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Entretien relatif à l'adhésion de l’Azerbaïdjan et l’Arménie au Conseil de l’Europe
avec Lili NABHOLZ-HAIDDEGER

Membre de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe
Groupe Libéral, Démocrate et Réformateur (LDR)

Propos recueillis à Strasbourg, en avril 2001, par Sonia Parayre.
Important : Ces propos reflètent les opinions personnelles de leur auteur.

 

Le Conseil de l’Europe, Organisation qui promeut le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit, compte aujourd’hui en son sein quarante trois Etats membres. La Cérémonie d’adhésion des deux derniers Etats - à savoir l’Arménie et l’Azerbaïdjan – a eu lieu le 25 janvier 2001, alors que des violations des droits de l’homme persistaient sur le plan interne.

 

1. A partir de 1993, date d’adhésion de la Roumanie, le Conseil de l'Europe s’est trouvé confronté à la problématique de « l’élargissement ou l’exclusion ». L’adhésion récente des trois pays du Caucase met en lumière toute l’acuité de cette question. Pensez-vous que cela ait pour effet d’amoindrir les valeurs défendues par l’organisation, à savoir la démocratie pluraliste, la prééminence du droit et la jouissance effective des droits de l’homme ?

 

L’élargissement rapide du Conseil de l’Europe porte effectivement en lui le risque d’un certain nivellement des standards qu’il défend dans le domaine des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit. Si, auparavant, l’appartenance à la plus ancienne institution européenne pouvait être perçue comme un certificat de bonne conduite délivré à l’Etat ayant atteint un haut niveau dans la défense de ces valeurs, il semble qu’aujourd’hui une simple déclaration d’intention de l’Etat, selon laquelle il aspire à respecter ces valeurs soit suffisante pour l’obtention du billet d’entrée au sein de l’organisation.

 

Il n’est en revanche pas possible, sans un laps de temps suffisant, de répondre à la question de la portée qu’une telle évolution pourrait avoir sur la dépréciation de l’organisation.  A l’issue de cette période, ne prévaudront que les différents résultats portés à maturité par le processus de suivi du respect des engagements des Etats (monitoring), et se posera notamment la question de savoir - lorsque l’Etat membre porte atteinte de façon flagrante à ses engagements et obligations - si le Conseil de l’Europe trouve la force et le courage, sans considérations d’opportunités et nonobstant la taille et/ou l’importance géopolitique de l’Etat membre, de faire passer la primauté de la défense de ses propres valeurs avant toute autre considération.

 

Le caractère critique de cette prise de position ne doit pas faire oublier l’aspect positif résultant de l’appartenance au Conseil de l’Europe. En effet, elle  porte toujours en elle-même, la chance que la Communauté d’Etats unie en son sein puisse exercer une certaine influence sur notamment, le développement des questions relatives aux droits de l’homme et à la démocratie. Elle renforce et appuie également les forces politiques nationales qui, à l’intérieur des Etats intéressés, défendent ces valeurs. Il ne faut pas non plus oublier le rôle éminent joué par la Cour européenne des droits de l’homme, qui constitue une aide juridictionnelle pour l’individu lésé.

 

Cette lueur d’espoir ne serait pas possible sans l’appartenance au Conseil de l’Europe. Ces « deux faces de la même médaille » conduisent donc toujours à une certaine ambivalence quant à la question de savoir si un Etat présente ou non - à ce stade -  la « maturité » nécessaire pour appartenir au  Conseil.

 

 

Suite aux évènements survenus en Tchétchénie, l’Assemblée Parlementaire a décidé de suspendre le droit de vote de la Délégation de Russie. Le 15 janvier 2001, dans sa résolution 1241 (2001) l’Assemblée a décidé de rétablir le droit de vote de cette délégation, et en même temps, dans sa résolution 1240 (2001) elle prévoit la création d’un groupe de travail (voir en ce sens le § 22) qui comprend les membres de trois commissions de l’Assemblée et des membres de la Douma.

 

1. Eu égard à la persistance des violations des droits de l’homme en Tchétchénie, que pensez-vous de la restitution du droit de vote à la Délégation russe auprès de l’Assemblée ?

 

La situation en Tchétchénie, depuis la décision de l’Assemblée de suspendre le droit de vote de la délégation russe, ne s’étant malheureusement pas fondamentalement améliorée, la suspension aurait dû être renouvelée en raison des conséquences que cela implique, notamment en terme de crédibilité. Je considère que les questions de principes et de valeurs fondamentales n’ont rien à voir avec les vicissitudes de la politique.

 

L’Assemblée dans sa majorité est cependant parvenue à une conclusion différente, que je respecte en tant que démocrate, quand bien même je ne partage pas les considérations sous-jacentes. L’Assemblée s’est laissée guider, à mon avis, par l’espoir – illusoire -  qu’elle pouvait obtenir davantage en restituant le droit de vote. Ce faisant, on a oublié le signal qui y était placé. On aurait également pu imaginer l’hypothèse selon laquelle la suspension du droit de vote n’aurait pas eu pour conséquence de rompre le dialogue. Il est regrettable que cet élément n’ait pas davantage pesé. Il est également fâcheux que les arguments de Sergueï Kovalev -  militant des droits de l’homme et membre de la délégation de Russie - qui a défendu une position très courageuse, n’aient pas rencontré plus d’écho.

 

En revanche, je ne suis pas convaincue, eu égard au contexte spécifique, de l’argument maintes fois évoqué, selon lequel la poursuite des mesures ne touchent que les « mauvaises personnes ». En réalité, il ne s’agit pas ici de considérations de personnes, mais davantage du postulat de principe - à savoir le rôle de défenseur des droits de l’homme du Conseil de l’Europe face au mépris de ces valeurs, affiché par certains.

 

2. Que pensez-vous du rôle joué par l’Assemblée Parlementaire, dans le cadre notamment du Groupe mixte comprenant des membres de la Douma et l’Assemblée ?

 

La création et l’activité de ce groupe mixte constituent, à ma connaissance, une première. Le travail de ce groupe, auquel j’appartiens moi-même en tant que membre, a pour objectif de renforcer la sensibilité des représentants de la Douma face au problème des droits de l’homme en Tchétchénie, et que cette thématique soit traitée à l’avenir de manière fondamentalement plus critique. Le groupe mixte devrait également obtenir de la Partie officielle, un certain renforcement des organisations non gouvernementales travaillant activement sur ces questions en Russie. Je souhaite enfin que le groupe exprime énergiquement son souhait du respect de la liberté des médias concernant des progrès réalisés en Tchétchénie - comme les expériences les plus récentes le montrent – liberté rendue impossible par l’action ciblée et systématique à leur encontre.

 

Enfin, l’enquête menée jusqu’à présent ayant été insatisfaisante, j’attends avec un grand espoir les conséquences et l’influence de la révélation au public des violations des droits de l’homme. C’est pourquoi le Groupe, s’il veut mener un travail crédible, doit exercer en la matière une pression suffisante sur les autorités responsables.

 

3. Des agents du Conseil de l'Europe sont mis à la disposition du Bureau de M. Kalamanov, Représentant spécial du Président de la Fédération de Russie chargé du respect des droits de l’homme et des droits et libertés civiques en République tchétchène. Que peut-on attendre, à votre avis, d’une telle coopération ?

 

Très clairement un renforcement du Bureau de M. Kalamanov et un gain qualitatif, notamment en développant une approche objective vis-à-vis des plaintes et des griefs introduits par les civils lésés.

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