En
septembre 1999, à l'initiative du dirigeant libyen, un sommet
extraordinaire des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Organisation de
l'Unité Africaine, Organisation continentale, s'est réuni à Syrte
pour étudier le projet libyen en vue de la création d'une fédération
d'Etats africains. Ce projet est à l'origine de l'Acte constitutif de
l'Union africaine ou Traité de Lomé parce qu'il a été adopté lors
du sommet de Lomé en juillet 2000. L'actualité de cette évolution des
relations internationales africaines, le Traité étant entré en
vigueur le 26 mai dernier, nous amène à nous poser deux questions. La
première a trait à la nature de la nouvelle institution ; la
seconde aux difficultés juridiques résultant de cette entrée en
vigueur, en rapport avec l'O.U.A. essentiellement.
1-.
La nature de l'Union Africaine née du Traité de Lomé
Contrairement
au projet libyen, il ne s'agit point des Etats-Unis d'Afrique, la fédération
dont avait déjà rêvé Kwame N'Krumah en 1963 lors de la réunion
d’Addis-Abeba et que la majorité des Etats réunis à ce sommet avait
rejeté pour créer l'O.U.A.
L’Union
Africaine qui est née avec le Traité de Lomé, consacre la persistance
d’une organisation internationale en raison de sa composition et des
termes de son acte constitutif.
En
effet l’Union est composée d’Etats membres qui sont représentés
par les Chefs d’Etat et de Gouvernement, lesquels composent le
principal organe de la nouvelle organisation (la Conférence de l’Union,
article 6). Or les Etats fédérés ne disposent pas de telles
institutions, s’agissant du Chef de l’Etat, n’ayant pas de
souveraineté internationale.
De
plus l’Acte constitutif stipule parmi les objectifs de l’Union, la défense
de la souveraineté de ses membres, la défense de leur intégrité
territoriale et de leur indépendance (article 3). De telles
dispositions ne laissent subsister aucun doute. L’Union Africaine est
bel et bien une organisation internationale à vocation continentale,
mais seulement à vocation continentale. Et c’est bien là que se
posent les problèmes de ses rapports avec l’Organisation continentale
actuelle, l’O.U.A.
2-.
Des problèmes juridiques résultant de l’entrée en vigueur du Traité
de Lomé
Le
Traité de Lomé a été adopté par la Conférence des Chefs d’Etat
et de Gouvernement, organe décisionnel de l’O.U.A. Ce sont donc les
cinquante-trois (53) Etats membres de l’Organisation continentale qui
ont mis en place la nouvelle institution, l’objectif étant d’accélérer
le processus d’intégration et de mieux faire face aux défis que
connaît le continent. Toutefois tous les Etats, individuellement
n’ont pas signé le Traité de Lomé.
L’article
33 alinéa 1 de l’Acte constitutif dispose que « le présent
Acte remplace la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine » :
autrement dit l’Union Africaine succède à l’O.U.A., avec une période
transitoire qui ne peut excéder un an, nous dit le même article. L’Acte
constitutif étant entré en vigueur le 26 mai 2001, l’O.U.A. doit
expirer au plus tard le 25 mai 2002.
Or
tous les Etats africains n’ont pas ratifié le Traité de Lomé,
l’entrée en vigueur étant intervenue « trente (30) jours après
le dépôt des instruments de la ratification par les deux tiers des
Etats membres de l’OUA » (article 28). Ainsi une organisation
simplement régionale succède à une organisation continentale, ce qui
ne sera pas sans poser quelques difficultés juridiques.
En
effet l’O.U.A. va-t-elle vraiment disparaître ? Car comment
expliquer que la volonté des Etats qui ont ratifié le Traité de Lomé
puisse mettre fin aux obligations qui les lient en vertu de la Charte
d’Addis-Abeba à des Etats qui, eux, n’ont pas ratifié le Traité
de Lomé : c’est le problème de l’effet relatif des traités.
Il peut, cependant, être valablement soutenu que l’Acte constitutif
ayant été adopté au sein de la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement (Décision AHG/Dec.143 (XXXVI) dont les décisions
s’imposent théoriquement aux Etats membres, tous les Etats parties à
la Charte d’Addis-Abeba auraient ainsi donné leur consentement à
l’extinction de leurs obligations en vertu de cette Charte. De plus
cette procédure respecte les conditions de forme posées par la Charte
de l’O.U.A. dans son Article XXXII relatif à l’amendement ou à la
révision.
Se
posent aussi nombre de problèmes de succession d’organisations
internationales plus généralement, comme celui des arriérés dus par
certains Etats membres.
Autre
problème qui se pose, c’est celui du Sahara Occidental. Il faut
rappeler que c’est sa reconnaissance par la majorité des Etats
africains qui a permis son adhésion à l’O.U.A. et le retrait du
Maroc, par la même occasion. Entre-temps, certains Etats africains sont
revenus sur leur reconnaissance de la République Arabe Sahraouie Démocratique
(R.A.S.D.). Or, la R.A.S.D. a évidemment et dans son intérêt, signé
et ratifié l’Acte constitutif de l’Union Africaine (la R.A.S.D. a
signé l’Acte constitutif le 12 juillet 2000, ratifié le 27 décembre
2000 et déposé les instruments de ratification le 2 janvier 2001).
Elle continue donc à exister en tant qu’Etat dans le paysage africain
notamment, alors même que les dernières propositions au sein des
Nations Unies tendent à l’instauration d’une large autonomie au
sein du Royaume Chérifien, sans souveraineté internationale.
En
somme l’Union Africaine constitue une évolution par rapport à l’O.U.A.,
en permettant une meilleure intégration qui demeure inscrite dans une
coopération interétatique ; mais sa naissance soulève des
difficultés juridiques qui devraient éveiller la curiosité des
internationalistes. Et le prochain Sommet ordinaire de l’O.U.A. en
juillet 2001 à Harare, qui sera le dernier, devrait prendre d’autres
dispositions transitoires conformément à la Décision du second Sommet
extraordinaire de Syrte (alinéa 4 de la Décision EAHG/Dec.1 (V) de
mars 2001), lesquelles devront tenter de résoudre certaines des
difficultés de la succession.
Sources
:
Centre
de documentation de l’O.U.A. où sont publiés l’Acte
constitutif de l’Union Africaine ainsi que les différentes résolutions
du Sommet de Lomé en juillet 2000, et quelques autres documents récents.
A
lire ailleurs sur Internet :
-
Pour une présentation journalistique de l’Union Africaine, lire Sidy
GAYE, « Après la naissance de l’Union, ce qui change et comment »,
Agence Panafricaine de Presse, Dakar 20 avril 2001.
-
Pour une analyse récente et en ligne de l’action de l’O.U.A., lire Albert
BOURGI, « Voyage à l’intérieur de l’OUA : de la
mystique de l’unité africaine à l’outil diplomatique, un réalisme
plus fécond », Centre d’Etude Rémois des Relations
Internationales, Université de Reims, 2000.
Roland
Adjovi
30 juin
2001
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