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Sécurité alimentaire :

Encéphalopathie spongiforme bovine (E.S.B.)

 

par Michèle Poulain (16 juillet 2001)

 

Après les pays d’Europe, où la France a vu une troisième victime décéder le 24 avril dernier de la forme humaine de l’Encéphalopathie spongiforme bovine (Le Monde, 28 avril 2001) et où le Royaume-Uni a, pour sa part, franchi le cap de cent personnes touchées (Le Monde, 27-28 mai 2001), l’épidémie semble en passe d’atteindre l’Europe centrale (où un premier cas de « vache folle » vient d’être révélé en République tchèque) et le Moyen-Orient, régions dans lesquelles l’importation de farines animales a continué bien après l’apparition de la maladie au Royaume-Uni (Yahoo ! Actualités, 15 juin 2001). C’est donc par la mise en place de mesures drastiques et par celle, plus difficile encore, d’une coopération efficace que la communauté internationale décide progressivement de se protéger d’une extension de l’épidémie animale et de sa propagation à l’homme.

 

 

Interdiction d’utilisation des farines carnées

 

 

Le 24 avril, les ministres de l’agriculture des Quinze ont prorogé de six mois l’interdiction des farines carnées dans l’alimentation des animaux d’élevage. La Commission, recevant le soutien de la Suède, du Danemark et de la Finlande, a préconisé le retour à leur utilisation dans l’alimentation des porcs et des volailles à partir de 2002, arguant de l’impossibilité de leur interdiction permanente, parce que non justifiée, dans le cadre de l’Organisation mondiale du Commerce (Le Monde, 26 avril 2001). A noter que l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) avait au contraire, dans son avis rendu public le 11 avril 2001, préconisé leur interdiction définitive (avis disponible dans la section "Dossiers" du site de l'AFSSA).

Il semblerait cependant que des infractions isolées n’aient pu être évitées : ainsi le directeur d’une société française - qui fournissait plusieurs des élevages français où des cas d’E.S.B. ont été diagnostiqués - a été mis en examen le 25 avril, soupçonné de recycler et commercialiser via la Belgique les matières premières animales interdites. Il est poursuivi pour « tromperie simple » pour des faits commis avant juillet 1996 - date de l’interdiction des farines pour tous les animaux du fait de contaminations croisées - et « tromperie aggravée » pour des faits commis depuis lors (Le Monde, 26 et 27 avril 2001) ; par ailleurs des graisses, normalement issues des tissus adipeux en principe exempts de prions, ont été parfois remplacées, dans les substituts au lait maternel destinés aux veaux, par des graisses de cuisson, moins coûteuses, mais provenant des os, notamment des vertèbres, tissus à risque car susceptibles de comporter des résidus de moelle épinière (Le Monde, 18 avril 2001).

 

 

Dépistage

 

 

Le 22 mai, la Commission européenne s’est opposée à la mesure que la France avait préconisé de prendre au niveau communautaire, étendant aux animaux de plus de 24 mois le dépistage systématique réalisé sur les animaux de plus de 30 mois. Elle a adopté un compromis en réservant cette action aux seuls animaux dits à risque qui, de toutes façons, se trouvent exclus de la chaîne alimentaire parce qu’ils ont été trouvés morts ou ont succombé à un accident (Le Monde, 21 avril et 24 mai 2001). La France a mis en œuvre ce programme à dater du 1er juillet, ce qui ne renforcera donc pas la sécurité, puisque la mesure concerne des animaux hors chaîne alimentaire, mais servira à mesurer la prévalence de la maladie (Yahoo ! Actualités, 13 juillet 2001).

Le 29 mai ont été rendus publics en France les résultats des premiers dépistages systématiques sur animaux de plus de 30 mois : entre le 1er janvier et le 20 mai, 718.246 tests ont été effectués. Vingt-quatre animaux « porteurs sains », c’est à dire sans aucun signe de la maladie et destinés à la consommation, ont ainsi pu être détectés (Le Monde, 30 mai 2001).

 

 

Coopération internationale

 

 

Le 8 novembre 2000, la Commission rendait publique une proposition concernant la sécurité alimentaire et la création d’une Autorité alimentaire européenne (A.A.E.), organisme indépendant devant être « le principal instrument de la réalisation des objectifs de la nouvelle législation alimentaire ». D’après ce projet, l’Autorité doit remplir six grandes fonctions : fournir des avis scientifiques indépendants ; conseiller sur des questions techniques ; recueillir et analyser des données en matière de sécurité alimentaire ; identifier les risques émergents ; assurer le fonctionnement d’un système d’alerte rapide ; informer l’opinion publique. Elle fonctionne par la voie d’un Conseil d’administration, d’un forum consultatif composé de représentants des agences alimentaires nationales et de groupes d’experts scientifiques. On trouvera le texte du projet sur le site Europa.

 

Le 28 juin 2001, le Conseil des ministres a donné son accord sur cette proposition de la Commission en apportant toutefois des modifications à la composition du Conseil d’administration et à la procédure de nomination de ses membres. Au début du deuxième semestre 2001, le Conseil devrait adopter une position commune et le Parlement voir le texte en deuxième lecture afin qu’il puisse être définitivement adopté et l’Agence être en état de fonctionner à la fin de l’année (voir communiqué de presse du 28 juin 2001).

 

Bien plus, c’est maintenant sur une base élargie que devrait être gérée la crise : du 11 au 14 juin derniers s’est tenue à Paris une conférence internationale organisée conjointement par l’Organisation mondiale de la Santé (O.M.S.), l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (F.A.O.) et l’Office international des Épizooties (O.I.E.). Constatant que « du matériel potentiellement contaminé par l’E.S.B. ayant été distribué dans le monde entier par le commerce de bovins vivants, ainsi que de produits et sous-produits d’origine bovine », les participants ont adopté une série de recommandations élargissant à l’échelle mondiale les mesures adoptées au niveau européen, en particulier en ce qui concerne l’interdiction effective de l’utilisation des farines animales dans l’alimentation des ruminants et la mise en place d’une surveillance et de tests de dépistage (O.M.S., Communiqué de presse n° 2001/28, 14 juin 2001).

 

Notes :

Voir un rappel des mesures adoptées depuis 1988 dans Le Monde, 17 mai 2001.

Voir le rapport de la Commission d’enquête sénatoriale publié le 17 mai 2001 sur « Les conditions d’utilisation des farines animales dans l’alimentation des animaux d’élevage et les conséquences qui en résultent pour la santé des consommateurs », qui critique sévèrement l’inertie et les défaillances tant des autorités britanniques et françaises que des institutions européennes. Le rapport est disponible sur le site du Sénat.

 

Michèle Poulain

16 juillet 2001

 

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