis
Détaché auprès de l’Université du Roi Saoud à Riyadh

 

 

Résumé : Une nouvelle guerre israélo – arabe a éclaté le 12 juillet 2006. C’est la sixième du genre, depuis la proclamation de l’Etat d’Israël, mais elle est bien différente de ses devancières à plusieurs égards. Ce n’est qu’au trentième jour du conflit, après des semaines d’âpres négociations, que le Conseil de sécurité des Nations Unies est arrivé à adopter, à l’unanimité de ses membres, la résolution 1701 (2006) du 12 août 2006, dans laquelle il appelle à une « cessation totale des hostilités ». Tout de suite après l’adoption de la résolution 1701, aussi bien le Liban qu’Israël y ont vu, malgré des critiques et des réserves, une consécration de leurs thèses. En fait, et comme cela arrive très souvent, la résolution se caractérise par son équilibrisme et essaye de satisfaire les deux parties à la fois. Mais même si la résolution 1701 ne satisfait pas totalement les deux belligérants, chacun d’eux l’a acceptée et s’est engagé à la respecter. Cette résolution, dont le fondement est ambigu, retient l’attention par ses apports et par ses insuffisances.

 

Impression et citations : Seule la version au format PDF fait référence.

 

 

INTRODUCTION

 

Une nouvelle guerre israélo – arabe a éclaté le 12 juillet 2006. C’est la sixième du genre[1], depuis la proclamation de l’Etat d’Israël, compte non tenu de la guerre larvée qui a lieu depuis des années en dépit de la conclusion de plusieurs accords de paix, entre Israéliens et Palestiniens dans les territoires occupés ou dans les territoires relevant de l’Autorité nationale palestinienne[2].

 

Aux origines de cette nouvelle guerre se trouve une embuscade du Hezbollah, qui a tué 6 soldats israéliens et en a capturé deux autres. Exigeant la libération de ses prisonniers, Israël lance une opération de grande envergure contre le Liban, par air et par mer et se déclare en état de légitime défense.

 

Mais cette sixième guerre est bien différente de ses devancières à plusieurs égards. Tout d’abord, elle n’a pas mis aux prises, comme les autres fois, une ou plusieurs armées régulières arabes d’une part, et l’armée israélienne d’autre part : les belligérants étaient d’un côté l’armée régulière israélienne, réputée l’une des plus fortes et les mieux équipées du monde, et d’un autre côté, le mouvement de résistance libanais le Hezbollah (parti de Dieu) implanté notamment au sud Liban. Ensuite, cette sixième guerre n’a pas eu seulement pour champ de bataille le territoire d’un Etat arabe, le Liban. Des territoires israéliens situés au nord de l’Etat hébreu ont essuyé les tirs de missiles du Hezbollah et subi des dégâts importants sur le plan matériel et humain, notamment la ville de Haïfa, qui se trouve à la frontière entre le Liban et Israël. Enfin, cette guerre s’est poursuivie pendant plus d’un mois entier[3], avec son lot de morts, de blessés, de personnes déplacées, de non respect des règles du droit de la guerre, de destructions, sans que la communauté internationale ne réussisse à réagir, et surtout sans que son organe à qui incombe la « responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales », le Conseil de sécurité, n’arrive à se mettre d’accord sur une résolution demandant un cessez-le-feu[4].

 

En effet l’accord au sein du Conseil a été tardif et ce n’est qu’au trentième jour du conflit, après des semaines d’âpres négociations, qu’il est arrivé à adopter, à l’unanimité de ses membres[5], la résolution 1701 (2006) du 12 août 2006, parrainée par le Danemark, les États-Unis, la France, la Grèce, la Slovaquie, et le Royaume-Uni, dans laquelle il appelle à une « cessation totale des hostilités » fondée sur « la cessation immédiate par le Hezbollah de toutes les attaques » et « la cessation immédiate par Israël de toutes les offensives militaires »[6]. Cette résolution ne se contente pas en réalité d’appeler à la cessation des hostilités. Elle essaye aussi de régler un certain nombre de problèmes entre le Liban et Israël et de jeter les bases d’une solution à long terme du conflit.

 

Tout de suite après l’adoption de la résolution 1701, aussi bien le Liban qu’Israël y ont vu, malgré des critiques et des réserves, une consécration de leurs thèses[7]. En fait, et comme cela arrive très souvent, la résolution se caractérise par son équilibrisme et essaye de satisfaire les deux parties à la fois.

 

Mais même si la résolution 1701 ne satisfait pas totalement les deux belligérants, chacun d’eux l’a acceptée et s’est engagé à la respecter. Il faut cependant noter que les discussions informelles au sein du Conseil de sécurité ainsi que les premiers projets élaborés par les Français et les Américains avaient été nettement favorables à Israël et ont ignoré la plupart des revendications libanaises présentées lors de la Conférence de Rome le 26 juillet 2006[8], par le Président du Conseil libanais, Foued Siniora[9]. Ce n’est qu’après l’entrée en lice des émissaires de la Ligue des Etats arabes, dépêchés à New York par le Conseil de l’organisation panarabe réuni à Beyrouth[10], que la donne a changé et qu’une certaine opposition franco-américaine a abouti à la rédaction d’un nouveau projet beaucoup plus équilibré et complet qui fera en fin de compte l’unanimité aussi bien au sein de Conseil que de la part des belligérants.

 

La résolution 1701, dont le fondement est ambigu (I), retient l’attention par ses apports (II) et par ses insuffisances (III). Elle préconise un cessez-le–feu sans cependant fermer la porte à la reprise des hostilités. Elle prévoit le retrait israélien du Liban en contrepartie d’un déploiement de l’armée libanaise et de la Finul. Elle transforme le mandat de la Finul. En même temps, la résolution laisse nombre de problèmes en suspend, dont notamment le problème des prisonniers libanais en Israël ou encore la cruciale question de la souveraineté sur les fermes de Chebaa.

 

[...]

 

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NOTES

 

[1] Les guerres précédentes sont celles de 1948, 1958 (guerre de Suez), 1967 (guerre des six jours), 1973 (guerre du Ramadhan ou du Kippour) et 1982 (guerre du Liban).

[2] L’un des plus récents épisodes de cette guerre est l’opération baptisée « pluies d’été » déclenchée le 28 juin 2006 à Gaza en vertu de laquelle l’armée israélienne envahit le territoire.

[3] D’après la lettre adressée le 12 août 2006, par le Secrétaire général au Président du Conseil de sécurité (S/2006/647), la cessation des hostilités est entrée en vigueur le 14 août 2006 à 5 heures GMT, « c’est-à-dire au jour et à l’heure convenus par les Premiers Ministres libanais et israélien à l’issue des discussions qu’ils ont eues avec moi après l’adoption de la résolution ».

[4] Dans son rapport du 12 septembre 2006, S/2006/730, le Secrétaire général donne le bilan suivant de la guerre : « 1 187 morts et 4 092 blessés, dont un grand nombre d’enfants. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires estime qu’entre le 12 juillet et le 14 août, 1 million de Libanais ont été déplacés, dont quelque 735 000 ont cherché refuge au Liban et 230 000 à l’étranger, le déplacement secondaire d’environ 16 000 réfugiés palestiniens étant compris dans ces chiffres. La cessation des hostilités le 14 août a entraîné le retour massif des personnes déplacées et des réfugiés dans leur région d’origine. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, environ 90 % des personnes qui ont été déplacées au Liban durant les hostilités – quelque 900 000 personnes, soit un quart de la population – étaient rentrées chez elles ou se trouvaient à proximité de chez elles quelques jours après le cessez-le-feu. À la fin du mois d’août, le nombre des personnes qui étaient encore déplacées se situait, selon les estimations, entre 100 000 et 150 000 ». Pour les pertes matérielles, « Au Liban, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires estime que le conflit a causé des dégâts matériels d’un montant de 3,6 milliards de dollars, dus notamment à la destruction de 80 ponts, de 600 kilomètres de routes, de 900 usines, marchés, exploitations agricoles et locaux commerciaux, de 31 aéroports, ports, stations d’épuration des eaux usées, barrages et centrales électriques, et de 25 stations-service. Le taux de chômage est actuellement de 75 % dans certaines régions du pays. On estime que 15 000 habitations ont été détruites ».

Du côté israélien « 43 civils et 117 membres des Forces de défense israéliennes (FDI) ont été tués entre le 12 juillet et le 14 août. Outre le grand nombre de personnes qui ont dû être soignées parce qu’elles étaient en état de choc et angoissées, 68 Israéliens ont été modérément blessés et 33 grièvement. Pendant cette période, selon les statistiques officielles israéliennes, 3 970 roquettes ont été tirées sur Israël, dont 901 en zone urbaine; 300 000 habitants ont été déplacés et plus d’un million ont été contraints de vivre pendant un certain temps dans des abris ».

[5] En plus des cinq membres permanents, il s’agit des dix membres suivants : Argentine, République du Congo, Grèce, Qatar, Danemark, Ghana, Japon, Slovaquie, Pérou, République-Unie de Tanzanie.

[6] Le Secrétaire général a salué « sans réserves » la résolution sur la crise au Liban, espérant que la cessation des hostilités pourrait conduire à régler la crise sous-jacente au Moyen-Orient. Il n'a toutefois pas caché sa « profonde déception » du fait que le Conseil de sécurité ne se soit pas prononcé plus tôt. « Tous les membres de ce Conseil doivent être conscients que son incapacité à agir plus tôt a profondément ébranlé la confiance de par le monde en son autorité et son intégrité », a-t-il estimé, déplorant le nombre de victimes civiles au long d'un mois de conflit, en particulier parmi les enfants.

[7] Le 12 août, le Gouvernement libanais a annoncé qu’il acceptait la résolution 1701 (2006). Le 13 août, le Gouvernement israélien a annoncé qu’il se conformerait à ses obligations telles qu’elles ressortent de cette résolution. Cf. Rapport du Secrétaire général (S/2006/670) du 18 Août 2006.

[8] Cette Conférence a réuni 15 pays à savoir : Italie, Etats-Unis, Canada, Chypre, Égypte, France, Allemagne, Grèce, Jordanie, Russie, Arabie Saoudite, Espagne, Turquie, Royaume Uni, Liban ainsi que l’Union européenne (Haut représentant/présidence finlandaise/commission) et la Banque mondiale. Cf. déclaration finale : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/liban_418/communaute-internationale-liban_4377/conference-rome-declaration-finale-26.07.06_39532.html.

[9] Le Président du Conseil libanais a présenté le plan suivant :

1         Un cessez-le-feu immédiat et une déclaration d'accord sur les points suivants :

2         La libération des prisonniers et détenus libanais et israéliens sous la supervision de la Croix-Rouge ;

3         Le retrait de l'armée israélienne derrière la Ligne bleue ;

4         Le retour des personnes déplacées à leurs villages ;

5         Un engagement du Conseil de sécurité de placer les Fermes de Chebaa et les Collines de Kfarchouba sous la juridiction de l'ONU jusqu'à ce que la délimitation du territoire soit achevée, avec un accès aux propriétaires terriens libanais sur ce territoire ;

6         Le gouvernement s’engage à déployer ses forces légitimes sur tout son territoire ainsi que le prévoient les Accords de Taëf ;

7         Le renforcement de la Force internationale au Sud- Liban (FINUL) afin d'entreprendre des mesures humanitaires et garantir la sécurité ;

Le gouvernement libanais a demandé aussi un engagement de la communauté internationale pour la reconstruction du Liban.

Cf : http://www.libanoscopie.com/FullDoc.asp?Doccode=1006&Cat=1.

[10] Réuni à Beyrouth le 7 août 2006, au niveau des ministres des affaires étrangères, le Conseil de la Ligue des Etats arabes décida de dépêcher à New York une délégation composée des MAE du Qatar (membre du conseil de sécurité) des Emirats arabes Unis et du Secrétaire général de la Ligue pour soutenir le plan Siniora. A la suite de la réunion des émissaires arabes avec les représentants des 5 membres permanents du Conseil de sécurité, l'ambassadeur de France à l'ONU, Jean-Marc de La Sablière déclara « Le projet de résolution franco-américain sur le Liban va être amendé. Il tiendra compte des objections du Liban et de la Ligue arabe… Le problème pour nous est de produire le meilleur texte possible et de prendre en considération les préoccupations de tous ».

 


 

 

Copyright : © 2006 Rafaâ Ben Achour. Tous droits réservés.

Impression et citations : Seule la version au format PDF fait référence.

Mode officiel de citation :

BEN ACHOUR Rafaâ. - « La résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité : trop tard et trop peu ! ». - Actualité et Droit International, novembre 2006. <http://www.ridi.org/adi>.

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