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Actualité du droit international de la santé :

Nucléaire - Assemblée mondiale de la santé

 

par Michèle Poulain (15 juillet 2001)

 

Nucléaire

 

 

Le 1er mars 2001, cinquante-trois personnes déposaient plainte contre X au Tribunal de grande instance de Paris pour « empoisonnement » et « administration de substances nuisibles », estimant que les autorités françaises n’avaient pas pris les mesures nécessaires pour protéger la population des conséquences sanitaires de l’explosion du réacteur de Tchernobyl, le 26 avril 1986. Se sont associées à cette démarche l’Association française des malades de la thyroïde et la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Le Monde, 2 mars 2001). Celle-ci avait déjà, à plusieurs reprises, dressé un bilan négatif de l’action des pouvoirs publics français, tant au moment de la catastrophe, que depuis lors. On peut ainsi lire dans un communiqué publié le 3 novembre 1999 sur le site de la CRIIRAD les accusations suivantes : « défaut d’évaluation des retombées radioactives et de leur impact sur l’environnement et la chaîne alimentaire ; défaut d’information des autorités sanitaires, des pouvoirs publics et des populations ; défaut de protection des groupes critiques et notamment des populations corses ».

 

Les données dont on dispose restent fragmentaires et incertaines. Si une augmentation importante des cancers de la thyroïde chez l’enfant a été relevée en Ukraine, en Biélorussie et en Russie : 1800 cas déclarés entre 1986 et 1998, soit une multiplication par un facteur 10 à 100 (Le Monde, 21-22 mai 2000 et 26 avril 2001), aucune surveillance exhaustive n’est réalisée ni aucun système de veille sanitaire mis en place. On ne dispose par exemple d’aucune donnée concernant les « liquidateurs », ouvriers, pompiers ou militaires ayant travaillé sur le site entre 1986 et 1990, au total plus de 600.000 personnes dont on n’a à l’époque pas mesuré de façon systématique les doses de rayonnement effectivement reçues et qui sont à présent dispersées et pour la plupart perdues de vue (Le Monde, 16 décembre 2000). En France, la CRIIRAD a publié en avril 2001 une carte de la contamination actuelle des zones survolées par le nuage radioactif, montrant une concentration dans l’Est et le Sud-Est du pays ainsi qu’en Corse : un taux de 35.000 becquerels par m² (bq/m²) est ainsi relevé dans le Vercors, allant jusqu’à 50.000 bq/m² dans le Mercantour et en Corse (Le Monde, 25 avril 2001). Par ailleurs, entre 1975 et 1995, l’incidence des cancers de la thyroïde est passée dans la population générale de 0,6 cas à 3,1 cas pour 100.000 habitants chez les hommes et de 2,1 cas à 5,7 cas pour 100.000 habitants chez les femmes, sans que l’on sache les raisons de cette augmentation. Le ministre de la santé, M. Bernard Kouchner, a donc demandé le lancement d’une enquête épidémiologique sur les conséquences sanitaires de l’accident de Tchernobyl (Le Monde, 26 avril 2001).

 

Sur place, quinze ans après l’accident, d’importants risques demeurent. On sait que la centrale a été définitivement fermée le 15 décembre 2000, conformément au Mémorandum d’entente conclu en 1995, sous la pression des occidentaux et contre d’importantes compensations financières (Le Monde, 7 juin 2000, 17-18 septembre 2000, 14 et 16 décembre 2000 ; Keesing’s, 2000, n°12, 43919 ; on trouvera le texte du Mémorandum d’entente entre les pays du G7 et la Commission des Communautés européennes d’une part, et le gouvernement de l’Ukraine, d’autre part, signé à Ottawa le 20 décembre 1995, sur le site du Conseil de l’Europe), mais le sarcophage, érigé en urgence dans des conditions d’une extrême difficulté donne de très alarmants signes de vétusté. La construction d’un nouveau sarcophage est donc prévue à partir de 2003, dont le coût est estimé à 760 millions de dollars, et doit donner lieu à un appel d’offres et une recherche de financement (Le Monde, 26 avril 2001). Par ailleurs, plusieurs programmes concernant l’ensemble de l’installation, financés par la BERD et réalisés par des consortiums internationaux, sont en cours de réalisation : stockage de combustibles, traitement des effluents liquides, traitement des déchets solides. Ces programmes ne seront toutefois opérationnels qu’entre 2002 et 2004 (ibid.).

 

Il serait grand temps que les conséquences sanitaires de la catastrophe soit prises en compte, par tous les Etats concernés, en termes de santé publique, ce qui est bien loin d’être le cas : on ne peut que frémir quand on apprend que les autorités du Bélarus, afin de remédier au déficit d’enseignants et de médecins, ont menacé de ne pas accorder leur diplôme aux étudiants qui refuseraient d’aller vivre et travailler pendant « au moins un an dans les zones de Tchernobyl » (Le Monde, 28 avril 2000). De manière plus générale, le mouvement d’opposition amorcé par les habitants de Kariwa (Japon), qui ont rejeté le 27 mai dernier par référendum l’utilisation de mox (mélange d’uranium et de plutonium recyclés provenant de combustible déjà utilisé) dans la centrale proche de leur village (Le Monde, 28 mai 2001), est-il destiné à s’étendre ou à demeurer exception ? La société civile internationale pèsera-t-elle, en ce domaine, d’un poids plus lourd ? Le peut-elle ? Quand on sait que le président Poutine vient de mettre en application le projet de loi qui avait été adopté par le Parlement le 6 mai, autorisant l’importation et le retraitement en Russie de déchets nucléaires, ceci en dépit d’un fort mouvement d’opposition populaire intérieur et des doutes émis par nombre de voix extérieures à la Russie sur la capacité du pays à traiter sans risques de tels déchets alors qu’une importante quantité de déchets russes est en attente de traitement (Le Monde 20 avril et 8 mai 2001 ; Yahoo ! Actualités, 11 juillet 2001), on mesure l’étendue du chemin qui reste à parcourir…

 

Note :

Sur la fermeture de Tchernobyl, voir le rapport fait le 6 avril 2001 au Conseil de l’Europe par Lord Ponsonby : Quinze ans après Tchernobyl : financement d’une solution durable. Rapport disponible sur le site du Conseil de l'Europe.

 

 

Assemblée mondiale de la santé

 

 

1. La cinquante-quatrième Assemblée mondiale de la santé s’est tenue à Genève (Suisse) du 14 au 22 mai 2001. L’ordre du jour de l’Assemblée n’est bien entendu pas immuable : il suit l’évolution des questions sanitaires et tient compte de leur importance respective au cours de l’année et de l’état d’avancement des réalisations concrètes. Ainsi n’ont pas été repris en 2001 l’initiative « Halte à la tuberculose », la salubrité des aliments, la coopération technique entre pays en développement, l’alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination, l’éradication de la poliomyélite et le clonage. Ont par contre été introduits la sécurité sanitaire mondiale - alerte et action en cas d’épidémie -, la classification internationale des fonctionnalités, incapacités et états de santé (CIH-2), les effets sur la santé de l’uranium appauvri.

 

Sur le premier point (doc. A54/9, résolution WHA.14), il est apparu que l’interdépendance et la mobilité du monde actuel font que doivent absolument être renforcés les mécanismes mis en place par l’Organisation mondiale de la Santé (O.M.S.), mécanismes destinés à faciliter la détection rapide des épidémies : réseau de laboratoires et d’épidémiologistes, tant civils que militaires, chargés d’exercer une surveillance internationale ; réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémies ; développement de la banque O.M.S. d’informations.

Sur le deuxième point (doc. A54/18, résolution WHA.21), il a été établi une nouvelle classification, dénommée Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIH-2) permettant, outre de déterminer l’espérance de vie et les causes de décès comme d’après l’ancienne Classification internationale des maladies (CIM), de donner des indications sur l’état de santé de la population en vie. Ceci avait été partiellement obtenu en 1980 avec la Classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages (CIH) et est optimisé avec la nouvelle méthode retenue.

Sur le troisième point (doc. A54/19), l’O.M.S. rappelle avoir, à la demande de la Mission des Nations Unies au Kosovo, effectué une enquête sur place du 22 au 31 janvier 2001 et indique étudier avec l’Agence internationale de l'Energie atomique (A.I.E.A.) et le Programme des Nations Unies pour l'environnement (P.N.U.E.) ; la nécessité de préparer de nouvelles missions (Sur cette question, voir notre article, cette Revue : « Le syndrome des Balkans, éléments pour une approche juridique », avril 2001).

 

2. Les Tables Rondes, traditionnellement tenues au cours de la réunion de l’Assemblée mondiale de la santé, avaient pour thème en 2000 « Les grands enjeux des systèmes de santé ». Elles ont porté en 2001 sur « La santé mentale » (doc. A54/DIV/4). La Journée mondiale de la santé avait en effet été consacrée le 7 avril à cette question, dont beaucoup de pays négligent l’importance et maintiennent les malades dans une marginalisation - que le rapport n’hésite pas à qualifier « d’ancestrale » - aux conséquences économiques graves. Un lien avec les situations sociales défavorables, telles que chômage, manque d’instruction, discrimination fondée sur le sexe, violation des droits de la personne et pauvreté, est clairement établi. Les Tables Rondes concluent que les thérapies et les services existent et fixent comme objectif à l’O.M.S. de parvenir à ce qu’ils soient mis en œuvre.

 

3. Un Programme général de travail 2002-2005 (doc GPW/2002-2005 et A54/4) a été adopté. Il est orienté dans trois directions : adoption de nouvelles méthodes de travail destinées à permettre à l’Organisation de privilégier les domaines dans lesquels elle dispose d’un net avantage par rapport aux autres acteurs de la scène nationale et internationale ; organisation des travaux selon certaines orientations stratégiques déterminées et indissociables ; définition des fonctions essentielles de l’Organisation et de priorités communes - inscrites au budget 2002-2003 et qui seront revues en consultation avec les Etats membres pour 2004-2005 - qui couvrent les domaines suivants : maladies infectieuses (paludisme, tuberculose et VIH/SIDA) ; cancer, maladies cardio-vasculaires et diabète ; tabagisme ; santé maternelle ; salubrité des aliments ; santé mentale ; sécurité transfusionnelle ; systèmes de santé.

 

4. En ce qui concerne le VIH/SIDA (doc. A54/15 ; résolution WHA54.10), le Secrétaire général des Nations Unies a, pour la première fois, pris la parole devant l’Assemblée mondiale de la santé. Il a annoncé la création d’un Fonds mondial SIDA et santé, destiné à lutter également contre d’autres maladies infectieuses, telles la tuberculose et le paludisme. L’accent a été mis sur l’impérieuse nécessité de rendre les médicaments accessibles à tous à des prix abordables. En liaison avec ce point, l’Assemblée a recommandé (doc. A54/17 ; résolution WHA54.11) un accès équitable aux médicaments à travers un débat sur les systèmes des brevets et la propriété intellectuelle « dans le but de promouvoir l’innovation et le développement d’industries nationales en conformité avec le droit international ».

 

5. Enfin, on rappellera que figurait à l’ordre du jour de l’Assemblée 2000 une importante question juridique : celle de la participation de l’O.M.S. à la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales (résolution WHA53.9). Conformément à la résolution 53/100 de l’Assemblée générale des Nations Unies, l’Assemblée générale de la santé a autorisé, par cette résolution, le Directeur général de l’O.M.S. à déposer auprès du Secrétaire général des Nations Unies un acte de confirmation formelle de la convention de Vienne de 1986. Aucune question d’ordre juridique ne figurait à l’ordre du jour 2001.

 

Michèle Poulain

15 juillet 2001

 

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