ridi.org Actualité et Droit International
ADI
ANNONCES SPÉCIALES
 

Accueil

 

Pendant la réorganisation du site, les autres menus sont disponibles sur la page d'accueil.

 

Merci de votre compréhension

 

Plan du site

Lettre ouverte aux parlementaires européens
Séance plénière du 24 Octobre 2001 du Parlement européen à Strasbourg 

par Jean-Claude Kébabdjian et Nil Vahakn Agopoff

Les rapports et résolutions concernés sont disponibles sur le site du Parlement européen

 
Lettre ouverte aux parlementaires européens
 
Héberger le négationnisme : le risque d'une situation inextricable pour l'Union européenne.

Rapport Alain Lamassoure : projet de résolution sur les progrès de la Turquie sur la voie de l'adhésion à l'Union européenne. Commission des Affaires étrangères du Parlement européen.

- Soutien :
. des amendements 3 ou 12 qui stipulent la reconnaissance du génocide arménien par la Turquie
. de l'amendement 4 qui vise au rétablissement par la Turquie de ses relations diplomatiques avec l'Arménie et à la levée du blocus.

 

Héberger le terrorisme est contre la civilisation. Héberger le négationnisme l'est également :
"Qui se souvient encore de l'extermination des Arméniens?" avait déclaré Adolf Hitler en 1939(*1)

En instaurant l'alphabet latin et une laïcité musclée en 1924, la Turquie dite moderne, a mis en place un écran culturel pour occulter le génocide des Arméniens en 1915. A cette époque cependant, une des plus hautes autorités islamiques, l'émir Al-Hussaïn Ibn 'Ali, Chérif de La Mecque et Gardien des Lieux Saints, avait fermement réprouvé le massacre des Arméniens organisés par le Gouvernement Jeune-Turc.(*2)

L'impunité du 1er génocide du 20ème siècle et son occultation ont donné libre cours "aux horreurs qui suivront, les deux guerres mondiales, d'innombrables conflits et des campagnes d'extermination délibérément organisées, qui ont coûté les vies de millions de fidèles..." comme l'a rappelé le pape Jean-Paul II.(*3)

L'Etat turc a créé les conditions nécessaires du verrouillage d'un passé criminel : un non-dit dans la mémoire de son propre peuple. Aujourd'hui la Turquie, essaie de gommer ce crime contre l'Humanité, un crime de masse prémédité et planifié. Elle le dénie et organise au plus haut sommet un révisionnisme et un négationnisme d'Etat, engageant à cet effet des budgets importants impliquant son appareil d'Etat.(*4)

Le Parlement européen  a reconnu en 1987 le génocide arménien de 1915 et a mis comme condition à l'entrée dans l'Union européenne de la Turquie la reconnaissance de ce génocide.(*5) A cet égard, le rapport d'Alain Lamassoure omet cette condition prétextant la création "d'une commission de réconciliation".(*6) Or cette commission est d'une part autoproclamée, d'autre part financée par Washington(*7) et au service d'Ankara.(*8)

L'arbre veut cacher la forêt. Seule la reconnaissance du génocide de 1915 peut conduire à un dialogue entre Turcs et Arméniens (*9)  : une telle reconnaissance est une étape nécessaire et obligée à un rapprochement comme l'a réussi l'Allemagne libérée de la barbarie nazie et de son terrorisme d'Etat. La non-reconnaissance d'un crime contre l'Humanité ou d'un génocide fait perdurer les ravages génocidaires dans l'inconscient collectif des descendants des victimes(*10) comme dans l'inconscient collectif des descendants des bourreaux.(*11)

Dans cette situation, l'Europe a eu dans le passé sa part de responsabilité comme Ponce Pilate en occultant le crime et en s'en lavant les mains. En signant le Traité de Lausanne de 1923 avec la nouvelle République turque(*12), les signataires ont :

- arrêté net en Turquie, tout processus possible de justice en cours ou en gestation
- clos toute possibilité de mise en place de mesures d'indemnisation pour les survivants et les rescapés des massacres
- permis de passer un crime sous silence dans un traité international et de l'évacuer
- participé à la construction d'un déni officiel de ce crime contre l'Humanité prémédité et élaboré
- et contribué à banaliser son impunité dans l'espace symbolique.

Autant de carences qui ont servi de base au nouvel Etat turc qui n'a cessé depuis de violer les Droits de l'Homme : massacres kémalistes des Kurdes par centaines de milliers, exactions actuelles dans leurs villages, emprisonnement des opposants turcs qui meurent dans une grève de la faim (et ce qui ne semble pas émouvoir l'Europe)... Dans la chaîne symbolique de la transmission qui fonde l'humain, le meurtre a chassé la Mort et l'a remplacée (la Mort, ce chaînon nécessaire et naturel qui relie une génération à l'autre).(*13)

Un génocide ne se négocie pas. Héberger le négationnisme est aussi un crime contre la civilisation.(*14) Vouloir démocratiser la Turquie sans faire reconnaître le génocide arménien en l'occultant, serait voué à l'échec : comme si les pays musulmans (ou les autres) prétendraient démocratiser le régime des Talibans en Afghanistan sans condamner l'hébergement du terrorisme.  De plus, persévérer en donnant des raisons de stratégie ou d'économie ne ferrait qu'accentuer cette imposture.

Malgré leur opposition apparente, le négationnisme turc et le terrorisme islamiste ont des racines communes profondes dans un islam centrifuge en raison d'un Califat absent. Rappelons que le Califat a été supprimé par la République turque kémaliste en 1924. Or un Calife qui n'existe pas, ne peut pas condamner le génocide de 1915 -comme l'a fait Jean-Paul II. L'absence maintenue du Califat a créé un vide en profondeur, conscient ou inconscient, de l'islam qui se trouve amputé de cette institution religieuse et si prestigieuse dès son origine.(*15) : un islam mutilé dont des éléments fondamentalistes en dérive criminelle s'engouffrent aujourd'hui dans le terrorisme... 

Le rapport du député européen Alain Lamassoure ne mentionnant pas la reconnaissance du génocide arménien comme condition préalable à la candidature de la Turquie à l'Union européenne, pourtant votée en 1987, risque d'engager l'Union européenne dans une situation inextricable, surtout face à l'islam authentique et face à l'ONU post-Durban. Car comme l'a dit le représentant de l'Arménie à la Conférence mondiale contre le racisme : "... si la communauté internationale n'est pas responsable pour le crime lui-même, la communauté internationale est responsable de ne pas le condamner."(*16)

Jean-Claude Kébabdjian, Président-Fondateur du CRDA
Nil Vahakn Agopoff, chercheur au CRDA

Centre de Recherches sur la Diaspora Arménienne - fondé en 1976
9, rue Cadet 75009 Paris (France)
Tél : 01 42 46 05 58    Fax : 01 42 46 33 78

(*1) déclaration d'Adolf Hitler à ses troupes S.S. avant d'envahir la Pologne en 1939 et révélée au Tribunal de Nuremberg   http://www.zoryan.org/ (Books for Sale) : "Hitler and the Armenian Genocide" by Kevork Bardakjian 1985, 81 p.
(*2) http://www.armenian-genocide.org/affirmation/heads_of_state/4.htm
(*3) http://www.armenian-genocide.org/affirmation/resolutions/168.htm
(*4) Ministère des Affaires étrangères de la Turquie : http://www.mfa.gov.tr/grupe/eh/default.htm (voir la rubrique "Armenian Allegations")
(*5) Résolution du 18 Juin 1987 du Parlement européen (paragraphe I-4) :
 http://www.cdca.asso.fr/cdcaeurope/cdcaeurope-resolution_18_juin_1987.htm
(*6) au sujet de la "commission de réconciliation" voir : http://www.lettre-ugab.com/bas.lasso?numero=371&rid=33704 , http://www.lettre-ugab.com/bas.lasso?numero=377&rid=33780 , http://www.lettre-ugab.com/bas.lasso?numero=378&rid=33794
(*7)
http://www.lettre-ugab.com/bas.lasso?numero=379&rid=33805
(*8) Selon, Ozdem Sanberk, membre turc de la commission de réconciliation : " L'objectif principal est d'empêcher la question du génocide d'être constamment portée à l'agenda des pays occidentaux... Car aussi longtemps que nous entretiendrons le dialogue, la question ne sera pas inscrite à l'ordre du jour du Congrès. " (Journal 525 Gazet du 31.08.2001, Bakou).
(*9) "Interview de la psychanalyste Hélène Piralian par l'étudiante turque Sévim Erdem, dont la grand-mère paternelle était une arménienne d’Erzindjan agée de 12 ans en 1915" 
 
http://www.netarmenie.com/pointsdevue/structure/article.php 
(*10) c'est le cas par exemple des Antillo-guyannais descendants aujourd'hui des anciens esclaves noirs - qui avaient été victimes du broyage ethnique de la traite négrière : 
http://www.netarmenie.com/pointsdevue/structure/article1.php 
(*11) http://www.netarmenie.com/pointsdevue/structure/article13.php
(*12) Certains acteurs importants de la nouvelle République turque étaient des anciens criminels de notoriété : voir l'article de Taner Akcam "Le tabou du génocide arménien hante la société turque" dans Le Monde diplomatique, Paris - Juillet 2001, N°568, pp. 20-21.
cf. http://www.lettre-ugab.com/bas.lasso?numero=371&rid=33705
(*13) voir le livre d'Hélène PIRALIAN, auteur de : "Génocide et Transmission. Sauver la Mort, Sortir du Meurtre," Ed. L’Harmattan, Collection santé, sociétés et cultures, Paris 1994
(*14) un crime contre l'humanité et la civilisation, expression déjà utilisée en 1915 par les trois gouvernements alliés pour qualifier ce crime dans leur déclaration officielle :  http://www.armenian-genocide.org/affirmation/resolutions/161.htm
(*15) 
http://www.armenweb.org/espaces/reflexion/dossier_8.htm "Jean-Paul II : 'Medz Yéghern' ou l'interpellation de l'islam ..." 
(*16) discours du délégué de la République d'Arménie à la Conférence mondiale contre le racisme de Durban 31/8-7/9 2001 : http://www.un.org/WCAR/statements/armeniaE.htm
voir aussi notre lettre ouverte à la Présidente de la conférence : http://www.ridi.org/adi/special/armenie.htm
.

 

 

ADI Haut de la page
Site conçu par
toile.org
© 1998-2001 Patrice Despretz