Le 16 janvier 2002,
un accord a été passé entre les Nations Unies et le gouvernement
sierra-léonais. L’accord vise la création d’un tribunal pénal
international ad hoc pour juger les responsables des crimes
commis en Sierra Leone (TPISL). L’idée de créer un tribunal pénal pour
la Sierra Leone est née en août 2000 (résolution
1315 (2000) du Conseil de sécurité).
Ce tribunal, comparé
à ses prédécesseurs, présentera certaines spécificités, notamment quant
à sa compétence ratione materiae. En effet, il sera compétent non
seulement pour connaître des crimes de guerre et autres violations
graves du droit international humanitaire et des crimes contre
l’humanité, mais aussi pour connaître des « crimes au regard des règles
pertinentes du droit sierra-léonais commis sur le territoire de la
Sierra Leone », tel que l’établissait déjà la résolution 1315 du 14 août
2000.
Pour ce qui est de
la compétence ratione temporis, la résolution 1315 (2000) ne se
prononce pas. Après d’âpres discussions, l’accord du 16 janvier 2002 a
fixé le 30 novembre 1996, date de l’accord de paix d’Abidjan entre le
gouvernement de la Sierra Leone et le Front révolutionnaire unifié de
Sierra Leone (RUF), comme « date de départ » de la compétence du
tribunal. D’une part, l’accord d’Abidjan a toujours été considéré par
les Nations Unies comme un cadre de paix viable. D’autre part, l’actuel
président Kabbah, qui l’était aussi le 30 novembre 1996, a été
postérieurement renversé par une coalition réunissant un secteur de
l’armée sierra-léonaise et le RUF. Les crimes commis à la suite du coup
d’Etat contre Kabbah du 25 mai 1997 pourront donc être poursuivis. Mais
le début du conflit sierra-léonais remonte à mars 1991, lorsque le RUF
entreprend une offensive contre le gouvernement de Joseph Momoh : les
crimes commis entre 1991 et 1996 demeureront impunis.
Quant à la
compétence rationae personae, l’un des points qui a été réglé par
l’accord du 16 janvier 2002 a trait à l’âge minimum des inculpés, fixé à 15
ans. Dans tous les cas, le Tribunal ne devrait juger, comme ses deux
prédécesseurs, que « ceux qui portent la responsabilité la plus lourde
des crimes visés »,
ce qui a priori, exclurait les enfants-soldats.
Avec la négociation
de la mise en place d’un tribunal pénal, les Nations Unies agissent
désormais à trois niveaux en Sierra Leone : justice pénale
internationale, opération de paix et lutte contre le trafic de diamants.
L’opération de paix
des Nations Unies qui compte actuellement le plus d’effectifs est la
Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL). Elle s’occupe
désormais de « tâches relatives aux élections »
prévues pour mai 2002. En effet, les activités relatives au désarmement
des différentes factions en conflit, rebelles et gouvernementales, a
officiellement pris fin le 12 janvier 2002 et la fin de la guerre a été
proclamée par le Président Kabbah le 18 janvier suivant.
Enfin, depuis
l’adoption de la
résolution 1306 (2000), le 5 juillet 2000, les Nations Unies se sont
engagées dans la lutte contre le trafic de diamants. Ainsi, le 19
décembre 2001, dans sa
résolution 1385 (2001), le Conseil de sécurité proroge encore
l’interdiction d’importation de diamants bruts en provenance de Sierra
Leone, prévue au § 1 de la résolution 1306 (2000).
Pourquoi tellement
d’intérêt de la part des Nations Unies pour un petit Etat pourtant
longtemps oublié ? La nature et la magnitude des crimes commis en est
sans doute une cause. Le besoin de contrôler cette « poudrière
ouest-africaine » en est probablement une autre. Mais il ne faut pas
oublier la crise de crédibilité des Nations Unies après la prise en
otage de près de cinq cent casques bleus en Sierra Leone en mai 2001.
D’autant plus que les négociateurs onusiens ont bien précisé dans
l’accord que le tribunal pourrait « juger les auteurs d'attaques contre
les personnels humanitaires ou onusiens ».
Quoiqu'il en soit,
le tribunal n’a toujours pas vu le jour et certaines questions délicates
restent pendantes. Le RUF, qui n’est pas partie à l’accord du 16
janvier, demande la libération de son chef historique, Foday Sankoh, et
menace de reprendre les hostilités si celui-ci venait à être jugé. Nous
ne parlerons pas des problèmes que suscite son financement.
Ana Peyro Llopis
31 janvier 2002
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