«Kabila
(L.-D.) est mort, vive Kabila (J.) !», ainsi pourrions-nous résumer
les événements récents en République
démocratique du Congo (R.D.C.). Ce
qui ne manque pas de surprendre au regard du discours politique
international ambiant. Celui-ci porte plutôt sur la démocratisation
notamment la désignation populaire des dirigeants nationaux, mais la
R.D.C. nous donne l'impression, avec cette succession familiale, d'un
retour aux années 1960 à 1980. Cependant ce changement à la tête du
pouvoir congolais implique des changements non négligeables, avec des
coïncidences qu'il nous a paru nécessaire de souligner pour mieux appréhender
lesdits événements.
En effet, lorsque Kabila père est assassiné par un de ses gardes le 16
janvier 2001, une lettre de la R.D.C. portant désistement dans les
affaires jointes devant la C.I.J. contre le Burundi et le Rwanda, qui
soutiennent les rebelles dans le conflit congolais, avait déjà été
adressée à la Cour, datant du 15 janvier 2001. Mais l'acceptation du désistement
de ces deux parties n'intervient qu'après la mort de Kabila père,
respectivement les 19 et 22 janvier 2001. Difficile donc d'affirmer que
c'est le changement à la tête du pouvoir qui a entraîné le
revirement dans la procédure, même si dans sa lettre de désistement,
la R.D.C. se réserve le droit de soulever ultérieurement d'autres
chefs d'accusation.
Mais plus significatif est l'acceptation quasi spontanée par la
communauté internationale de cette succession qu'on aurait imaginée
impossible en ce début de XXIème siècle : le ministre des affaires étrangères
belge était déjà à Kinshasa en janvier pour les obsèques. Dès sa
première sortie, le nouveau président, Kabila fils, est reçu en chef
d'Etat à Paris par Jacques Chirac, puis à Washington par l'autre
nouveau président Bush fils. Ici et là, des déclarations ont été
faites faisant état d'un soutien implicite.
Mieux,
Kabila fils a été reçu aux Nations Unies et a rencontré les membres
du Conseil de sécurité, le 2 février 2001. Là, il a dit son souhait
d'une mise en ouvre rapide de l'Accord de Lusaka (10 juillet 1999),
bafoué depuis toujours par tous les belligérants, dont Kabila père.
Il a aussi rappelé la nécessité d'un dialogue intercongolais qu'il
s'engage à entreprendre incessamment. Il a enfin insisté sur l'urgence
du déploiement de la MONUC, contrairement à Kabila père qui changeait
souvent d'avis sur la question.
On a ainsi l'impression que la mort de Kabila père est un catalyseur
dans la résolution de la crise, ce qui nous ramène aux causes de son
assassinat ? Quelles peuvent être les raisons y ayant conduit le garde
qui a d'ailleurs été tué sur le coup par d'autres de ses collègues,
prenant ainsi la défense du président mortellement atteint ? Certains
ont émis l'hypothèse d'un règlement de compte lié au trafic, la
vengeance de André Kisase Ngandu (président du CNRD, seul mouvement
armé opposé à Mobutu avant l'AFDL de feu Kabila, que ce dernier
aurait fait assassiné), la vengeance d'officiers évincés ou sur le
point de
l'être dans la hiérarchie militaire. La situation reste très floue,
et l'avenir incertain en raison d'abord de la poursuite des combats même
s'ils se sont atténués, ensuite de la persistance de l'occupation
aussi bien par des forces pro-rebelles que par celles venues soutenir le
gouvernement de Kinshasa, et enfin du maintien de la plainte contre
l'Ouganda devant la C.I.J. pour acte d'agression.
Les bonnes dispositions de la communauté internationale, notamment du
Conseil de sécurité, pour mettre en ouvre les accords de Lusaka et
Harare (réunion du Conseil le 21 février 2001 sur la question), et de
certains belligérants comme le Rwanda qui retire une partie de ses
troupes, semblent annoncer des lendemains meilleurs. Comme diraient les
anglo-saxons : wait and see !
Quelques références :
- Cour international
de Justice, Communiqué 99/34 du 23 juin 1999 (saisine de la Cour par la RDC
contre le Burundi, l'Ouganda et le Rwanda pour acte d'agression),
Ordonnances du 30 janvier 2001 (les affaires portées devant la Cour
contre le Burundi et le Rwanda sont rayées du rôle de la Cour - voir Communiqué
de presse 2001/02 du 1er février 2001).
- Conseil de sécurité des Nations
Unies, Communiqué de Presse
CS/2104 du 2 février
2001 portant sur le débat au sein du Conseil lors de la visite de
Joseph Kabila aux Nations Unies.
- Différents articles de quotidien notamment Le Monde avec l'article de
Stephen Smith du 17 janvier 2001 "Laurent-Désiré Kabila a été
assassiné". Voir sur le site Internet des différents journaux : Le
Monde - Libération.
Roland
Adjovi
22
février 2001
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