Nucléaire
Le
1er mars 2001, cinquante-trois personnes déposaient plainte contre X au
Tribunal de grande instance de Paris pour « empoisonnement » et «
administration de substances nuisibles », estimant que les autorités
françaises n’avaient pas pris les mesures nécessaires pour protéger
la population des conséquences sanitaires de l’explosion du réacteur
de Tchernobyl, le 26 avril 1986. Se sont associées à cette démarche
l’Association française des malades de la thyroïde et la Commission
de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Le
Monde, 2 mars 2001). Celle-ci avait déjà, à plusieurs reprises,
dressé un bilan négatif de l’action des pouvoirs publics français,
tant au moment de la catastrophe, que depuis lors. On peut ainsi lire
dans un communiqué publié le 3 novembre 1999 sur le site
de la CRIIRAD les accusations suivantes : « défaut d’évaluation
des retombées radioactives et de leur impact sur l’environnement et
la chaîne alimentaire ; défaut d’information des autorités
sanitaires, des pouvoirs publics et des populations ; défaut de
protection des groupes critiques et notamment des populations corses ».
Les
données dont on dispose restent fragmentaires et incertaines. Si une
augmentation importante des cancers de la thyroïde chez l’enfant a été
relevée en Ukraine, en Biélorussie et en Russie : 1800 cas déclarés
entre 1986 et 1998, soit une multiplication par un facteur 10 à 100 (Le
Monde, 21-22 mai 2000 et 26 avril 2001), aucune surveillance
exhaustive n’est réalisée ni aucun système de veille sanitaire mis
en place. On ne dispose par exemple d’aucune donnée concernant les «
liquidateurs », ouvriers, pompiers ou militaires ayant travaillé sur
le site entre 1986 et 1990, au total plus de 600.000 personnes dont on
n’a à l’époque pas mesuré de façon systématique les doses de
rayonnement effectivement reçues et qui sont à présent dispersées et
pour la plupart perdues de vue (Le
Monde, 16 décembre 2000). En France, la CRIIRAD a publié en avril
2001 une carte de la contamination actuelle des zones survolées par le
nuage radioactif, montrant une concentration dans l’Est et le Sud-Est
du pays ainsi qu’en Corse : un taux de 35.000 becquerels par m² (bq/m²)
est ainsi relevé dans le Vercors, allant jusqu’à 50.000 bq/m² dans
le Mercantour et en Corse (Le Monde, 25 avril 2001). Par ailleurs, entre 1975 et 1995,
l’incidence des cancers de la thyroïde est passée dans la population
générale de 0,6 cas à 3,1 cas pour 100.000 habitants chez les hommes
et de 2,1 cas à 5,7 cas pour 100.000 habitants chez les femmes, sans
que l’on sache les raisons de cette augmentation. Le ministre de la
santé, M. Bernard Kouchner, a donc demandé le lancement d’une enquête
épidémiologique sur les conséquences sanitaires de l’accident de
Tchernobyl (Le Monde, 26 avril
2001).
Sur
place, quinze ans après l’accident, d’importants risques demeurent.
On sait que la centrale a été définitivement fermée le 15 décembre
2000, conformément au Mémorandum
d’entente conclu en 1995, sous la pression des occidentaux et
contre d’importantes compensations financières (Le
Monde, 7 juin 2000, 17-18 septembre 2000, 14 et 16 décembre 2000 ; Keesing’s,
2000, n°12, 43919 ; on trouvera le texte du Mémorandum
d’entente entre les pays du G7
et la Commission des Communautés européennes d’une part, et le gouvernement de l’Ukraine, d’autre part, signé à Ottawa le 20 décembre 1995, sur le site
du Conseil de l’Europe), mais le sarcophage, érigé en urgence
dans des conditions d’une extrême difficulté donne de très
alarmants signes de vétusté. La construction d’un nouveau sarcophage
est donc prévue à partir de 2003, dont le coût est estimé à 760
millions de dollars, et doit donner lieu à un appel d’offres et une
recherche de financement (Le
Monde, 26 avril 2001). Par ailleurs, plusieurs programmes concernant
l’ensemble de l’installation, financés par la BERD et réalisés
par des consortiums internationaux, sont en cours de réalisation :
stockage de combustibles, traitement des effluents liquides, traitement
des déchets solides. Ces programmes ne seront toutefois opérationnels
qu’entre 2002 et 2004 (ibid.).
Il
serait grand temps que les conséquences sanitaires de la catastrophe
soit prises en compte, par tous les Etats concernés, en termes de santé
publique, ce qui est bien loin d’être le cas : on ne peut que frémir
quand on apprend que les autorités du Bélarus, afin de remédier au déficit
d’enseignants et de médecins, ont menacé de ne pas accorder leur
diplôme aux étudiants qui refuseraient d’aller vivre et travailler
pendant « au moins un an dans les zones de Tchernobyl » (Le
Monde, 28 avril 2000). De manière plus générale, le mouvement
d’opposition amorcé par les habitants de Kariwa (Japon), qui ont
rejeté le 27 mai dernier par référendum l’utilisation de mox (mélange
d’uranium et de plutonium recyclés provenant de combustible déjà
utilisé) dans la centrale proche de leur village (Le Monde, 28 mai 2001), est-il destiné à s’étendre ou à
demeurer exception ? La société civile internationale pèsera-t-elle,
en ce domaine, d’un poids plus lourd ? Le peut-elle ? Quand on sait
que le président Poutine vient de mettre en application le projet de
loi qui avait été adopté par le Parlement le 6 mai, autorisant
l’importation et le retraitement en Russie de déchets nucléaires,
ceci en dépit d’un fort mouvement d’opposition populaire intérieur
et des doutes émis par nombre de voix extérieures à la Russie sur la
capacité du pays à traiter sans risques de tels déchets alors
qu’une importante quantité de déchets russes est en attente de
traitement (Le Monde 20 avril et 8 mai 2001 ; Yahoo ! Actualités, 11 juillet 2001), on mesure l’étendue du
chemin qui reste à parcourir…
Note
:
Sur
la fermeture de Tchernobyl, voir le rapport fait le 6 avril 2001 au
Conseil de l’Europe par Lord Ponsonby : Quinze
ans après Tchernobyl : financement d’une solution durable. Rapport
disponible sur le site du Conseil de l'Europe.
Assemblée
mondiale de la santé
1. La
cinquante-quatrième Assemblée
mondiale de la santé s’est tenue à Genève (Suisse) du 14 au 22
mai 2001. L’ordre du jour de l’Assemblée n’est bien entendu pas
immuable : il suit l’évolution des questions sanitaires et tient
compte de leur importance respective au cours de l’année et de l’état
d’avancement des réalisations concrètes. Ainsi n’ont pas été
repris en 2001 l’initiative « Halte à la tuberculose », la salubrité
des aliments, la coopération technique entre pays en développement,
l’alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination, l’éradication
de la poliomyélite et le clonage. Ont par contre été introduits la sécurité
sanitaire mondiale - alerte et action en cas d’épidémie -, la
classification internationale des fonctionnalités, incapacités et états
de santé (CIH-2), les effets sur la santé de l’uranium appauvri.
Sur
le premier point (doc. A54/9, résolution WHA.14), il est apparu que
l’interdépendance et la mobilité du monde actuel font que doivent
absolument être renforcés les mécanismes mis en place par l’Organisation
mondiale de la Santé (O.M.S.), mécanismes destinés à faciliter
la détection rapide des épidémies : réseau de laboratoires et d’épidémiologistes,
tant civils que militaires, chargés d’exercer une surveillance
internationale ; réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémies
; développement de la banque O.M.S. d’informations.
Sur
le deuxième point (doc. A54/18, résolution WHA.21), il a été établi
une nouvelle classification, dénommée Classification internationale du
fonctionnement, du handicap et de la santé (CIH-2) permettant, outre de
déterminer l’espérance de vie et les causes de décès comme d’après
l’ancienne Classification internationale des maladies (CIM), de donner
des indications sur l’état de santé de la population en vie. Ceci
avait été partiellement obtenu en 1980 avec la Classification
internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages
(CIH) et est optimisé avec la nouvelle méthode retenue.
Sur
le troisième point (doc. A54/19), l’O.M.S. rappelle avoir, à la
demande de la Mission des Nations Unies au Kosovo, effectué une enquête
sur place du 22 au 31 janvier 2001 et indique étudier avec l’Agence
internationale de l'Energie atomique (A.I.E.A.) et le Programme
des Nations Unies pour l'environnement (P.N.U.E.) ; la nécessité
de préparer de nouvelles missions (Sur cette question, voir notre
article, cette Revue : « Le
syndrome des Balkans, éléments pour une approche juridique », avril
2001).
2.
Les Tables Rondes, traditionnellement tenues au cours de la réunion de
l’Assemblée mondiale de la santé, avaient pour thème en 2000 « Les
grands enjeux des systèmes de santé ». Elles ont porté en 2001 sur
« La santé mentale » (doc. A54/DIV/4). La Journée mondiale de la
santé avait en effet été consacrée le 7 avril à cette question,
dont beaucoup de pays négligent l’importance et maintiennent les
malades dans une marginalisation - que le rapport n’hésite pas à
qualifier « d’ancestrale » - aux conséquences économiques graves.
Un lien avec les situations sociales défavorables, telles que chômage,
manque d’instruction, discrimination fondée sur le sexe, violation
des droits de la personne et pauvreté, est clairement établi. Les
Tables Rondes concluent que les thérapies et les services existent et
fixent comme objectif à l’O.M.S. de parvenir à ce qu’ils soient
mis en œuvre.
3. Un
Programme général de travail 2002-2005 (doc GPW/2002-2005 et A54/4) a
été adopté. Il est orienté dans trois directions : adoption de
nouvelles méthodes de travail destinées à permettre à l’Organisation
de privilégier les domaines dans lesquels elle dispose d’un net
avantage par rapport aux autres acteurs de la scène nationale et
internationale ; organisation des travaux selon certaines orientations
stratégiques déterminées et indissociables ; définition des
fonctions essentielles de l’Organisation et de priorités communes -
inscrites au budget 2002-2003 et qui seront revues en consultation avec
les Etats membres pour 2004-2005 - qui couvrent les domaines suivants :
maladies infectieuses (paludisme, tuberculose et VIH/SIDA) ; cancer,
maladies cardio-vasculaires et diabète ; tabagisme ; santé maternelle
; salubrité des aliments ; santé mentale ; sécurité transfusionnelle
; systèmes de santé.
4. En
ce qui concerne le VIH/SIDA (doc. A54/15 ; résolution WHA54.10), le
Secrétaire général des Nations Unies a, pour la première fois, pris
la parole devant l’Assemblée mondiale de la santé. Il a annoncé la
création d’un Fonds mondial SIDA et santé, destiné à lutter également
contre d’autres maladies infectieuses, telles la tuberculose et le
paludisme. L’accent a été mis sur l’impérieuse nécessité de
rendre les médicaments accessibles à tous à des prix abordables. En
liaison avec ce point, l’Assemblée a recommandé (doc. A54/17 ; résolution
WHA54.11) un accès équitable aux médicaments à travers un débat sur
les systèmes des brevets et la propriété intellectuelle « dans le
but de promouvoir l’innovation et le développement d’industries
nationales en conformité avec le droit international ».
5. Enfin,
on rappellera que figurait à l’ordre du jour de l’Assemblée 2000
une importante question juridique : celle de la participation de
l’O.M.S. à la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités
entre Etats et organisations internationales ou entre organisations
internationales (résolution WHA53.9). Conformément à la résolution
53/100 de l’Assemblée générale des Nations Unies, l’Assemblée générale
de la santé a autorisé, par cette résolution, le Directeur général
de l’O.M.S. à déposer auprès du Secrétaire général des Nations
Unies un acte de confirmation formelle de la convention de Vienne de
1986. Aucune question d’ordre juridique ne figurait à l’ordre du
jour 2001.
Michèle
Poulain
15
juillet 2001
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