I-A
l’heure où les premières nappes de pétrole s’échappant du Prestige s’échouent
sur le littoral français, le souvenir douloureux d’une autre catastrophe tout
aussi désastreuse refait surface dans les consciences. Cette catastrophe, c’est
celle du naufrage d’un pétrolier maltais, l’Erika, venu souiller de ses quelques
20 000 tonnes de pétrole les côtes bretonnes trop souvent meurtries par une
sombre et intolérable succession de marées noires. Le navire s’est brisé le 12
décembre 1999 au large des côtes françaises alors même que les différents
contrôles auxquels il avait été soumis peu de temps auparavant ne laissaient pas
présager une telle catastrophe. L’image d’un littoral ravagé accompagné de son
cortège d’oiseaux mazoutés a provoqué la colère des victimes de cette
catastrophe écologique et économique.
Cependant, repousser les assauts d’une mer devenue son propre fléau ne devait
pas être le seul combat des victimes. Il restait encore à résoudre la question
de la responsabilité d’une telle catastrophe. Sur qui devait reposer l’ensemble
des réparations des dommages survenus ? Quelle faute fallait-il expier et
dénoncer ? Propriétaire du navire, affréteur, société de classification, Etat du
pavillon… Tous étaient impliqués dans la gestion du navire. Pourtant tous ne
sont pas égaux devant leurs agissements. Entre responsables fictifs, montage
juridique insidieux, fuite de responsabilités et sentiment d’impunité, les
victimes de la marée noire doivent se frayer un chemin long et difficile pour
obtenir une réparation largement insuffisante à couvrir des dommages souvent
irréversibles.
S’il laisse ses empreintes indélébiles sur ce littoral trop souvent endeuillé,
le naufrage de l’Erika laisse derrière lui un goût amer d’irresponsabilités
convenues de l’homme face aux désastres écologiques que ses actions entraînent.