TRIBUNAL
INTERNATIONAL DU DROIT DE LA MER
2ème semestre 2001
par
Amélie
Fondimare
Doctorante
à l'Université Paris I - Panthéon-Sorbonne
Note : Les
documents concernant le Tribunal international du droit de la mer sont
disponibles à l'adresse Internet suivante :
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Le 3 juillet 2001, le Tribunal
international du droit de la mer (TIDM) a été saisi d’une demande au titre de
l’article 292 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, pour la
prompte mainlevée de l’immobilisation du navire Chaisiri Reefer 2, battant
pavillon du Panama, et de la prompte libération de son équipage. Cette affaire
ne sera pas évoquée dans cette chronique dans la mesure où à la suite d’un
accord conclu entre Panama et le Yémen, l’affaire a été rayée du rôle du
Tribunal le 13 juillet 2001.
Affaire de l’usine MOX (Irlande c. Royaume-Uni), mesures conservatoires
Pour la deuxième fois depuis
sa mise en place,
le Tribunal international du droit de la mer (ci-après « le Tribunal ») a eu à
se prononcer sur une demande en prescription de mesures conservatoires fondée
sur l’article 290 paragraphe 5 de la Convention des Nations Unis sur le droit de
la mer (ci-après « la Convention »).
Le différend concerne
l’autorisation accordée le 3 octobre 2001 par le Royaume-Uni pour l’ouverture
d’une nouvelle installation MOX à Sellafield. Cette installation a pour but de
produire un nouveau combustible d'oxydes mixtes - ou MOX - à partir de
combustible nucléaire retraité. Le Gouvernement irlandais,
préoccupé par le fait que la mise en service de l’usine va contribuer à polluer
davantage la mer d’Irlande, et compte tenu des risques potentiels que comporte
le transport de matières radioactives à destination et en provenance de l’usine,
a introduit le 25 octobre 2001 une procédure d’arbitrage contre le Royaume-Uni,
en vertu de l’article 287 de la Convention.
L’Irlande avait fait savoir
que si, dans un délai de 14 jours à dater de l’introduction de la procédure
d’arbitrage, le Royaume-Uni n’avait pas pris les mesures demandées par
l’Irlande, à savoir, suspendre l’autorisation accordée à l’usine MOX et arrêter
les transferts internationaux de matières radioactives liés à l’activité de
l’usine, elle soumettrait une demande en prescription de mesures conservatoires
au Tribunal international du droit de la mer.
Le Royaume-Uni n’ayant pas
pris les mesures demandées, l’Irlande a soumis le 9 novembre 2001 au Tribunal
international du droit de la mer une demande en prescription de mesures
conservatoires au titre de l’article 290 paragraphe 5
de la Convention, en attendant la constitution d’un tribunal arbitral
conformément à l’annexe VII de la Convention.
Aux termes de l’article 290
paragraphe 5 de la Convention, le Tribunal international du droit de la mer peut
prescrire, modifier ou rapporter des mesures conservatoires s’il considère,
prima facie, que le tribunal arbitral devant être constitué aurait
compétence et s’il estime que l’urgence de la situation l’exige.
Compétence
prima facie du tribunal
arbitral :
Conformément à l’article 290
paragraphe 5 de la Convention, le Tribunal s’est tout d’abord assuré que le
tribunal arbitral prévu à l’annexe VII avait compétence prima facie.
Tout comme dans l’affaire du
thon à nageoire bleue, le Tribunal s’est trouvé en l’espèce confronté à
une situation de concurrence des procédures de règlement des différends.
En effet, alors que l’Irlande
affirmait que le différend qui l’opposait au Royaume-Uni était relatif à
l’interprétation et à l’application de certaines dispositions de la Convention
et invoquait l’article 288 paragraphe 1 comme fondement de la compétence du
tribunal arbitral, le Royaume-Uni - quant à lui - avançait l’argument fondé sur
l’article 282 de la Convention, suivant lequel le tribunal arbitral prévu à
l’annexe VII n’aurait pas compétence, étant donné que les principaux éléments
qui font l’objet du différend sont régis par des accords régionaux (Convention
OSPAR, Traité CE et Traité Euratom) qui prévoient des procédures obligatoires de
règlement des différends.
Le Tribunal international du
droit de la mer n’a pas suivi cette argumentation. Il dit en effet que l’article
282 de la Convention « traite uniquement des accords généraux, régionaux ou
bilatéraux qui contiennent des dispositions portant sur le règlement des
différends relatifs à ce que la Convention mentionne comme "l’interprétation ou
l’application de la Convention" »,
et précise qu’en l’espèce « les procédures de règlement des différends prévues
dans la Convention OSPAR, le Traité CE et le Traité Euratom traitent de
différends relatifs à l’interprétation ou à l’application des accords en
question, et non des différends relevant de la Convention ».
Le Tribunal en a conclu que
le différend soumis au tribunal prévu à l’annexe VII étant relatif à
l’interprétation ou à l’application de la Convention et non à celles d’un autre
accord, celui-ci avait prima facie compétence.
Le Royaume-Uni soutenait
également que les conditions prescrites à l’article 283 de la Convention
n’étaient pas satisfaites puisqu’aucun échange de vues n’avait eu lieu entre les
parties avant la soumission de l’affaire au Tribunal. En réponse à cet argument,
le Tribunal a estimé qu’« un Etat Partie n’avait pas obligation de poursuivre un
échange de vues, lorsqu’il arrive à la conclusion que les possibilités de
parvenir à un accord sont épuisées ».
Urgence de la
situation :
Le Tribunal s’est par la
suite prononcé sur le point de savoir si des mesures conservatoires étaient
requises en attendant la constitution du tribunal arbitral prévu à l’annexe VII.
Prenant acte des assurances
fournies par le Royaume-Uni,
suivant lesquelles il n’y aurait pas de transports additionnels par mer de
matières radioactives, que ce soit à destination ou en provenance de Sellafield,
qui résulteraient de la mise en service de l’usine MOX, d’ici l’été 2002 ; le
Tribunal a jugé que l’urgence de la situation n’exigeait pas la prescription des
mesures conservatoires sollicitées par l’Irlande,
pour la courte période qui précéderait la constitution du tribunal arbitral
prévu à l’annexe VII.
Toutefois, le Tribunal a
estimé que l’obligation de coopérer constituait, en vertu de la partie XII de la
Convention et du droit international général, un principe fondamental en matière
de prévention de la pollution du milieu marin et qu’il découlait de cette
obligation des droits que le Tribunal peut juger appropriés de préserver en
vertu de l’article 290 de la Convention.
Considérant que, conformément à
l’article 89 paragraphe 5 du Règlement, il peut prescrire des mesures totalement
ou partiellement différentes de celles qui sont sollicités, le Tribunal a estimé
que la prudence et la précaution exigeaient que l’Irlande et le Royaume-Uni
coopèrent en échangeant des informations relatives aux risques ou effets qui
pourraient découler des opérations de l’usine MOX, et élaborent les moyens pour
faire face, le cas échéant, à de tels risques ou effets.
En outre, conformément à
l’article 95 paragraphe 1 du Règlement, l’Irlande et le Royaume-Uni doivent
chacun en ce qui le concerne, présenter le rapport initial visé à l’article 95
paragraphe 1 du Règlement, au plus tard le 17 décembre 2001.
Amélie
Fondimare
31 janvier 2002
Article 290, paragraphe 5 : « En attendant la constitution d'un tribunal
arbitral saisi d'un différend en vertu de la présente section, toute cour ou
tout tribunal désigné d'un commun accord par les parties ou, à défaut
d'accord dans un délai de deux semaines à compter de la date de la demande
de mesures conservatoire, le Tribunal international du droit de la mer ou,
dans le cas d'activités menées dans la Zone, la Chambre pour le règlement
des différends relatifs aux fonds marins, peut prescrire, modifier ou
rapporter des mesures conservatoires conformément au présent article s'il
considère, prima facie, que le tribunal devant être constitué aurait
compétence et s'il estime que l'urgence de la situation l'exige. Une fois
constitué, le tribunal saisi du différend, agissant conformément aux
paragraphes 1 à 4, peut modifier, rapporter ou confirmer ces mesures
conservatoires ».
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