Cette note de lecture a été rédigée en mars 2005 par Matthieu Monin.
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Cet ouvrage regroupe diverses
contributions autour du conflit en Irak dans une perspective interdisciplinaire.
Le but en est d’offrir au lecteur des clés d’analyse de la situation actuelle,
en exposant les enjeux du conflit non seulement sous l’angle du droit
international, mais aussi du point de vue du politologue, de l’anthropologue et
de l’historien, chacun s’attachant à chercher dans sa spécialité si la guerre
d’Irak constitue « la matrice d’un nouvel ordre mondial ».
La première partie compare la
vision américaine et la vision européenne de la sécurité collective. La vision
américaine est exposée dans son contexte idéologique, la pensée des
« néo-conservateurs ». La vision « européenne » nous est paradoxalement moins
familière, si tant est que l’on puisse identifier une vision partagée par les
États européens. La comparaison est ici intéressante à plus d’un titre,
notamment par les nombreuses similitudes que l’on retrouve dans ces deux
visions, « l’Europe puissance » n’étant pas moins porteuse de tentations
impériales, ni moins déterminée par le sentiment d’une certaine supériorité de
la démocratie occidentale sur les autres régimes politiques que son homologue
d’outre-atlantique. Peut-être la retenue européenne sur ce point est elle plus
le résultat d’un déficit de moyens que d’une conception fondamentalement
différente de la vision américaine pourtant tant décriée.
La deuxième partie s’attache à
la question des transformations du droit international engendrées par le conflit
en Irak. La première des interventions pose la question du bien-fondé de
l’intervention au nom de principes universels. Ce débat ne semble pas avoir
radicalement été transformé par l’intervention en Irak ; les arguments
doctrinaux n’ont pas évolué depuis l’intervention de l’OTAN au Kosovo, et tant
les tenants que les opposants de l’interventionnisme trouveront dans
l’expérience irakienne des arguments confortant leur point de vue. Suivent deux
articles relatifs au traitement des prisonniers par les forces belligérantes. Le
premier est un rappel bref et sobre du droit humanitaire, il y est moins
question ici d’une réflexion sur le « dépassement » du droit humanitaire que du
simple constat de sa violation. Le second article étudie la question de
l’applicabilité des droits de l’homme aux activités extraterritoriales des
États, ce qui concerne particulièrement le sort des prisonniers de Guantanamo et
d’Abu Ghraib. Se fondant sur la jurisprudence des diverses juridictions chargées
de l’application des droits de l’homme, l’auteur conclut à l’applicabilité des
conventions de protection des droits de l’homme dans ces situations, prenant
ainsi le contre-pied des argumentaires des gouvernements américains ou
britanniques.
La troisième partie de l’ouvrage
analyse les discours stratégiques autour du conflit irakien. La première
contribution remet en question la validité du concept de « Révolution dans les
Affaires Militaires » en replaçant cette prétendue révolution dans un contexte
historique large. Le propos est ici très technique, et peut-être qu’un langage
moins pointu aurait mieux trouvé sa place dans un projet pluridisciplinaire. La
seconde contribution étudie les discours sur la prolifération et les fameuses
« Armes de Destruction Massive », refusant l’amalgame fait entre ces différentes
armes dont les effets, ainsi que le régime juridique, n’ont que peu en commun.
Si la cohérence de cette catégorie est ainsi douteuse, les effets de cette
généralisation sont pervers, pour nos démocraties ainsi que pour les États que
ce discours entend stigmatiser.
Une quatrième partie reprend le
thème des contours idéologiques de la pensée américaine, nous rappelant la
genèse de la pensée néo-conservatrice. Enfin, la dernière partie de l’ouvrage
nous ramène à l’Irak, s’attachant tout d’abord à décrire les différents groupes
de population au sein du pays. Puis un long article analyse l’occupation de
l’Irak en s’interrogeant sur le retour des « protectorats » : les
administrations d’un territoire sous un mandat international, que l’actualité
semble multiplier.
Au terme de la lecture, cet
ouvrage pourra laisser à certains une impression partagée, dans la mesure où la
pluridisciplinarité revendiquée aurait peut-être gagné à être plus encadrée dans
un projet unifiant les interventions. Si les divers points de vue sont
indubitablement présents, on peut regretter de ne les sentir que trop rarement
dialoguer et s'enrichir des apports des autres disciplines. Le choix de
présenter l'ouvrage en chapitres regroupant des interventions de même nature
accentue certainement cet effet. On peut aussi regretter que certains articles
semblent plus adapter un discours à la situation de l'Irak que de s'en inspirer.
Gageons que les prochains ouvrages de cette collection sauront dissiper cette
sensation, car l'intérêt de l'entreprise, autant que la qualité des
intervenants, ne fait pas le moindre doute.
Cette note de lecture a été rédigée en mars 2005 par Matthieu Monin.
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