Le
Centre de Recherches sur les Droits de l’Homme et le droit humanitaire
(CREDHO) a été créé en 1990 à la faculté de droit de l’Université
de Rouen. Son directeur et fondateur, le professeur Paul TAVERNIER,
ayant été muté à l’Université Paris XI (Faculté Jean Monnet de
Sceaux), le CREDHO s’est constitué en un réseau composé de deux
structures : le CREDHO - Rouen et le CREDHO - Paris Sud (http://www.credho.org).
C’est ce réseau qui a organisé le colloque « Un siècle de
droit international humanitaire » dont les actes paraissent dans
cet ouvrage collectif. C’est le premier numéro de la Collection du
CREDHO ouverte chez l’éditeur juridique belge, Bruylant.
Il
ressort des communications qui ont été à juste titre mises à jour
postérieurement à leur présentation,
que le phénomène de globalisation
atteint aussi le droit international humanitaire (DIH) et pourrait
constituer le « fil rouge »
de notre lecture de cette publication. Cette globalisation se manifeste
à deux égards : le développement des sources du DIH et les mécanismes
de mise en œuvre du DIH. Le texte de Paul TAVERNIER résume fort bien
cette double évolution.
Globalisation
des sources du Droit international humanitaire (DIH)
Le
développement actuel du DIH est caractérisé par une extension des
normes coutumières.
Une
première remarque s’impose : les Conventions de La Haye et de
Genève résultaient de la codification de règles coutumières, de
sorte que la coutume a été à la base du DIH. Il serait donc plus
juste de parler de redécouverte du processus, puisque, effectivement,
le développement conventionnel a semblé dominer. Cette évolution
nouvelle justifie que le Comité international de la Croix-Rouge ait réalisé
une étude sur les règles coutumière en DIH, étude dont Jean-Marie
HENCKAERTS présente rapidement le contenu dans sa communication puis
dans les débats.
Cette
redécouverte de la coutume est soutenue par la jurisprudence de la Cour
internationale de justice notamment l’affaire relative à la licéité
de l’emploi de l’arme nucléaire, dont Abdelwahab BIAD présente
une analyse critique, en soulignant les contradictions entre le vote des
juges et leurs opinions individuelles, dissidentes et déclarations, et
les non-dire de l’avis au regard de l’interprétation de la
qualification de « normes intransgressibles ». La
juridiction internationale affirme le caractère coutumier des normes du
droit de La Haye et du droit de Genève, de sorte qu’elles
s’imposent aussi bien aux Etats parties qu’aux rares Etats qui ne le
sont pas.
Toutefois
le développement de la dimension coutumière du DIH, ne rend pas
inadapté le processus conventionnel. Pour schématiser, il peut être
affirmé que le droit coutumier pose les principes généraux
a-temporels, tandis que le droit conventionnel établit la lex
specialis, c’est-à-dire les principes in-temporels. Ainsi de la
question des mines dont Jean-Michel FAVRE présente une analyse
critique, mais aussi de la protection des biens culturels avec le
Protocole de 1999 à la Convention de 1954 étudié dans le texte de
Gilles MARHIC.
Il
faut regretter qu’aucun de ces différents auteurs n’aborde la
question de la régionalisation du DIH. Car l’extension de la
dimension coutumière fait planer un heureux risque
d’universalisation, tandis que le développement conventionnel tend à
consacrer une régionalisation des normes.
Ce
développement des normes de DIH n’est pas synonyme d’une plus
grande efficacité, d’où la nécessité de revoir les mécanismes de
mise en œuvre.
Globalisation
des mécanismes de mise en oeuvre
La
deuxième partie de l’ouvrage présente les mécanismes de mise en œuvre
du DIH en trois temps (passé, présent et futur).
D’abord,
Luigi CONDORELLI présente « le seul outil nouveau de mise en œuvre
du droit international humanitaire qu’on ai pu et su inventer lors de
la Conférence diplomatique de 1974-1977 » (p. 87), c’est-à-dire
la Commission internationale de l’établissement des faits (le passé
mais aussi le présent). Un intérêt majeur de cette analyse critique réside
dans l’interprétation extensive qu’il offre du mandat de la CIEF,
en lui reconnaissant un droit d’initiative, en ouvrant la voie à une
coopération avec la société civile notamment les Organisations non
gouvernementales, et en permettant une saisine par les Organisations
internationales…
Ensuite,
dans le temps présent toujours, Stéphane BOURGON fait une analyse
transversale de la jurisprudence du Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie (TPIY) - y compris les Chambres d’Appel qui sont
communes aux deux Tribunaux pénaux internationaux (TPI) - pour mettre
en exergue ce que la nouvelle juridiction apporte au DIH. Cet apport
peut se résumer une phrase : préciser dans des situations
particulières, le contenu des normes du DIH. Ainsi les critères de la
qualification du conflit sont apparus dans les différents arrêts de
l’affaire Tadic ;
les lois et coutumes de la guerre sont précisées après une interprétation
extensive de l’article 3 du Statut ; et les éléments permettant
d’apprécier le génocide recherché, même si la jurisprudence reste
vacillante à ce propos, les notions de base (race et ethnie) l’étant
fondamentalement.
La
communication de Laurence BURGORGUE-LARSEN, directrice du CREDHO-Rouen,
s’attache à apprécier les difficultés du Tribunal pénal
international pour le Rwanda (TPIR) dans la réalisation de sa mission
avec les solutions qui y ont été apportées notamment l’amélioration
des Règles de Procédure et de Preuve pour tenir compte du peu
d’empressement que les Etats mettent à collaborer avec le tribunal
dans l’arrestation des présumés criminels. Elle tente aussi d’apprécier
rapidement l’apport jurisprudentiel : les clarifications apportées
par le tribunal sur le crime de génocide ont été ainsi commentées et
critiquées. Mais pouvait-il en être autrement s’agissant de la
qualification du génocide, que de considérer comme race, ethnie ou
groupe religieux, ce qui est apparu comme tel pour le criminel, ou plutôt
l’inculpé ?
Il
peut être reproché à ces deux analyses une insuffisance inverse :
la première ne présente aucune critique de l’activité du TPIY, du
type de celles faites à l’égard du TPIR, tandis que la seconde
n’appréhende que fort succinctement, l’apport jurisprudentiel du
TPIR.
Enfin
Eric DAVID s’intéresse au futur, avec l’adoption de la Convention
de Rome portant création de la Cour pénale internationale. Il en offre
une vue d’ensemble avec quelques critiques qui n’entament pas sa foi
en cet avenir… dont la consistance lui a été révélé dans la
« boule de cristal » !
Au
terme de cette appréciation riche qui méritait d’être partagée, de
la globalisation du DIH, il faut croire que d’autres numéros du
CREDHO viendront satisfaire la curiosité qui naît, à propos des thèmes
que ce colloque n’a pas permis d’aborder dont un mériterait d’être
souligné : la compétence universelle. Elle constitue une autre
dimension de la globalisation de la mise en œuvre du DIH. Et les
questions qu’elle fait naître ne sont pas des moindres. Ainsi
pourquoi la Belgique a attendu qu’une plainte soit déposée contre
Ariel Sharon pour penser à modifier sa loi de 1999 pour tenir compte de
la situation de « dirigeants en exercice », alors que la même
loi avait fondé le mandat d’arrêt international contre Abdoulaye
Yerodia Ndombasi !
La politique juridique extérieure des Etats dans le développement du
DIH, constitue un autre sujet d’intérêt.
A
quand la prochaine parution de la Collection du CREDHO ? Le besoin
est maintenant né avec cette première livraison !
Roland
ADJOVI (août
2001)
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