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Sierra Leone :

La Sierra Leone, entre trafic de diamants, opération de paix et justice pénale internationale.

 

par Ana Peyro Llopis (31 janvier  2002)

Allocataire de recherche à l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne

Rectificatif : Quelques coquilles relatives à certaines dates s'étaient malencontreusement glissées dans cette chronique (§§ 1 et 4). Elles ont été rectifiées le 12 février 2002. Veuillez nous en excuser. L'accord est bien daté du 16 janvier 2002 (et non du 16 janvier 2001 ou du 16 juin 2002 comme nous avions pu l'écrire).

 

Le 16 janvier 2002, un accord a été passé entre les Nations Unies et le gouvernement sierra-léonais. L’accord vise la création d’un tribunal pénal international ad hoc pour juger les responsables des crimes commis en Sierra Leone (TPISL). L’idée de créer un tribunal pénal pour la Sierra Leone est née en août 2000 (résolution 1315 (2000) du Conseil de sécurité).

 

Ce tribunal, comparé à ses prédécesseurs, présentera certaines spécificités, notamment quant à sa compétence ratione materiae. En effet, il sera compétent non seulement pour connaître des crimes de guerre et autres violations graves du droit international humanitaire et des crimes contre l’humanité, mais aussi pour connaître des « crimes au regard des règles pertinentes du droit sierra-léonais commis sur le territoire de la Sierra Leone », tel que l’établissait déjà la résolution 1315 du 14 août 2000[1].

 

Pour ce qui est de la compétence ratione temporis, la résolution 1315 (2000) ne se prononce pas. Après d’âpres discussions, l’accord du 16 janvier 2002 a fixé le 30 novembre 1996, date de l’accord de paix d’Abidjan entre le gouvernement de la Sierra Leone et le Front révolutionnaire unifié de Sierra Leone (RUF), comme « date de départ » de la compétence du tribunal. D’une part, l’accord d’Abidjan a toujours été considéré par les Nations Unies comme un cadre de paix viable. D’autre part, l’actuel président Kabbah, qui l’était aussi le 30 novembre 1996, a été postérieurement renversé par une coalition réunissant un secteur de l’armée sierra-léonaise et le RUF. Les crimes commis à la suite du coup d’Etat contre Kabbah du 25 mai 1997 pourront donc être poursuivis. Mais le début du conflit sierra-léonais remonte à mars 1991, lorsque le RUF entreprend une offensive contre le gouvernement de Joseph Momoh : les crimes commis entre 1991 et 1996 demeureront impunis.

 

Quant à la compétence rationae personae, l’un des points qui a été réglé par l’accord du 16 janvier 2002 a trait à l’âge minimum des inculpés, fixé à 15 ans. Dans tous les cas, le Tribunal ne devrait juger, comme ses deux prédécesseurs, que « ceux qui portent la responsabilité la plus lourde des crimes visés »[2], ce qui a priori, exclurait les enfants-soldats.

 

Avec la négociation de la mise en place d’un tribunal pénal, les Nations Unies agissent désormais à trois niveaux en Sierra Leone : justice pénale internationale, opération de paix et lutte contre le trafic de diamants.

 

L’opération de paix des Nations Unies qui compte actuellement le plus d’effectifs est la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL). Elle s’occupe désormais de « tâches relatives aux élections »[3] prévues pour mai 2002. En effet, les activités relatives au désarmement des différentes factions en conflit, rebelles et gouvernementales, a officiellement pris fin le 12 janvier 2002 et la fin de la guerre a été proclamée par le Président Kabbah le 18 janvier suivant.

 

Enfin, depuis l’adoption de la résolution 1306 (2000), le 5 juillet 2000, les Nations Unies se sont engagées dans la lutte contre le trafic de diamants. Ainsi, le 19 décembre 2001, dans sa résolution 1385 (2001), le Conseil de sécurité proroge encore l’interdiction d’importation de diamants bruts en provenance de Sierra Leone, prévue au § 1 de la résolution 1306 (2000).

 

Pourquoi tellement d’intérêt de la part des Nations Unies pour un petit Etat pourtant longtemps oublié ? La nature et la magnitude des crimes commis en est sans doute une cause. Le besoin de contrôler cette « poudrière ouest-africaine » en est probablement une autre. Mais il ne faut pas oublier la crise de crédibilité des Nations Unies après la prise en otage de près de cinq cent casques bleus en Sierra Leone en mai 2001. D’autant plus que les négociateurs onusiens ont bien précisé dans l’accord que le tribunal pourrait « juger les auteurs d'attaques contre les personnels humanitaires ou onusiens »[4].

 

Quoiqu'il en soit, le tribunal n’a toujours pas vu le jour et certaines questions délicates restent pendantes. Le RUF, qui n’est pas partie à l’accord du 16 janvier, demande la libération de son chef historique, Foday Sankoh, et menace de reprendre les hostilités si celui-ci venait à être jugé. Nous ne parlerons pas des problèmes que suscite son financement.

 

 

Ana Peyro Llopis

31 janvier 2002


 


[1] S/RES/1315 (2000), du 14 août 2000, § 2.

[2] S/RES/1315 (2000), du 14 août 2000, § 3.

[3] S/RES/1389 (2002), du 16 janvier 2002, § 1.

[4] Yahoo ! Actualités, 16 janvier 2002.

 

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