Cette
note de lecture a été rédigée en septembre 2004 par Mathieu Monin.
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Ce volume est la retranscription
des onzièmes Rencontres internationales d’Aix-en-Provence, intitulé « Les
Nations Unies et l’Afghanistan ». Mais l’ouvrage traduit aussi les
préoccupations qui dominaient à la date du colloque (début 2003), c’est-à-dire
le terrorisme islamiste et la future guerre en Irak. Trois thèmes sont ainsi
abordés : celui des Nations Unies face à la crise afghane, celui – plus large –
du rôle des Nations Unies dans l’après 11 septembre et enfin un troisième volet
discute des conséquences de l’intrusion du radicalisme islamique dans les
relations internationales.
La situation de l’Afghanistan est
très bien expliquée dans deux rapports introductifs de grande qualité. Tout
d’abord, M. Zalman Haquaoui, professeur à l’Université de Caen et Ambassadeur de
l’Afghanistan en France détaille l’histoire de ce pays déchiré par la guerre
civile depuis 1973. Le lecteur qui ne serait pas expert sur l’Afghanistan y
trouvera de nombreuses informations essentielles à une bonne compréhension des
problèmes complexes qui agitent aujourd’hui ce pays. De plus, Lakhdar Brahimi,
Représentant Spécial du Secrétaire Général pour l’Afghanistan, nous détaille les
Accords de Bonn qui fournissent le cadre de l’intervention internationale.
La partie consacrée aux Nations
Unies face à la crise afghane regroupe deux interventions, l’une consacrée à
« la paix et la sécurité internationales à l’épreuve des Tâlebân » revient sur
l’historique de la crise qui amena l’intervention militaire contre le régime des
Talibans, l’autre sur « la lutte contre les sources de financement privé du
terrorisme » explique les nombreuses difficultés rencontrées sur le plan
international pour priver les groupes terroristes de fonds. La matière est
essentiellement encadrée par une convention ad-hoc, à laquelle une résolution du
Conseil de sécurité donne valeur universelle. Au-delà des questions
d’incrimination, la lutte passe par une coopération entre les différents Etats
qui n’est pas sans rappeler les différents mécanismes mis en œuvre dans les cas
de sanctions économiques décidées par le Conseil de sécurité. Cette partie,
réellement centrée sur le thème de l’ONU et de l’Afghanistan, constitue une
analyse intéressante, bien que l’on puisse regretter qu’il n’y ait pas eu
d’intervention spécifiquement consacrée à l’action de l’ONU sur le sol afghan,
et notamment sur l’action de l’UNAMA (Mission
d’Assistance des Nations Unies en Afghanistan, établie par la résolution 1401 du
28 mars 2002), que
le titre de l’ouvrage laissait pourtant espérer.
La seconde partie, le rôle de
l’ONU dans l’après 11 septembre, est entamée par une réflexion sur « les Nations
Unies et la légitime défense ». La question est ici traitée dans son actualité,
diverses études théoriques sur ce thème fournissant une base solide à l’étude.
Ce sont donc les conséquences directes de la réaction de l’ONU aux attentats du
11 septembre sur la notion de légitime défense que le Pr. Patrick Daillier
analyse. Puis le Pr. Sandra Szurek étudie « la question du statut des
« prisonniers du champ de bataille » ». Le propos est rigoureux et pose des
questions que le traitement des prisonniers en Irak rend plus pressantes encore.
La troisième et dernière partie
de l’ouvrage est constituée de plusieurs courtes interventions suscitées par une
table ronde dont le thème était l’intrusion de l’islamisme radical dans les
relations internationales. L’objet de la discussion est de faire la part des
« mythes et de la réalité » sur ce thème. L’excellente connaissance du monde
musulman des orateurs permet une analyse très fine de l’évolution du phénomène
islamiste et des relations entre le « Monde arabe » et l’« Occident ». Et les
conclusions vont évidemment à l’encontre des théoriciens du « choc des
civilisations », rappelant opportunément l’immense diversité de l’Islam, que les
slogans des médias de masse réduisent à une caricature qui ne sert ni les
intérêts de l’Europe, ni ceux du Monde arabe.
Les critiques qu’il serait
possible d’adresser à cet ouvrage tiennent en fait à sa volonté – louable – de
commenter « à chaud » l’actualité internationale du point de vue du droit
international et des relations internationales. Les développements concernant
l’Afghanistan sont d’excellente qualité, mais le lecteur qui espèrerait trouver
dans cet ouvrage un véritable panorama de l’action de l’ONU en Afghanistan sera
peut-être déçu de voir l’analyse s’arrêter à la chute des Talibans. Les débats
concernant l’islamisme gardent tout leur intérêt, mais l’intervention en Irak a
sans doute modifié, pour le pire, la situation analysée. Peut-être en disant
cela cédons-nous à notre tour à l’« effet CNN » ? Car l’intérêt de cet ouvrage
est aussi dans l’instantané qu’il offre d’une pensée qui tente d’appréhender les
bouleversements de la société internationale, révélant déjà l’extrême gène des
juristes face au régime de traitement des prisonniers adopté par l’armée
américaine dans sa croisade antiterroriste, et dans la peur des diplomates
voyant se profiler une nouvelle guerre en Irak alors même que la situation
afghane nécessitait encore un engagement majeur des principales puissances du
Conseil de sécurité. L’actualité a continué sa marche folle, mais les questions
ici posées continuent de rester sans réponses.
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Rapport introductif : la crise afghane 1973-2003, Z.
Haquani
Les Nations Unies face aux défis de la crise
afghane
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La paix et la sécurité internationales à l’épreuve du régime des Tâlebân, R.
Kherad
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La lutte contre les sources de financement privé du terrorisme, J-Chr. Martin
Quel rôle pour les Nations Unies dans l’après 11
septembre
-
Les Nations Unies et la légitime défense, P. Daillier
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La question du statut des « prisonniers du champ de bataille », S. Szurek
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La contribution des Nations Unies à la reconstruction de l’Etat, S.
Chahkar-Farhang
L’intrusion du radicalisme islamique dans les
relations internationales : Entre mythe et réalités
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Table ronde
Conclusion générale, L. Condorelli
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