« Parce que la sécurité ne peut
pas faire l’objet d’une définition unique, la conceptualisation des approches en
ce domaine a longtemps été problématique. L’ambition de ce livre est de
synthétiser une littérature impressionnante pour permettre au lecteur de mieux
cerner les multiples discours de la sécurité. Il s’agit donc d’établir des
passerelles entre les pratiques et les analyses issues des différentes
institutions qui ont en charge les questions de sécurité (diplomatie, armée,
organisations internationales…) pour offrir une grille de lecture des questions
de sécurité où l’analyse et la pratique cessent de s’opposer pour mieux se
compléter. Ce nouveau Clefs s’attache donc plus particulièrement à
préciser des notions aux contours imprécis (sécurité commune, humaine ou
sociétale, diplomatie coercitive ou préventive…), à comprendre les nouvelles
formes d’affrontement (guerre interétatique et guerre infraétatique, vraie
guerre et guerre réelle, conflits asymétriques et terrorisme) et à
donner une cohérence nouvelle à des instruments classiques, en juxtaposant des
savoirs issus de champs disciplinaires complémentaires (droit international et
stratégie, théories politiques des relations internationales et sociologie,
histoire et prospective…). Une bibliographie exhaustive permettra au lecteur
d’approfondir cette synthèse en se référant aussi bien aux textes classiques
qu’aux publications les plus récentes ».
Dans cet opuscule, les auteurs ont tenté une ouvre
inédite : offrir un panorama global de la recherche autour de la sécurité des
Etats. D'entrée, à partir des différentes perceptions du concept sommairement
défini, ils établissent une logique discursive en deux temps.
Dans un premier temps ils tentent de faire l'état des approches théoriques de la
sécurité. Quatre catégories sont ainsi mises en exergue, que sont la guerre, la
diplomatie, l'équilibre des puissances et la sécurité collective. Cette analyse
permet de révéler, si besoin est, le caractère multidimensionnel de la question
en débat. La sécurité peut s'établir par la force (guerre), mais elle peut
résulter aussi d'une approche négociée des relations internationales
(diplomatie) ou d'une crainte réciproque de la puissance des rivaux (équilibre
des puissances). Avec la naissance de la Société des Nations en 1919, puis de
l'Organisation des Nations Unies en 1945, c'est l'ère de la régulation
internationale du recours à la force avec la sécurité collective. Une vue
globale de l'histoire des études de sécurité est ainsi offerte, avec le risque
de ne pas présenter des développements plus approfondis sur l'un ou l'autre
point ; d'ailleurs tel ne semble pas être la perspective des auteurs.
Dans un second temps, ils s'attardent sur les études actuelles de sécurité.
Elles se caractérisent par une plus grande conceptualisation - découlant
probablement de l'extension à l'infini - du contenu de la sécurité tel qu'il
résulte de la notion d'origine canadienne de sécurité humaine. Ce développement
permet un renouvellement des approches classiques, qu'il s'agisse du réalisme,
du libéralisme ou de l'idéalisme, chaque théorie étant illustrée. Il donne aussi
lieu à de nouvelles approches : les auteurs en identifient deux que sont le
constructivisme et le criticisme, chacun pouvant être encore décliné en
sous-approches, l'approche féministe participant de l'approche critique. Il en
arrive ainsi à l'actualité même des applications de la sécurité, notamment
depuis le 11 septembre 2001. Il faut peut-être retenir à ce stade final deux
éléments : le concept de maintien de la paix et les réflexions en cours sur la
nécessité d'une amélioration du système en cours.
Comme la notion de sécurité, le maintien de la paix - qui est une application de
la sécurité collective - s'est étendu dans sa mise en oeuvre. Tandis que dans
les années 1950, il impliquait une observation de l'engagement des parties à un
conflit, aujourd'hui il s'inscrit dans une logique d'imposition de la paix aux
parties souvent non étatiques en conflit. De plus, la fin de la guerre froide a
libéré le système du poids d'un équilibre des puissances, de sorte que le
Conseil de sécurité paraît plus disposé à assumer les charges qui sont les
siennes. Mais son inefficacité relative - qui caractérise l'organisation
mondiale en général - a conduit à de nombreuses réflexions sur l'adaptation du
système.
La dernière étude en date est celle de la Commission internationale pour
l'intervention et la souveraineté des Etats mise en place par le Canada, après
le Sommet du Millénaire. Ses propositions n'ont pas été accueillies
favorablement par les Etats, alors même que pour la communauté scientifique, le
rapport sur la responsabilité de protéger ne manque pas d'audace et
d'objectivité, pour ne pas dire de réalisme. Pour notre part, même si nous
adhérons à cette lecture, nous nous interrogeons sur la consécration d'une
logique de puissance classique favorable à la configuration géopolitique
actuelle, que le rapport semble vouloir maintenir, ce qui serait contraire aux
principes communautaires qui sont de plus en plus mis en avant même dans ledit
rapport, notamment avec la formation plus avancée d'une communauté
internationale, d'une société internationale non exclusivement étatique.
Charles-Philippe
David
est Professeur au département de science politique, titulaire de la Chaire
Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, et directeur de
l’Observatoire sur les États-Unis, à l’Université du Québec à Montréal. Parmi
ses dernières publications consacrées aux questions de sécurité, on peut citer :
La consolidation de la paix et les institutions de la paix, (L’Harmattan, 1997),
La Guerre et la Paix. Approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie
(Presses de Sciences Po, 2000), et Repenser la sécurité : nouvelles menaces,
nouvelles politiques publié aux éditions Fidès à Montréal en 2002.
Jean-Jacques
Roche
est Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II) où il dirige l’Institut
Supérieur de l’Armement et de la Défense. Directeur de rédaction de l’Annuaire
Français de Relations Internationales, il a publié dans la collection « Clefs »,
Théories des relations internationales (4ème édition, 2001) et Le
Système international contemporain (3ème édition, 1999) et «
Relations Internationales » dans la collection « Manuel » (2ème
édition, 2001). Il est également Président de l’Association des Formations
Universitaires de Défense, de Relations Internationales et de Sécurité (AFUDRIS).