Après
les pays d’Europe, où la France a vu une troisième victime décéder
le 24 avril dernier de la forme humaine de l’Encéphalopathie
spongiforme bovine (Le Monde,
28 avril 2001) et où le Royaume-Uni a, pour sa part, franchi le cap de
cent personnes touchées (Le
Monde, 27-28 mai 2001), l’épidémie semble en passe d’atteindre
l’Europe centrale (où un premier cas de « vache folle » vient d’être
révélé en République tchèque) et le Moyen-Orient, régions dans
lesquelles l’importation de farines animales a continué bien après
l’apparition de la maladie au Royaume-Uni (Yahoo
! Actualités, 15 juin 2001). C’est donc par la mise en place de
mesures drastiques et par celle, plus difficile encore, d’une coopération
efficace que la communauté internationale décide progressivement de se
protéger d’une extension de l’épidémie animale et de sa
propagation à l’homme.
Interdiction
d’utilisation des farines carnées
Le
24 avril, les ministres de l’agriculture des Quinze ont prorogé de
six mois l’interdiction des farines carnées dans l’alimentation des
animaux d’élevage. La Commission, recevant le soutien de la Suède,
du Danemark et de la Finlande, a préconisé le retour à leur
utilisation dans l’alimentation des porcs et des volailles à partir
de 2002, arguant de l’impossibilité de leur interdiction permanente,
parce que non justifiée, dans le cadre de l’Organisation
mondiale du Commerce (Le
Monde, 26 avril 2001). A noter que l’Agence
française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) avait au
contraire, dans son avis rendu public le 11 avril 2001, préconisé leur
interdiction définitive (avis disponible dans la section
"Dossiers" du site de l'AFSSA).
Il
semblerait cependant que des infractions isolées n’aient pu être évitées
: ainsi le directeur d’une société française - qui fournissait
plusieurs des élevages français où des cas d’E.S.B. ont été
diagnostiqués - a été mis en examen le 25 avril, soupçonné de
recycler et commercialiser via la
Belgique les matières premières animales interdites. Il est poursuivi
pour « tromperie simple » pour des faits commis avant juillet 1996 -
date de l’interdiction des farines pour tous les animaux du fait de
contaminations croisées - et « tromperie aggravée » pour des faits
commis depuis lors (Le Monde, 26 et 27 avril 2001) ; par ailleurs des graisses,
normalement issues des tissus adipeux en principe exempts de prions, ont
été parfois remplacées, dans les substituts au lait maternel destinés
aux veaux, par des graisses de cuisson, moins coûteuses, mais provenant
des os, notamment des vertèbres, tissus à risque car susceptibles de
comporter des résidus de moelle épinière (Le
Monde, 18 avril 2001).
Dépistage
Le
22 mai, la Commission européenne s’est opposée à la mesure que la
France avait préconisé de prendre au niveau communautaire, étendant
aux animaux de plus de 24 mois le dépistage systématique réalisé sur
les animaux de plus de 30 mois. Elle a adopté un compromis en réservant
cette action aux seuls animaux dits à risque qui, de toutes façons, se
trouvent exclus de la chaîne alimentaire parce qu’ils ont été trouvés
morts ou ont succombé à un accident (Le Monde, 21 avril et 24 mai 2001). La France a mis en œuvre ce
programme à dater du 1er juillet, ce qui ne renforcera donc pas la sécurité,
puisque la mesure concerne des animaux hors chaîne alimentaire, mais
servira à mesurer la prévalence de la maladie (Yahoo
! Actualités, 13 juillet 2001).
Le
29 mai ont été rendus publics en France les résultats des premiers dépistages
systématiques sur animaux de plus de 30 mois : entre le 1er janvier et
le 20 mai, 718.246 tests ont été effectués. Vingt-quatre animaux «
porteurs sains », c’est à dire sans aucun signe de la maladie et
destinés à la consommation, ont ainsi pu être détectés (Le
Monde, 30 mai 2001).
Coopération
internationale
Le
8 novembre 2000, la Commission rendait publique une proposition
concernant la sécurité alimentaire et la création d’une Autorité
alimentaire européenne (A.A.E.), organisme indépendant devant être «
le principal instrument de la réalisation des objectifs de la nouvelle
législation alimentaire ». D’après ce projet, l’Autorité doit
remplir six grandes fonctions : fournir des avis scientifiques indépendants
; conseiller sur des questions techniques ; recueillir et analyser des
données en matière de sécurité alimentaire ; identifier les risques
émergents ; assurer le fonctionnement d’un système d’alerte rapide
; informer l’opinion publique. Elle fonctionne par la voie d’un
Conseil d’administration, d’un forum consultatif composé de représentants
des agences alimentaires nationales et de groupes d’experts
scientifiques. On trouvera le texte
du projet sur le site Europa.
Le
28 juin 2001, le Conseil des ministres a donné son accord sur cette
proposition de la Commission en apportant toutefois des modifications à
la composition du Conseil d’administration et à la procédure de
nomination de ses membres. Au début du deuxième semestre 2001, le
Conseil devrait adopter une position commune et le Parlement voir le
texte en deuxième lecture afin qu’il puisse être définitivement
adopté et l’Agence être en état de fonctionner à la fin de l’année
(voir communiqué
de presse du 28 juin 2001).
Bien
plus, c’est maintenant sur une base élargie que devrait être gérée
la crise : du 11 au 14 juin derniers s’est tenue à Paris une conférence
internationale organisée conjointement par l’Organisation
mondiale de la Santé (O.M.S.), l'Organisation
des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (F.A.O.) et
l’Office international
des Épizooties (O.I.E.). Constatant que « du matériel
potentiellement contaminé par l’E.S.B. ayant été distribué dans le
monde entier par le commerce de bovins vivants, ainsi que de produits et
sous-produits d’origine bovine », les participants ont adopté une série
de recommandations élargissant à l’échelle mondiale les mesures
adoptées au niveau européen, en particulier en ce qui concerne
l’interdiction effective de l’utilisation des farines animales dans
l’alimentation des ruminants et la mise en place d’une surveillance
et de tests de dépistage (O.M.S., Communiqué
de presse n° 2001/28, 14 juin 2001).
Notes
:
Voir
un rappel des mesures adoptées depuis 1988 dans Le
Monde, 17 mai 2001.
Voir
le rapport de la Commission d’enquête sénatoriale publié le 17 mai
2001 sur « Les conditions d’utilisation des farines animales dans
l’alimentation des animaux d’élevage et les conséquences qui en résultent
pour la santé des consommateurs », qui critique sévèrement
l’inertie et les défaillances tant des autorités britanniques et
françaises que des institutions européennes. Le rapport
est disponible sur le site du Sénat.
Michèle
Poulain
16
juillet 2001
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