Le
Conseil de l’Europe, Organisation qui promeut le respect des droits de
l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit, compte aujourd’hui en
son sein quarante trois Etats membres. La Cérémonie d’adhésion des deux
derniers Etats - à savoir l’Arménie et l’Azerbaïdjan – a eu lieu le 25
janvier 2001, alors que des violations des droits de l’homme persistaient sur
le plan interne.
1. A partir de 1993, date d’adhésion de la Roumanie, le Conseil de
l'Europe s’est trouvé confronté à la problématique de « l’élargissement
ou l’exclusion ». L’adhésion récente des trois pays du Caucase met
en lumière toute l’acuité de cette question. Pensez-vous que cela ait pour
effet d’amoindrir les valeurs défendues par l’organisation, à savoir la démocratie
pluraliste, la prééminence du droit et la jouissance effective des droits de
l’homme ?
L’élargissement rapide du Conseil de l’Europe porte effectivement en lui le
risque d’un certain nivellement des standards qu’il défend dans le domaine
des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit. Si,
auparavant, l’appartenance à la plus ancienne institution européenne pouvait
être perçue comme un certificat de bonne conduite délivré à l’Etat ayant
atteint un haut niveau dans la défense de ces valeurs, il semble
qu’aujourd’hui une simple déclaration d’intention de l’Etat, selon
laquelle il aspire à respecter ces valeurs soit suffisante pour l’obtention
du billet d’entrée au sein de l’organisation.
Il n’est en revanche pas possible, sans un laps de temps suffisant, de répondre
à la question de la portée qu’une telle évolution pourrait avoir sur la dépréciation
de l’organisation. A l’issue de cette période, ne prévaudront que les différents
résultats portés à maturité par le processus de suivi du respect des
engagements des Etats (monitoring), et se posera notamment la question de savoir
- lorsque l’Etat membre porte atteinte de façon flagrante à ses engagements
et obligations - si le Conseil de l’Europe trouve la force et le courage, sans
considérations d’opportunités et nonobstant la taille et/ou l’importance géopolitique
de l’Etat membre, de faire passer la primauté de la défense de ses propres
valeurs avant toute autre considération.
Le caractère critique de cette prise de position ne doit pas faire oublier
l’aspect positif résultant de l’appartenance au Conseil de l’Europe. En
effet, elle porte toujours en
elle-même, la chance que la Communauté d’Etats unie en son sein puisse
exercer une certaine influence sur notamment, le développement des questions
relatives aux droits de l’homme et à la démocratie. Elle renforce et appuie
également les forces politiques nationales qui, à l’intérieur des Etats intéressés,
défendent ces valeurs. Il ne faut pas non plus oublier le rôle éminent joué
par la Cour européenne des droits de l’homme, qui constitue une aide
juridictionnelle pour l’individu lésé.
Cette lueur d’espoir ne serait pas possible sans l’appartenance au Conseil
de l’Europe. Ces « deux faces de la même médaille » conduisent
donc toujours à une certaine ambivalence quant à la question de savoir si un
Etat présente ou non - à ce stade - la
« maturité » nécessaire pour appartenir au
Conseil.
Suite aux évènements survenus en Tchétchénie, l’Assemblée
Parlementaire a décidé de suspendre le droit de vote de la Délégation de
Russie. Le 15 janvier 2001, dans sa résolution 1241 (2001) l’Assemblée a décidé
de rétablir le droit de vote de cette délégation, et en même temps, dans sa
résolution 1240 (2001) elle prévoit la création d’un groupe de travail
(voir en ce sens le § 22) qui comprend les membres de trois commissions de l’Assemblée
et des membres de la Douma.
1. Eu égard à la persistance des violations des droits de l’homme en
Tchétchénie,
que pensez-vous de la restitution du droit de vote à la Délégation russe auprès
de l’Assemblée ?
La situation en Tchétchénie, depuis la décision de l’Assemblée de
suspendre le droit de vote de la délégation russe, ne s’étant
malheureusement pas fondamentalement améliorée, la suspension aurait dû être
renouvelée en raison des conséquences que cela implique, notamment en terme de
crédibilité. Je considère que les questions de principes et de valeurs
fondamentales n’ont rien à voir avec les vicissitudes de la politique.
L’Assemblée dans sa majorité est cependant parvenue à une conclusion différente,
que je respecte en tant que démocrate, quand bien même je ne partage pas les
considérations sous-jacentes. L’Assemblée s’est laissée guider, à mon
avis, par l’espoir – illusoire - qu’elle
pouvait obtenir davantage en restituant le droit de vote. Ce faisant, on a oublié
le signal qui y était placé. On aurait également pu imaginer l’hypothèse
selon laquelle la suspension du droit de vote n’aurait pas eu pour conséquence
de rompre le dialogue. Il est regrettable que cet élément n’ait pas
davantage pesé. Il est également fâcheux que les arguments de Sergueï
Kovalev - militant des droits de
l’homme et membre de la délégation de Russie - qui a défendu une position
très courageuse, n’aient pas rencontré plus d’écho.
En revanche, je ne suis pas convaincue, eu égard au contexte spécifique, de
l’argument maintes fois évoqué, selon lequel la poursuite des mesures ne
touchent que les « mauvaises personnes ». En réalité, il ne
s’agit pas ici de considérations de personnes, mais davantage du postulat de
principe - à savoir le rôle de défenseur des droits de l’homme du Conseil
de l’Europe face au mépris de ces valeurs, affiché par certains.
2. Que pensez-vous du rôle joué par l’Assemblée Parlementaire, dans le
cadre notamment du Groupe mixte comprenant des membres de la Douma et l’Assemblée
?
La création et l’activité de ce groupe mixte constituent, à ma
connaissance, une première. Le travail de ce groupe, auquel j’appartiens
moi-même en tant que membre, a pour objectif de renforcer la sensibilité des
représentants de la Douma face au problème des droits de l’homme en
Tchétchénie,
et que cette thématique soit traitée à l’avenir de manière
fondamentalement plus critique. Le groupe mixte devrait également obtenir de la
Partie officielle, un certain renforcement des organisations non
gouvernementales travaillant activement sur ces questions en Russie. Je souhaite
enfin que le groupe exprime énergiquement son souhait du respect de la liberté
des médias concernant des progrès réalisés en Tchétchénie - comme les expériences
les plus récentes le montrent – liberté rendue impossible par l’action
ciblée et systématique à leur encontre.
Enfin, l’enquête menée jusqu’à présent ayant été insatisfaisante,
j’attends avec un grand espoir les conséquences et l’influence de la révélation
au public des violations des droits de l’homme. C’est pourquoi le Groupe,
s’il veut mener un travail crédible, doit exercer en la matière une pression
suffisante sur les autorités responsables.
3. Des agents du Conseil de l'Europe sont mis à la disposition du Bureau de
M. Kalamanov, Représentant spécial
du Président de la Fédération de Russie chargé du respect des droits de
l’homme et des droits et libertés civiques en République tchétchène.
Que peut-on attendre, à votre avis, d’une telle coopération ?
Très clairement un renforcement du Bureau de M. Kalamanov et un gain
qualitatif, notamment en développant une approche objective vis-à-vis des
plaintes et des griefs introduits par les civils lésés.
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