Après les attentats du 11 septembre 2001
par
le Groupe de Réflexion sur la paix et la sécurité internationales – Paris*
pour
toute citation, cf.
Sommaire
1) Conséquences dans
les rapports internationaux
- Une remise en cause
de l’unipolarité
- Une nouvelle remise
en cause de la politique étrangère des Etats-Unis
- Un changement dans
le règlement des conflits du Moyen-Orient
- Une analyse critique
de l’action militaire américaine
- Des relations religieuses
plus difficiles
2) Conséquences économiques
- Sur le transport aérien
- Sur le commerce du
tourisme international
- Sur les relations
bancaires internationales
- Les conséquences (bénéfiques)
pour certains Etats
3) Conséquences juridiques
4) Conséquences pour
l’Afrique
5) Propositions
- Protéger la démocratie
par le respect de l’état de droit
- Promouvoir une coopération
internationale effective face aux attentats
- Promouvoir un nouvel
ordre mondial effectif
- Promouvoir le développement
économique et politique
- Promouvoir un nouvel
ordre mondial effectif au profit direct de l’Afghanistan
- Renforcer les Nations
Unies dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales
- Promouvoir un règlement
pacifique du différend israélo-palestinien
- Promouvoir le droit
international conventionnel
Le 11 septembre 2001,
les Etats-Unis ont été l’objet de quatre attentats au moyen d’avions détournés
après leur décollage d’aéroports américains : deux ont explosé dans les tours
jumelles du World Trade Center, un dans le Pentagone, et un autre en Pennsylvanie.
Ce dernier a échoué en raison de la résistance des passagers, l’avion ayant finalement
explosé sans atteindre son objectif[1]. Ces
attentats ont fait près de six mille disparus dont une majorité de morts. Dans
leur tentative de secourir les victimes dès les premières heures, quatre centaines
de pompiers y auraient aussi laissé leur vie.
Environ un mois après
ces événements (le 7 octobre 2001), au moment où les Etats-Unis s’engageaient
dans une riposte armée contre les Talibans notamment le réseau Al-Qaida (AQ) de
Oussama Ben Laden (OBL), accusé par l’administration Bush, d’être à l’origine
de ces attentats, une vague bioterroriste a fait son apparition : des lettres
contenant de l’anthrax[2] sont
envoyés à des institutions fédérales et à certaines personnalités américaines[3] aussi
bien aux Etats-Unis, qu’en dehors[4]. Le
même réseau de OBL est soupçonné d’être à l’origine de ce terrorisme biologique.
Toutefois, selon les dernières informations, il semblerait que ce volet de la
crise actuelle serait plutôt de la responsabilité de groupes extrémistes américains[5] ou l’œuvre
d’un scientifique militaire américain[6] qui
compte ainsi relancer et accroître le financement de ses recherches liées à l’anthrax !
D’autres sources estiment qu’il pourrait s’agir de responsabilités irakiennes[7], mais
des scientifiques américains[8] affirment
que des composants présents dans la poudre ne peuvent être produits que par les
Etats-Unis ou la Fédération de Russie[9]. En
d’autres termes, l’origine de ce bioterrorisme reste encore incertaine. Il faut
juste souligner que, dans tous les cas, le bioterrorisme à l’anthrax n’est pas
une nouveauté pour les Américains qui, depuis des années déjà, vivent sous cette
menace : des personnes ayant des liens forts avec l’extrême droite ont déjà
été arrêtées pour avoir été à l’origine de tentatives de contamination à l’anthrax
durant les dix dernières années[10]. L’échafaudage
apparemment sûr des sources possibles permet à l’administration de rassurer la
population en lui donnant l’impression qu’elle contrôle la situation, alors même
que les responsables du Federal Bureau of Investigation (FBI) font état
de réelles impasses dans les enquêtes.
Cette crise qui a le
terrorisme comme noyau dur, a un impact important sur les relations internationales
aujourd’hui, et doit être appréciée dans une optique prospective afin de déterminer
les moyens pour l’humanité d’échapper à son autodestruction. Cette analyse prospective
s’attachera à appréhender les conséquences générales dans les rapports internationaux,
avant d’aborder les conséquences spécifiquement économiques et juridiques. La
spécificité de notre groupe explique qu’un regard particulier soit porté sur l’Afrique,
et que notre analyse soit conclue par une série de propositions.
1) Conséquences dans
les rapports internationaux
Une remise en cause
de l’unipolarité
Depuis la fin de la
guerre froide, il était convenu qu’il ne restait qu’une seule puissance, les Etats-Unis.
L’aptitude de l’Europe des Quinze, de la Chine ou de la Fédération de Russie à
concurrencer la puissance américaine et à mettre fin à cette hégémonie reste discutée.
Avec les attentats du 11 septembre, la menace contre la puissance nous amène
à relativiser cette hégémonie, même si les discours politiques internationaux
n’en ont pas fait état. Cette menace qui a frappé le puissant n’épargne personne :
c’est une puissance diffuse qui choisit ses cibles selon une logique qui n’est
pas perceptible et rationalisable.
La globalité de la menace
a inspiré l’ambassadeur français aux Nations Unies dans la riposte institutionnelle
qu’il a organisé. En effet, c’était le tour de présidence de la France en septembre
dernier. C’est donc le diplomate en charge de la mission française qui a pris
l’initiative de la Résolution 1368 [S/RES/1368 (2001)] adoptée à l’unanimité par
les membres du Conseil de sécurité. Cette réponse institutionnelle s’inscrit dans
une réaction humaine et instinctive, sans conséquence fondamentale sur le droit,
contrairement à ce que les tenants mêmes ont pu affirmer. Ainsi l’ambassadeur
Levitte a pu affirmer selon le correspondant du Monde aux Nations Unies
(New York) : « Nous avons estimé, à l’unanimité, que 6.000 personnes
– chiffre avancé le 12 septembre – par des avions civils devenus des missiles
n’est plus un acte de terrorisme mais une véritable agression armée » ajoutant
que le paragraphe 3 de la Résolution 1368 « représente une véritable avancée
juridique permettant au Conseil de sécurité d’étendre la lutte contre l’acte du
terrorisme au-delà des terroristes, à ceux qui les aident ou les financent ;
c’est ce paragraphe qui a autorisé les Etats-Unis à riposter contre l’Afghanistan,
ou plutôt contre les talibans »[11]. Cette
inscription dans un cadre institutionnel légaliste se fait aux dépens d’une réflexion
voire d’une réorganisation ou d’un renforcement de l’Organisation universelle,
de sorte que celle-ci ne peut qu’en sortir diminuée[12]. Les
autres membres permanents du Conseil de sécurité s’investissent ainsi dans le
« jeu » en apportant leur nécessaire adhésion au fonctionnement du système
mis en place, même s’il s’agit d’une adhésion contradictoire qui doit nous conduire
à remettre en cause leurs pratiques en termes d’action intentionnelle et d’obéissance,
sans pouvoir déterminer les limites entre ces deux attitudes.
L’adhésion des Américains
à ce processus institutionnel reste de façade, puisqu’ils n’ont pas manqué d’afficher
leur volonté de frapper plus que l’Afghanistan… : ils ont dit se réserver
« le droit d’attaquer d’autres organisations ou d’autres Etats »[13].
Ce développement confirme
en partie les théories des relations internationales qui étudiaient le transnationalisme,
la « transnationalisation » ou le « monde multicentré » :
les repères classiques (territorialité et Etat) sont en perte de vitesse, et d’autres
formes apparaissent qui constituent de véritables Objets Politiques Non Identifiés,
non pas parce qu’ils sont inconnus mais en raison de leur volatilité.
Cette menace nouvelle
par la dimension qu’elle a prise, identique pour tous – puissants et faibles –
et diffuse, conduit forcément à reconsidérer l’unipolarité. En réalité, la menace
constitue aussi un pôle de puissance qu’affronte la coalition anti-terroriste
sous la houlette des Américains. Car dans une situation d’hégémonie, la puissance
a tendance à imposer ses intérêts ; tandis que, avec cette menace diffuse,
il paraît plus « tactique » de ne point agir en puissance. Indirectement
une forme de morale s’introduirait dans les relations entre les Etats, puisque
les puissances devront prendre en compte d’autres intérêts comme ceux des Etats
plus faibles. Mais il ne faut pas ignorer un autre risque de cette évolution,
qui est l’instrumentalisation des intérêts des Etats faibles : ceci conduirait
à la situation antérieure, de sorte qu’elle ne peut que raviver les menaces.
Des analyses de différents
spécialistes des sciences humaines ont depuis longtemps fait état de cette évolution
possible vers une instrumentalisation des intérêts des pays du Sud[14], même
si les politiques ne les perçoivent pas. Il est impératif que s’établisse une
certaine « justice » redistributrice pour annihiler partiellement[15] cette
menace diffuse. Cette évolution moralisatrice de la politique des Etats apparaît
dans les arguments de campagne électorale en France, depuis peu, avec la reprise
des positions de ATTAC par des candidats aux élections présidentielles. Mais il
n’en a été ainsi que pour des raisons de stratégie politicienne, d’opportunité,
c’est-à-dire lorsqu’il a semblé à ces candidats que la guerre s’enlisait, quoique
l’enlisement eût été de courte durée finalement.
De plus la constitution
de la coalition anti-terroriste est porteuse de conséquences qui restent fort
critiquables. Ainsi la participation de la Fédération de Russie s’explique par
la nécessité pour le gouvernement fédéral d’avoir plus de latitude dans l’affaire
tchétchène où elle a toujours affirmé être confrontée à des mouvements « terroristes ».
Désormais sa collaboration avec la coalition américaine fait des Etats-Unis, un
obligé qui pourra difficilement critiquer les opérations militaires à Grozny et
dans les autres villes tchétchènes[16].
Il en est de même pour la Chine qui tolère la coalition armée contre OBL et les
Talibans, bénéficiant par là même de la tolérance des autres Etats dans sa politique
intérieure mais aussi internationale puisque désormais elle est partie à l’Organisation
mondiale du commerce[17]. Ainsi
au dernier forum de coopération Asie – Pacifique[18], le
président américain n’a pas manqué de négocier ces conditions avec ces deux autres
membres permanents du Conseil de sécurité.
Quant à l’Ouzbékistan[19] et
au Pakistan[20],
ils étaient des régimes conspués pour leur caractère anti-démocratique, que la
coalition tend aujourd’hui à oublier[21]. Et
les exemples pourraient se multiplier à l’infini. Cette tolérance[22] n’est
pas admissible et la communauté internationale risque de la payer cher à terme,
même si dans l’immédiat elle permet la conduite des opérations militaires anti-terroristes.
A cela une seule solution, le multilatéralisme que le cadre des Nations Unies
permet et favorise, en particulier en ce qui concerne l’Assemblée générale.
Enfin ces attentats
par les réactions qu’ils ont provoquées, ont induit une forme de pensée unique
où il n’est pas admis de critiquer l’Etat victime. Tous les régimes même ceux
notoirement anti-américains, et pour cause – comme la Libye et le Soudan si ce
ne sont tous les Etats à obédience islamique[23] – ont
exprimé leur solidarité avec les Etats-Unis et condamné les actes terroristes[24].
Cette pensée unique, ce consensualisme de mauvais aloi, est tout aussi intolérable,
alors même que les propres citoyens américains s’autorisent la critique, sans
tomber dans la justification et l’adhésion des attentats[25].
Cette menace et cette
tolérance appellent un nouvel ordre international dont il est question depuis
fort longtemps, et qui n’est toujours pas, car c’est une nouvelle ère où le fort
reste aussi faible face à une menace aveugle, mondiale et diffuse. Certes l’expression
a été galvaudée, et les diplomates aux Nations Unies l’ont souvent utilisée comme
une incantation notamment s’agissant des questions de droit international du développement.
Il n’empêche qu’il faut une nouvelle forme de relations internationales différente
des situations de domination directe ou indirecte, qui assure un réel développement,
c’est-à-dire « l’épanouissement de la personne dans ses dimensions individuelles
et collectives, dans le respect des intérêts de la communauté internationale et
des générations futures ». Ce nouvel ordre doit cependant être distingué
de l’idée de contrat mondial ou d’une plus grande implication du secteur privé,
dont a pu parler l’actuel Secrétaire général. Car dans cette dernière proposition
il y a une logique commerciale de profit qui risque de l’emporter sur la nécessité
de relations internationales plus équitables[26].
Ce nouvel ordre se fondera
aussi sur une stratégie internationale nouvelle basée sur une menace commune :
le terrorisme. Tous les Etats ont un même intérêt à le combattre en collaborant
pour la sécurité internationale. Car nul n’est à l’abri de tels actes terroristes.
L’intérêt particulier d’aucun Etat ne saurait l’emporter trop souvent dans les
relations internationales : les Américains ont tendance à faire primer leurs
intérêts économique, militaire et stratégique sur ceux de tout le monde. Désormais
il ne devrait plus en être ainsi.
Une nouvelle remise
en cause de la politique étrangère des Etats-Unis
Ces attentats induisent
donc aussi une remise en cause de la politique étrangère des Etats-Unis, même
si leurs réactions ne laissent pas percevoir cette lecture des faits, d’autant
plus que la réaction américaine aux attentats du 11 septembre peut produire une
dynamique dont les acteurs n’ont pas conscience[27].
Jusqu’à présent les
Etats-Unis ont adopté une stratégie de politique internationale du « chien
de garde »[28] :
recourir à un Etat de la région pour contenir toute menace régionale. Or ce « chien
de garde » finit par être « enragé » et, à terme, constitue lui-même
une menace. C’est ce qui était advenu avec l’Irak de Saddam Hussein : d’abord
allié des Américains contre l’Iran, aujourd’hui ennemi public américain. Avec
les Talibans et OBL, l’histoire n’est pas différente.
Au lieu d’en tirer les
leçons comme il se doit, les Etats-Unis se reposent aujourd’hui sur le Pakistan
et l’Ouzbékistan ! Et contrairement à certaines expectatives sur une meilleure
coopération entre les Etats pour lutter contre la puissance désormais diffuse
– mais autrefois étatique – du terrorisme international, les Etats-Unis font quasiment
cavalier seul et n’associent la communauté internationale que pour asseoir leur
légitimité, la légalité restant difficile à acquérir en l’espèce, en ignorant
allègrement les mécanismes internationaux de règlement des différends.
De même l’ONU n’est
pas vraiment redevenue cette assemblée où tous les Etats [élaborent] un plan d’action
sur la base du principe de l’égalité des Etats, car elle n’est qu’informée des
opérations et n’y participe pas tout à fait. Certes elle tente de mettre en place
une stratégie post-taliban, mais ce processus post-conflictuel est soumis à la
volonté des parties afghanes et aux vicissitudes des luttes entre différents groupes.
Le fait que les Etats-Unis soient les premiers en ligne de mire, ayant été victime
des attentats, ne facilite pas non plus l’action multilatérale, et constitue un
facteur paralysant pour le mécanisme onusien. Car les Etats-Unis feront obstruction
toutes les fois où cette action n’irait pas dans le sens de leur choix. Ce qui
n’est qu’une pure leçon de réalisme politique tel que présenté par les théoriciens
Raymond ARON et Hans MORGENTHAU pendant la guerre froide. Ainsi que l’affirment
Patrick DAILLIER et Alain PELLET, « de toute évidence, ce ne sont pas des
mécanismes juridiques qui garantissent la sécurité internationale ; ils ne
peuvent agir que dans des situations politiques où règne un minimum de consensus
sur le degré insupportable de la violence. »
[29] On
pourrait ainsi se demander pourquoi après les attentats de Naïrobi, de Dar es-Salaam
et d’Oman, il n’y a pas eu une telle levée de boucliers contre le terrorisme ?
Ce qui a changé c’est la prise de conscience qu’il n’y a plus de cibles que le
terrorisme ne puisse atteindre et la volonté des auteurs des attentats terroristes
de faire un maximum de victimes.
Il est souhaitable que
les Nations Unies soient plus impliquées, mais elles doivent avoir une position
plus « équilibrée » afin d’une part de respecter son statut d’Organisation
Internationale non partisane[30] et,
d’autre part, d’éviter à l’Organisation d’être la cible de manifestations hostiles[31].
Un changement dans
le règlement des conflits du Moyen-Orient
Cette crise présente
aussi une grille de lecture spéciale s’agissant des conflits au Moyen-Orient,
notamment de la question palestinienne. AQ, par la voix de son président, OBL,
n’a pas manqué d’appeler les Etats-Unis à une politique plus « juste »
dans le conflit qui oppose Israël et Palestine. Et tous les pays du Tiers-Monde
posent le débat en ces mêmes termes : pourquoi l’Etat palestinien n’a toujours
pas vu le jour contrairement à la même résolution qui a justifié la création d’Israël ?
Comme l’a dit Francis KPATINDE en parlant des Etats-Unis, « on ne peut à
la fois vouloir incarner le droit et la justice si en même temps on refuse aux
Palestiniens le droit légitime d’avoir une patrie et une terre à laquelle ils
peuvent s’adosser » car « la puissance donne aussi des responsabilités »[32]. L’administration
Bush semble avoir déjà pris conscience de cette nécessité de changement de cap,
et a exprimé le souhait explicite d’un « Etat palestinien » ainsi que
Londres, position que Paris défend depuis bien longtemps mais sans grand succès.
La réaction immédiate de Ariel SHARON voyant en Yasser ARAFAT, son OBL a d’ailleurs
été critiquée par les Américains, mettant l’accent sur la démesure, recourrant
à un discours conciliant.
Résoudre la question
israélo-palestinienne prend une telle importance pour les Américains qui cherchaient
à se sortir de ce « bourbier diplomatique », car en la liant aux attentats[33], OBL
et son réseau ont enchaîné les Etats-Unis à des résultats concrets. La paix en
Palestine devient quasiment un objectif de politique intérieure, puisqu’en dépend
la sécurité des citoyens américains. Or cette paix ne peut pas se faire autrement
que par des concessions importantes de l’Etat d’Israël.
Une analyse critique
de l’action militaire américaine
Les chances de succès
de l’action américaine contre OBL restent a priori nulles !
La riposte américaine
a certes permis la victoire militaire de l’Alliance du Nord soutenue par un armement
russe renouvelé, mais est-ce pour autant que l’objectif initial d’atteindre OBL
et d’éradiquer le terrorisme sera atteint, le doute demeure et pour longtemps
encore peut-être. Car même si OBL est atteint physiquement, directement ou indirectement,
le terrorisme ne risque pas de disparaître, parce que d’une part les tentatives
de vengeance de ses fidèles ne manqueront pas, et d’autre part parce que les OBL
pullulent et n’attendent que le moment où ils pourront frapper. Ainsi qu’a pu
le dire M. Nelson Mandela, « toute action [militaire et totale] serait
aussi impopulaire que celle des terroristes »[34]. Pire,
ces clones potentiels d’OBL ne sont pas souvent bien loin, sous la juridiction
d’Etats conciliants ou incapables… Ils sont bien des fois au milieu même de la
société qu’ils combattent, aux Etats-Unis ou partout en Europe. Il est donc clair
que des bombes sur l’Afghanistan, sur l’Irak, la Somalie ou même l’Arabie Saoudite
ne constitueront pas des solutions à long terme contre le terrorisme. Enfin il
est difficile de croire que les causes à l’origine du terrorisme disparaîtraient
aussi aisément. Car il ne faut pas oublier que la définition du terrorisme[35]
reste sujette à caution même si la distinction entre le terrorisme national et
celui international[36] paraît
établie et que toute opposition armée de pouvoirs établis a pu être qualifiée
de terroriste[37]. L’éradication
du terrorisme anti-saoudien qui a une dimension internationale, suppose par exemple
l’instauration d’un régime démocratique où toutes les opinions puissent s’exprimer
sans aucun risque majeur pour les personnes. Or il ne semble pas être dans les
projets de politique extérieure américaine de changer cet état de choses ni en
Arabie Saoudite, ni nulle part ailleurs[38]. Dans
ces conditions, cette opération militaire reste-elle encore justifiée, puisque
son objectif ne sera jamais atteint !
AQ est un réseau de
mouvements terroristes dont la plupart sont inscrits sur la liste noire des Etats-Unis[39].
Une véritable contre-offensive pour éliminer AQ comme le prétendent les autorités
américaines, implique non seulement l’opération armée actuelle sur l’Afghanistan,
mais aussi dans d’autres pays du monde (partout où résident les composants de
ces mouvements) : la même difficulté de mise en œuvre de l’opération apparaît
encore, et la nécessité d’une coalition internationale autre que celle actuelle
s’impose pour que chaque Etat procède à l’élimination des mouvements terroristes
dans les territoires sous sa souveraineté.
Toutefois notre analyse
en l’espèce postule que l’objectif américain est double : atteindre OBL et
son régime soutien, celui des Talibans, et éradiquer ainsi le terrorisme dont
AQ constitue le plus grand réseau. Mais il ne faut pas ignorer que d’autres objectifs
notamment géostratégiques ont probablement participé aux choix américains :
leur difficile perception pour toute personne extérieure au processus décisionnel
justifie que nous ne les ayons pas tenus comme centraux dans notre réflexion.
Ainsi le projet d’oléoduc[40] entre
l’Asie centrale et le Pakistan – passant donc par l’Afghanistan – a pu constituer
un de ces éléments importants. Ce projet est mis en œuvre par la firme multinationale
Unocal dans laquelle les Américains participent pour une large mesure.
En 1994 le soutien américain aux Talibans résultait du fait qu’ils présentaient
un espoir de paix pour ce projet économique, tout en déplaisant aux voisins iraniens :
les Américains faisaient ainsi d’une pierre deux coups. De plus, avant le 11 septembre
2001, l’état-major américain avait déjà établi des plans d’invasion de l’Afghanistan,
même si cela résulte du travail ordinaire de prospective militaire.
Des relations interreligieuses
plus difficiles
Enfin cette crise va
accentuer les difficultés sociales que rencontrent nombre de pays avec leurs communautés
musulmanes. Ainsi aux Etats-Unis mêmes, une école islamique a été brûlée dans
le Kentucky et les étrangers surtout ceux que les forces de l’ordre (notamment
la police des frontières) identifient comme étant d’origine arabe, sont l’objet
de mesures de sécurité particulières. Aux Kenya par contre, ce sont des églises
qui ont été brûlées par des islamistes, en réaction contre l’opération militaire
de la « communauté internationale christianisante ». Au Nigeria aussi,
les brutalités contre les populations chrétiennes dans les Etats islamiques du
Nord se sont accentuées. Au Pakistan, des violences similaires sont à souligner
notamment à Quetta[41].
Contrairement aux prédictions
de S. Huntington, il n’est pas possible qu’il s’agisse d’un conflit civilisationnel[42].
OBL et les mouvements terroristes ne constituent pas une civilisation, encore
moins la civilisation islamique, arabe ou arabo-islamique. D’ailleurs lorsqu’ils
bénéficiaient du soutien américain, ils n’étaient point considérés comme une civilisation
ou une culture rivale ou opposée. Il est inutile de revêtir la lutte contre ce
terrorisme d’une vision manichéenne : du Bien contre le Mal[43],
de l’islam contre la chrétienté ou de l’orient contre l’occident. C’est fausser
l’analyse en lui ôtant toute objectivité et exposer les populations à la menace
de l’intolérance et de la vengeance.
Il revient aux Nations
Unies de faire entendre un tel discours unificateur, en rectification d’erreurs
que véhiculent les discours des terroristes et auxquelles certains citoyens du
monde sont sensibles à défaut d’entendre mieux. D’ailleurs le secrétaire général
de la Ligue arabe a affirmé le dimanche 4 novembre 2001[44], que
OBL ne parle point au nom des musulmans en condamnant les Nations Unies et son
premier fonctionnaire, Kofi Annan, ni au nom des Arabes.
2) Conséquences économiques
L’impact économique
du 11 septembre ne saurait être contesté dans la mesure où les attentats ont touché
le cœur même de l’économie américaine[45] et,
par voie de conséquence, internationale. Toutefois il est important de souligner
d’entrée que les analyses sur l’économie américaine ont évolué récemment. Ainsi
les experts économiques américains[46] reconnaissent
que la récession américaine actuelle a commencé dès mars dernier, et que contrairement
à nombre d’affirmations politiques, elle ne résulte pas principalement des attentats
du World Trade Center et du Pentagone. En gardant cela à l’esprit, les attentats
du 11 septembre dernier ont des répercussions sur le transport aérien, le tourisme
et pour les banques, même si la situation de ces dernières est spécifique. De
plus il y a des Etats qui tireront littéralement profit de la nouvelle politique
américaine dans le cadre de la riposte, et dont il sera question aussi.
Sur le transport
aérien
Le transport aérien
est particulièrement touché par les événements du 11 septembre, parce que ce fut
le vecteur des attentats, sans compter que les avions ont connu aussi un certain
nombre de déconvenues indépendantes des développements actuels[47]. Les
compagnies aériennes voient leurs difficultés financières aggravées par cette
crise. C’est le cas des compagnies nationales comme Sabena et Swiss Air qui ont
déposé le bilan. La Lufthansa aussi se prépare à devoir en faire même.
Sur le commerce du
tourisme international
Le transport aérien
touché, l’industrie du tourisme n’est pas en reste. D’ailleurs les deux marchés
sont liés. Toutefois, il faut se garder de toute conclusion hâtive car la période
n’est pas particulièrement propice au tourisme international : seules des
analyses à long terme pourront confirmer que les taux décroissants actuels sont
une conséquence des attentats. Déjà la presse se fait l’écho d’une crise profonde
dans le tourisme[48].
Sur les relations
bancaires internationales
En matière bancaire,
les relations sont d’un type particulier. Car le système bancaire international
a été utilisé par les terroristes dans la mise au point de leur stratégie. En
conséquence, il est nécessaire de pouvoir retracer le parcours des fonds ayant
contribué à la réalisation des attentats. Or le secret bancaire reste un frein.
Les paradis fiscaux ont servi l’argent du terrorisme[49], et
l’objectif actuel des gouvernements parties à la coalition antiterroriste est
de lever l’opacité légendaire des flux financiers internationaux. La dénonciation
des paradis fiscaux protégés par la Couronne notamment les Iles Vierges, Cook
et Caïmans, mais aussi par la France comme Monaco, et la Suisse elle-même, s’impose
et est récurrente dans la presse internationale. Cette dénonciation s’est faite
aussi dans l’arène politique, certains parlements ayant publié des rapports à
cet égard.
S’agissant plus particulièrement
de l’Afrique, il ne ressort pas des études du GAFI (groupe d’action financière
contre le blanchiment des capitaux mis en place dans le cadre de l’OCDE)[50],
que les Etats africains soient particulièrement moins coopératifs et plus opaques
que sur d’autres continents.
Les conséquences
(bénéfiques) pour certains Etats qui soutiennent l’action américaine
La riposte américaine
s’est inscrite dans un cadre de coopération internationale auquel participent
nombre de régimes autrefois paria aussi bien pour les Etats dont le gouvernement
américain, que pour les institutions internationales notamment financières. Or
dès lors qu’un Etat présente un intérêt stratégique dans cette opération militaire,
ces tares disparaissent comme par enchantement. Ainsi les Etats-Unis feraient
pression sur la BM et le FMI pour qu’ils financent ses partenaires actuels comme
la Turquie et le Pakistan envers et contre tout[51]. Ces
conséquences bénéfiques pour les Etats qui soutiennent les Etats-Unis dans leur
opération contre OBL, les Talibans et, peut-être, le terrorisme ne peuvent qu’accentuer
un sentiment général d’iniquité.
3) Conséquences juridiques
Des conséquences quant
à la normativité internationale, sont aussi à prévoir même si elles n’apparaissent
pas encore forcément. Et elles se situent d’une part dans la dimension coutumière
de certaines règles du droit international notamment la légitime défense[52]
et la mise hors-la-loi du recours à la force[53]. De
même la pratique des dommages collatéraux se perpétue au risque de constituer
une coutume limitant les deux principes majeurs du droit international humanitaire :
principes de nécessité et de discrimination[54]. Le
hangar de la Croix-Rouge à Kaboul aurait été touché à deux reprises ![55] Dans
le même ordre d’idées des erreurs de frappes militaires, les bombardiers américains
ont touché, selon la presse française, une colonne de blindés de l’Alliance du
Nord. Mais sur la dimension humanitaire, c’est-à-dire de l’action humanitaire,
de l’assistance aux populations en danger, il faut souligner que la prise en compte
immédiate de l’intérêt des Afghans est à mettre au crédit des Nations Unies et
des Etats qui ont milité en ce sens. Toutefois il serait plus efficace d’instituer
une contractualisation souple, courte et donc révisable, suivant le principe d’une
co-responsabilisation des acteurs.
Quant aux normes relatives
au terrorisme, il faut se demander s’il est nécessaire de déterminer de nouvelles
règles afin de mieux combattre ce fléau. Pour notre part, trop de droits tuent
le droit. Il serait impératif d’appliquer les nombreux textes actuels qui offrent
déjà un cadre juridique large pour l’appréhension des actes terroristes. Si ces
textes ne sont pas encore entrés en vigueur, il suffirait que les Etats fassent
preuve d’une plus grande bonne volonté pour qu’il en soit ainsi, et que ces textes
connaissent leur pleine application. Privilégier le cadre international constitue
aussi une réponse à la dimension extraterritoriale de la législation américaine
en la matière.
4) Conséquences pour
l’Afrique
S’agissant de l’Afrique
en particulier, il faut d’abord noter la condamnation unanime des politiques
alors que les populations ont eu une réaction plus mitigée. Cette relative adhésion
de la population se justifie dans certains pays par le même sentiment d’iniquité :
les Kenyans et les Tanzaniens ont pu ainsi apprécier à leurs dépens, que l’administration
américaine faisait preuve d’une plus grande promptitude s’agissant de victimes
directes américaines.
De la condamnation unanime,
il a résulté un désenclavement international de certains régimes comme
celui libyen dont les services secrets ont pu collaborer avec leurs homologues
royaux du Scotland Yard, dans la recherche des traces de OBL[56]. Les
Marocains ont été aussi associés car il semblerait qu’ils ont réussi à infiltrer
l’entourage immédiat de OBL[57].
Cette situation nouvelle
de consensus général contre le terrorisme renforce aussi certains régimes répressifs
dans leur lutte contre certains groupes qualifiés à tort ou à raison de terroristes
comme en Algérie, en Egypte, en Libye, au Maroc, au Soudan, en Tunisie, etc[58]. Pour
s’en convaincre, il suffit de consulter la liste établie et rendue publique par
l’administration BUSH, où apparaissent certains mouvements d’Afrique : Groupes
islamiques armés (Algérie), Groupe salafiste pour la prédication et le combat
(Algérie), Gamaa Islamiya (Egypte), Djihad islamique (Egypte), Groupe de combat
islamique (Libye), et El Ittihad el islami (Somalie). Parmi les personnes inscrites
sur la liste noire établie et rendue publique par la même administration, certains
Africains sont aussi présents : Ayman Zawahri (Egypte), Saïf el-Adi (Egypte),
Tharwat Salah Chihata (Egypte), Mohamed Salah (Egypte), Mahfoudh Ould el-Walid
(Mauritanie) et Anas Sebaï (Libye). Enfin OBL aurait des intérêts financiers dans
différents pays dont l’Egypte et le Soudan. Les régimes répressifs africains trouvent
donc une plus grande légitimité dans leur volonté d’éradiquer le terrorisme intérieur
et, notamment, les mouvements ou personnes qui apparaissent dans ces listes américaines.
Ensuite sur le plan
de la sécurité des Etats africains, il faut souligner une conséquence néfaste.
En effet, le renforcement de la sécurité des pays riches, va ouvrir la porte aux
pays pauvres : ne pouvant pas assurer leur sécurité avec autant d’efficacité
que les pays riches, ceux-là risquent de devenir le terrain privilégié des attentats
contre les intérêts de ceux-ci. Cette conséquence pour l’Afrique est identique
toutefois pour l’ensemble des pays du Sud, de sorte que les ressentiments contre
le système international pourrait s’accroître notamment dans les pays à forte
composante islamique. Cet aspect est doublé du risque de bombardements sur certains
Etats africains dont le Soudan et la Somalie, pour collaboration avec les mouvements
terroristes, et des menaces résultant de la radicalisation de certains mouvements
islamistes sur le continent.
Enfin face à ces développements,
une lueur peut cependant apparaître, dans la nécessité d’un renforcement des
stratégies régionales communes de sécurité. En d’autres termes, la réaction
de l’Afrique pourrait être de renforcer le processus de régionalisation qui permet
assurément, une plus grande efficacité dans l’instauration d’une stabilité politique,
économique et sociale. Car le soutien d’organisations régionales notamment celles
auxquelles participe un grand nombre d’Etats arabes comme l’Organisation de la
Conférence islamique et la Ligue des Etats arabes, est important pour une plus
grande acceptabilité des mesures de lutte contre le terrorisme.
Cette régionalisation
est plurielle et s’effectue déjà notamment en Afrique de l’Ouest avec la Communauté
Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et en Afrique australe
autour de la Southern African Development Community (SADC). Mais elle peut
avoir une autre dimension qui est celle du rapprochement de régimes longtemps
rivaux. C’est le cas entre le Maroc et la Mauritanie : les rapprochements
récents ne peuvent qu’atténuer le caractère tendu des relations entre les deux
pays[59], et
peut-être aussi, leur opposition dans le différend du Sahara Occidental[60].
Dans le cadre de cette
régionalisation, des Chefs d’Etat se sont réunis à l’initiative de Abdoulaye
WADE, à Dakar le 17 octobre 2001, pour se concerter dans leur lutte contre le
terrorisme. Toutefois ce soutien à la coalition risque d’accentuer la lutte entre
différents chefs d’Etat africains pour le leadership continental : ce sera
à celui qui en fera le plus pour plaire aux Américains !
Parallèlement à cette
initiative africaine sans développement effectif pour l’instant, il y a aussi
une tentative de réponse de la Francophonie à laquelle l’Afrique serait forcément
partie prenante[61].
5) Propositions
Il résulte de cette
analyse globale, qu’un certain nombre d’actions s’inscrivant dans le cadre des
Nations Unies, pourraient permettre d’améliorer le contexte international et limiter
les conséquences néfastes du 11 septembre.
En tout premier lieu,
il est impératif de protéger la démocratie. Il faut que toute riposte à
des actions terroristes s’inscrive dans un état de droit incontestable[62].
Ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent, encore moins depuis le 13 novembre dernier
où George W. BUSH a officialisé sa décision de faire juger OBL et ses acolytes,
s’ils étaient arrêtés, par un tribunal… militaire, en violation des dispositions
constitutionnelles américaines et du principe général de procès équitable[63].
Le non respect des principes démocratiques sur lesquels se fondent nos Etats,
n’est qu’une victoire des terroristes car ils auront réussi à conduire ceux qui
se prétendent démocrates à user des mêmes armes qu’eux. Les mesures exceptionnelles
réclamées par l’administration Bush et accordées en partie par le Congrès (Patriot
Act, Octobre 2001), pour lutter contre le terrorisme sur le sol américain sont
fondamentalement contraires aux libertés publiques, surtout que ces mesures sont
appelées à s’appliquer durant… quatre ans[64]. Le
même problème se pose dans d’autres pays participant à la coalition à divers degrés.
Ainsi la France a pu extrader un présumé terroriste en Algérie où il encourt la
peine de mort. Au Royaume-Uni, une loi spéciale est aussi votée qui donne des
pouvoirs étendus à l’exécutif et donc à la police dans toute procédure contre
des présumés terroristes à titre principal comme acteur, ou à titre secondaire
comme complice. Le recours aux services secrets souffre des mêmes critiques car
il est difficile de déterminer les marges de manœuvre qui leur sont octroyées,
alors même que leurs responsabilités dans le développement de certains mouvements
terroristes dont AQ restent à préciser. Cela vaut plus particulièrement pour les
Etats-Unis : il demeure un flou persistant sur leurs relations avec OBL[65].
Il faut aussi promouvoir
une coopération effective de la communauté internationale avec les Etats-Unis
dans leur réponse aux attentats.
L’exercice du pouvoir
(légal, légitime) s’exerce aux dépens d’une réflexion voire d’une réorganisation
ou d’un renforcement des rôles des différents acteurs et groupes cibles dans le
conflit. Car l’intervention « légitime, légale » ne semble pas accompagnée
de mesures qui mettent en lumière les forces et les ressources jusque-là ignorées
d’un pays qui connaît la guerre depuis 1979. Or y a-t-il des possibilités en ce
sens sur le terrain du droit pour :
a) impliquer toutes
les communautés touchées (en particulier les femmes et le groupe Pachtoune),
b) respecter les points
de vue des communautés locales[66],
c) renforcer les capacités
des organisations locales autres que celles guerrières,
d) répondre aux problèmes
du peuple dans une perspective autre que médiatique, et de long terme,
e) reconnaître ce qui
sert à jauger la qualité de toutes les interventions c’est-à-dire la force, la
politique, l’humanitaire, la réhabilitation ?
Ces deux premières étapes
doivent s’inscrire dans une logique plus globale de promotion d’un nouvel ordre
mondial effectif. Pourquoi les Américains pressent-ils tous les Etats à adhérer
au Traité de non-prolifération, sans faire pression sur Israël aussi ?[67] Eyad
EL-SARRAJ[68]
attribue à Harry TRUMAN, la répartie suivante quand on lui demanda pourquoi il
ne prônait pas le respect des droits légitimes des Arabes en Palestine :
« Combien y a-t-il d’Arabes dans mon électorat ? ». Caricature
ou réalité ? Les politiques étrangères des Etats notamment des plus puissants
ne sauraient continuer à se construire exclusivement autour d’intérêts directs,
dans la forme exprimée par TRUMAN.
Quant à la position
adoptée par les Nations Unies, notamment le Conseil de sécurité, il faut s’interroger
sur la pertinence des mesures adoptées suite au 11 septembre, notamment celles
relatives à la légitime défense[69]. Ce
droit résulte-il de la Charte de San Francisco de 1945 ou trouve-t-il son origine
bien au-delà ? S’il s’agit effectivement d’un « droit naturel »
ou, de façon moins controversée, d’une coutume internationale antérieure à la
Charte de San Francisco, la Résolution 1368 du CSNU ne saurait être considérée
comme fondant un droit à la légitime défense des Etats-Unis. Et il faut apprécier
les opérations militaires américaines actuelles au regard du droit international
coutumier : les Américains ont-ils le droit en vertu de la coutume internationale,
de recourir à la force armée contre l’Afghanistan, après les attentats terroristes
du 11 septembre 2001 ? Surtout tant que la communauté internationale qui
ne se limite pas à quelques Etats, encore moins aux Etats seulement, n’a aucun
élément de preuve sur les relations entre OBL et le 11 septembre d’une part, et
entre OBL et l’Afghanistan notamment le régime des Talibans d’autre part. Les
Nations Unies auraient pu jouer un autre rôle que celui de concrétiser la volonté
américaine, de légitimer une action américaine au caractère démesuré. D’ailleurs
les réticences françaises à participer aux opérations militaires actuelles aux
conditions américaines ne résultent-elles pas du « doute méthodique »
que le gouvernement français nourrit vis-à-vis de la façon dont elles sont conduites ?
Ainsi Hubert VEDRINE a pu laisser entendre lors d’un colloque le 27 novembre dernier,
que le recours à la force en dehors de tout contrôle du Conseil de sécurité était
contraire au droit, et que les opérations actuelles entraient dans ce cadre[70].
Il faut s’interroger
aussi sur l’opposition des Américains aux questions débattues à la Conférence
Mondiale contre le Racisme (Conférence de Durban) ? Il n’est pas question
de défendre ici une quelconque idée de réparation financière de l’esclavage… mais
sur le principe d’une reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité,
il n’y a pas de doute que les Américains ont eu tort de s’opposer, surtout s’ils
avaient la garantie de l’absence de conséquences matérielles et pécuniaires. Les
Nations Unies ont là aussi un rôle à jouer : « amener le puissant à
la raison » (!) dans son propre intérêt. Car ces prises de position extrémistes
et marginales vont à l’encontre de leur adhésion affirmée à la justice.
Quant à la dimension
bonne gouvernance mondiale, Michel Camdessus a déjà affirmé qu’« il
est urgent d’associer les peuples des pays pauvres à la gouvernance du monde.
On ne peut se contenter de les faire asseoir sur un strapontin pendant vingt minutes,
comme on le fait dans les sommets du G8. »[71] Louise
Fléchette a surenchéri l’avis de Camdessus, lorsqu’elle a affirmé qu’il faut réduire
le fossé qui sépare les riches des pauvres. La concrétisation de ces idées a déjà
débuté avec le récent sommet des pays de l’OMC au Qatar où un certain nombre de
mesures discriminatoires ont été prises en faveur des pays du Sud. Là aussi les
Américains se sont, à tort, marginalisés en voulant imposer des vues contestées
à l’ensemble des pays, sous prétexte de menaces terroristes. Du chantage diplomatique
en somme.
Les Nations Unies peuvent
aussi jouer un rôle clef dans le cadre de la promotion du développement économique
et politique. Les activités des Nations Unies pour la reconstruction des États
ravagés par les guerres peuvent inspirer une politique globale. Les activités
d’assistance électorale, d’assistance constitutionnelle, etc. peuvent prendre
un rôle nouveau pour la promotion de ce nouvel ordre mondial. Mais il faut prendre
garde aux tentations d’hégémonie, non seulement politique, mais aussi culturelle.
Cette assistance ne doit pas être une simple transposition dans des sociétés très
diverses, de « recettes » de démocratie libérale. L’Agenda pour la
démocratie de Boutros BOUTROS-GHALI mettait clairement en garde contre ce
danger. C’est en cela que les Nations Unies, de par leur quasi-universalité, peuvent
jouer un rôle de premier plan, par rapport aux agences nationales d’aide au développement,
qui agissent forcément dans une perspective autocentrée. Les Nations Unies peuvent
exprimer un projet de société prenant en compte à la fois les relations internationales
et les sociétés elles-mêmes, un projet qui ne serait pas celui de la loi islamique
fondamentaliste, ni le projet de société libérale fortement américain, qui déplaisent
tous deux autant aux sociétés du Tiers-Monde.
S’agissant plus particulièrement
de l’Afghanistan, la nécessité de promouvoir un nouvel ordre mondial effectif
prend un sens pratique : les Nations Unies ne devront faire le jeu d’aucune
des parties ni afghane ni autre. Le nouveau pouvoir afghan doit résulter d’une
volonté populaire car seule la somme de la volonté de chacun des Afghans peut
déterminer le cadre juridique de leur société nationale. Cela doit constituer
un impératif majeur dans le processus de Petersberg[72]
que les Nations Unies ont initié. La position de l’Alliance du Nord par exemple,
tendant à exclure les Pachtounes du processus actuel, ne saurait donc être admise ;
encore moins celle générale aux différents groupes afghans pour la non admission
des femmes comme constituant un groupe propre. Cet impératif qui n’est que la
mise en œuvre des normes fondamentales des droits de l’homme, est universel et
les Nations Unies ne sauraient faire des concessions à cet égard.
Il peut être aussi tiré
profit du contexte, pour renforcer les Nations Unies en leur reconnaissant
le rôle primordial en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales,
au lieu de perpétuer la pratique des opérations déléguées[73]
ou en dehors de toute implication de l’organisation internationale.
Enfin il faut d’une
part promouvoir les conventions pour une plus large ratification et une
mise en œuvre globale et effective[74] ;
et d’autre part promouvoir un règlement pacifique du différend israélo – palestinien
en mettant sur pied l’Etat palestinien, et en instaurant des mesures de confiance
(de sécurité) entre les deux communautés… Le représentant du Burkina Faso l’a
bien souligné dans son intervention à l’Assemblée Générale des Nations Unies.
Dans la promotion des conventions, il peut être inscrit à l’ordre du jour, un
amendement de la Convention de Rome[75], s’agissant
de la compétence ratione materiae de la Cour, pour y inclure le terrorisme
dans sa dimension internationale uniquement. Cela sécuriserait d’autant la société
internationale, que les oppositions au processus pénal international dont les
Etats-Unis se font le chantre.
* C’est un groupe de réflexion sur les questions de sécurité en Afrique pour les Nations Unies (Département des Affaires Politiques) qui comprend actuellement (novembre 2001) : ADJOVI Roland (rapporteur), BIRAMBEUX François, GUEUYOU Mesmer, MONIN Matthieu, PEYRO LLOPIS Ana, TABIOU Nadia (à Paris) et JOH EPOKO Jean-Francis (New York). Ce rapport est le fruit des réflexions du groupe entre le 11 septembre et le 23 novembre 2001. Pour plus d’informations sur le groupe et ses activités, reportez-vous à l’espace qui lui sera bientôt dédié sur le Réseau International pour le Droit International (http://www.ridi.org/gnu/).
[1] Sur les causes de l’échec de ce quatrième avion, il y a deux versions. La plus courante est celle d’une résistance des passagers. Mais une seconde version fait état d’une action de chasseurs américains qui en abattant l’avion de ligne ont voulu éviter qu’il ne s’écrase sur une centrale nucléaire pour faire bien plus de victimes. Il ne nous a pas été possible de vérifier ces versions, c’est pourquoi nous les rapportons toutes.
[2] C’est un produit chimique qui est à l’origine de la maladie du charbon dont les formes sont diverses.
[3] Le jeudi 22 novembre 2001, une dame d’un certain âge, citoyenne sans aucun lien avec la classe dirigeante, serait morte des suites de la contamination. Ce qui amène à relativiser l’information que les institutions et les personnalités fédérales aient été les seules visées.
[4] En Allemagne, il ne s’est agi que d’une fausse alerte, tandis qu’au Japon les traces de l’anthrax semblaient bien réelles.
[5] Cf. Le Monde sur Internet, 30 octobre 2001, 11h46, Annick COJEAN, « Les Américains sont mis en garde contre de nouveaux attentats ».
[6] Il s’agit de la Section allemande de GREENPEACE, organisation non gouvernementale pour la protection de l’environnement. Cf. Hervé KEMPF, « Le tueur à l’anthrax serait-il un savant fou américain ? », Le Monde du 29 novembre 2001, 13h24 (édition électronique). Toutefois cette source de la contamination n’est nulle part, officiellement confirmée.
[7] La mention de cette piste peut s’expliquer par la volonté d’une partie de l’administration américaine d’en finir coûte que coûte avec le régime de Saddam Hussein toujours en place. Il faut donc une plus grande circonspection sur de telles affirmations.
[8] Notamment le général John Parker cité par l’article de Annick COJEAN.
[9] Cf. Courrier International du 10 octobre 2001, sur Internet « Alerte au Bacillus anthracis ».
[10] Cf. Chris BLACKHURST, « Et si les bioterroristes étaient américains ? », Courrier International sur Internet, (http://www.courrierinternational.com/mag/Dossier2.htm).
[11] Afsané Bassir POUR, « Ce n’est pas un acte de terrorisme, c’est une agression armée », Le Monde des 18 et 19 novembre 2001, p.14.
[12] Ce que semblent confirmer les développements actuels post-talibans : l’insécurité qui reprend le dessus (des journalistes ont été assassinés), l’alliance anti-taliban s’effrite avec une lutte intestine pour le pouvoir, le processus de constitution d’un gouvernement de coalition piétine…
[13] Afsané Bassir POUR, idem.
[14] Plus récemment, Agnès SINAÏ en faisait état dans son article « Le jour où le Sud se rebiffa », Le Monde Diplomatique, Janvier 2000, p.4 (http://www.monde-diplomatique.fr/2000/01/SINAI/13350.html).
[15] Nous disons « partiellement » car une menace terroriste est en soi assez irrationnelle pour qu’il soit possible de croire y répondre et de l’annihiler totalement.
[16] En atteste le dernier sommet Etats-Unis – Fédération de Russie (octobre 2001) où George W. BUSH et Vladimir POUTINE ont affiché une entente jamais égalée dans les relations entre les deux ex-Grandes Puissances de la guerre froide.
[17] Cette adhésion (novembre 2001, Conférence de Doha, Qatar) toutefois ne me paraît pas une mauvaise chose ni pour le monde entier, ni pour les Chinois eux-mêmes. C’est un processus de juridicisation des relations qui est souvent productif d’amélioration.
[18] Ce sommet s’est tenu du 20 au 21 septembre 2001.
[19] Concernant ce pays, il ne faut pas perdre de vue qu’il a aussi un mouvement fondamentaliste armé qui agit depuis l’Afghanistan, de sorte que sa participation à la coalition a aussi des accents d’objectifs de politique intérieure. Précisons juste qu’après la dissolution de l’ex-URSS, le nouveau pouvoir en Ouzbékistan avait jugé qu’il était de bon aloi de soutenir le développement de l’islam !
[20] Concernant le Pakistan, il faut :
- d’une part rappeler la position du gouvernement américain après le coup de force militaire à Islamabad : cf. ASIL.
- d’autre part, souligner que ce réchauffement des relations en faveur du Pakistan n’est pas sans poser d’autres problèmes notamment dans le conflit qui l’oppose à l’Inde. Cf. Pierre PRAKASH, « Inde – Pakistan : l’Amérique joue avec le feu », L’Express (2625) du 25 au 31 octobre 2001, 36-37.
Le Pakistan autrefois infréquentable en raison de la question nucléaire, a cessé trop brutalement de l’être en raison des seuls intérêts immédiats d’une coalition. Et le mode d’accession au pouvoir de l’actuel président n’est plus considéré comme une tard du régime.
[21] Pour ces deux pays en particulier, l’intérêt des Américains peut se justifier par la nécessité du secret autour des opérations qu’ils entreprennent. Or ces régimes ne sont pas très ouverts aux médias, de sorte que les Etats-Unis tirent un avantage certain, n’ayant pas besoin de déployer des moyens particuliers pour maintenir les opérations opaques.
[22] L’ONG Human Rights Watch parle de « opportunism watch » pour qualifier la politique des « yeux fermés » que les Américains allaient adopter pour mener leur lutte contre le terrorisme !
[23] Cf. les déclarations en ce sens du dernier sommet de l’Organisation de la Conférence Islamique (O.C.I.).
[24] Ainsi ces Etats réunis au sommet de l’Organisation de la conférence islamique ont adopté une déclaration en ce sens. Cf. Ridha KEFI, « OCI. Profil bas et faux-fuyants », Jeune Afrique / L’intelligent (2127) du 16 au 22 octobre 2001, pp.36-37). Mais ils ont aussi un fonds d’aide pour le peuple afghan (p.36).
[25] Cf. Daniel MAGUIRE (Milwaukee University, Wisconsin), « Le mal américain », Jeune Afrique / L’intelligent (2126) du 9 au 15 octobre 2001, 26-27. Voir aussi le débat en ligne sur le site de l’American Society of International Law (http://www.asil.org).
[26] Cf. Abdoulaye BATHILY, « Forum. Repenser les relations internationales », Jeune Afrique / L’intelligent (2126) du 9 au 15 octobre 2001, p.125.
[27] C’est une analyse résultant du néo-institutionnalisme (cf. S. J. BULMER, « The Governance of the EU : a New Institutionalist Approach », Journal of Public Policy 13 (4) 1993.
[28] Nous tenons cette allégorie de Serge SUR, professeur à l’Université Panthéon – Assas (Paris II), directeur du Centre Thucydide et de l’Annuaire Français de Relations Internationales (http://www.u-paris2.fr/afri-ct/).
[29] NGUYEN Quoc Dinh, DAILLIER Patrick et PELLET Alain, Droit international public, Paris, L.G.D.J., 1999, 6e éd., p. 948.
[30] Au sens de « non totalement instrumentalisée », même si c’est dans la logique politique de chaque Etat de réussir à l’instrumentaliser.
[31] Car dans une nouvelle vidéo diffusée sur Al Jezira le samedi 3 novembre, OBL a menacé les Nations Unies, les accusant d’être l’instrument d’une lutte contre les musulmans.
[32] Francis KPATINDE, « Un pays phare et attachant », Jeune Afrique / L’intelligent (2124) du 25 septembre au 1er octobre 2001, 47-48.
[33] Cf « Interview de Leila Shahid, Déléguée générale de la Palestine en France » sur (http://www.cedetim.org/newyork).
[34] Le Monde 28 septembre 2001, 12h43, sur Internet (http://www.lemonde.fr/).
[35] Le juge Gilbert GUILLAUME a donné à l’Académie de Droit International de La Haye, un cours sur le « terrorisme et le droit international » qui fait un excellent panorama. Cf. Recueil des Cours de l’Académie de Droit International 1989-III, Tome 215, 287-416.
[36] Cf. Le Monde Diplomatique,
nov. 2001, « Buts de guerre » d’Ignacio RAMONET, accessible sur :
(http://www.monde-diplomatique.fr/2001/11/RAMONET/).
[37] Ainsi de l’action de personnes célèbres comme Jean Moulin, Abdelaziz Bouteflika et Nelson Mandela, cette liste n’étant pas exhaustive.
[38] Car il faudra aussi une action contre les indépendantistes corses, les groupes d’extrême droite américains, etc.
[39] C’est une précision importante dans la mesure où cette liste a été établie en fonction d’une législation américaine, de sorte que l’adhésion à la coalition anti-terroriste actuelle implique un consentement tacite à un effet extraterritorial de ladite législation.
[40]Cf. Le Monde Diplomatique,
nov. 1999, « Les Talibans au cœur de la déstabilisation régionale »
par Ahmed RASHID, (http://www.monde-diplomatique.fr/1999/11/RASHID/12663).
[41] Cf. Courrier International sur Internet (http://www.courrierinternational.com), rubrique Le Fait du Jour, 29 octobre 2001, « Islamabad assiégé par le terrorisme »
[42] Cf. son ouvrage sur le choc des civilisations et son interview récente : Entretien avec Michel FAURE, « Samuel P. Huntington ‘Le dialogue entre les civilisations doit s’engager’ », L’Express (2625) du 25 au 31 octobre 2001, 122-126.
[43] Comme George W. BUSH a commencé à l’affirmer dès le 11 septembre.
[44] Information radio-diffusée sur la Radio France Internationale.
[45] Il s’agit non seulement du World Trade Center, mais aussi des moyens de communication (le trafic aérien dès le 11, la poste avec le bioterrorisme et d’autres points névralgiques comme les ponts ayant pu être « menacés » selon les autorités américaines).
[46] Il s’agit des experts du National Bureau of Economic Research (NBER) dont les travaux en matière de cycles économiques font autorité pour le gouvernement fédéral.
[47] Ainsi un Airbus A320 s’est écrasé sur le Queens à New York (début novembre), tandis qu’un Boeing a connu le même sort près de l’aéroport de Zurich (mi-novembre).
[48] Ainsi Abdelaziz BARROUHI en fait état dans son article « Maroc. Dommages collatéraux », Jeune Afrique / L’intelligent (2126) du 9 au 15 octobre 2001, 90-92.
Pour
une analyse plus globale sur le bassin méditerranéen, cf. Jean Raphaël CHAPONNIERE,
« Bassin Méditerranéen. L’impact du 11 septembre sur le tourisme »,
Marchés Emergents, revue économique de la DREE (4) 7 Décembre 2001, 1-2.
[49] Enquête publiée par Le Monde (4 et 5 novembre 2001). Dossier réalisé sur « L’argent noir du terrorisme » par Véronique MAURUS (voir aussi le schéma, p.13) : Jean-Claude POMONTI, « L’invisible présence d’AL-Qaida en Asie du Sud-Est », p.12 ; Jaques FOLLOROU, « L’enquête sur la nébuleuse Ben Laden piétine », p.12 ; Babette STERN, « La communauté internationale démunie », p.13 ; Erich INCIYAN, « Les talibans se privent des revenus de la drogue », p.13 ; Marc ROCHE, « Des paradis exotiques épinglés », et « Rarotonga, refuge des escrocs », p.14, « Guernesey, l’arrière-cour de la City », p.15, « La City face aux excès de l’islamophobie », 16-17, « Des bureaux de change providentiels », p.17 ; Philippe RICARD, « Le Liechtenstein sous haute surveillance », p.14 ; Marie-Claude DECAMPS, « Gibraltar veut se ‘blanchir’ », p.15 ; Sylvain BESSON, « La Suisse craint pour son ‘secret’ », p.16 ; Jean-Pierre STROOBANTS, « Le Luxembourg joue les bons élèves », p.17 ; Lucien GEORGE, « Beyrouth n’est plus ce qu’elle était », p.17 ; « La lutte contre le blanchiment », Interviews de Anne-José Fulgéras (par Jacques FOLLOROU), de Colin Powell (par Marc ROCHE) et de René Wack (par Pascale SANTI), p.18.
[50] Cette structure anti-blanchiment entretient un site Internet : (http://www.oecd.org/fatf/). Y sont publiés la plupart des résultats de ses travaux notamment les 40 recommandations sur la lutte contre le blanchiment et les rapports annuels où il est fait état de la coopération des Etats, ou… de l’absence de coopération.
[51] Cf. Jeune Afrique / L’intelligent (2127) du 16 au 22 octobre 2001, article titré « FMI – Banque mondiale. Au service des Etats-Unis ».
[52] A ce propos l’opération
américaine ne nous paraît pas s’inscrire dans le cadre de la légitime défense.
Pour ceux qui ont pu affirmer que les résolutions du Conseil de sécurité suffisent
à établir la légitimité de cette action (cf. les différents débats électroniques
sur la question à partir du débat de la revue Actualité et Droit International
http://www.ridi.org/adi/debat/usalegdef.htm),
il faut répondre que si le droit à la légitime défense est un droit naturel, il
ne saurait résulter d’une décision d’un organe qui ne lui est pas antérieur !
Il faut donc rechercher dans la coutume internationale les éléments d’appréciation
de la situation actuelle. Or selon cette coutume, seule l’agression armée justifie
le recours à la force dans le cadre de la légitime défense. Cette coutume est
confirmée par le projet final de la Commission du droit international sur la
responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite (Document des
Nations Unies A/56/10, pp. 189 et suivants). L’agression par les Etats dans le
cadre de la Résolution 3314 (XXIX) de 1974 comme « l’emploi de la force armée
par un Etat contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance
d’un autre Etat ». Les difficultés pour faire entrer les attentats du 11
septembre 2001, dans ce cadre sont réelles de sorte qu’il est difficile de considérer
comme incontestable l’admissibilité de l’action américaine au titre de la légitime
défense. Cette action s’apparente à des représailles déguisées. D’ailleurs s’agissant
des attentats de Nairobi et de Dar es-Salaam, les Américains avaient déjà bombardé
l’Afghanistan en se fondant sur le droit à des représailles armées. C’est là une
autre évolution normative négative, car le droit international humanitaire prohibe
toute action de ce type et la défense tu quoque ne saurait être admise
(cf. TPIY, Chambre de première instance, jugements du 3 février 1999 et du 14
janvier 2000, Kupreskic et autres).
[53] L’action du Conseil de sécurité depuis le 11 septembre, consacre le statut de « menace à la paix et à la sécurité internationales ». Autrefois, il n’y a que dans l’incident aérien de Lockerbie que le Conseil ait utilisé cette qualification, dans une décision.
[54] Aucun Etat n’a jusqu’à présent revendiqué un droit à « détruire les civils », de sorte qu’il pourrait en être déduit une opinio juris attestant de la prohibition des conséquences civiles… volontaires de la guerre. Mais il est clair que les Etats revendiquent de plus en plus l’admissibilité des « dommages collatéraux » qui ne sont rien d’autre que des conséquences civiles résultant soit de l’erreur militaire qui doit être sanctionnée, ou d’une volonté manifeste et non extériorisable en raison de la nécessité du politiquement correct de minimiser ces conséquences par rapport aux gains militaires dont le caractère éphémère n’est plus à démontrer.
[55] Cf. Le Monde sur Internet, 30 octobre 2001, 11h53. Patrick JARREAU, « Les Américains parachutent des armes aux forces anti-talibans »
[56] cf. François SOUDAN, « De Kaboul à Bagdad », Jeune Afrique / L’intelligent (2128-2129) du 23 octobre au 5 novembre 2001, 12-17.
[57] cf. Jeune Afrique / L’intelligent (2125) du 2 au 8 octobre 2001, p.14.
[58] Toutefois cela vaut hors d’Afrique. Ainsi l’Espagne a pu tirer profit, pour consolider sa lutte contre l’ETA.
[59] Les deux pays ont adopté un communiqué conjoint durant la visite de Mohammed VI à Nouakchott, du 10 au 13 septembre.
[60] Notamment avec le passage à l’Union Africaine, puisque la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) est aussi partie à l’Union Africaine.
[61] AFP (Paris) « Rencontre prochaine des pays francophones sur le terrorisme », mardi 30 octobre 2001, (http://www.cyberpresse.ca/reseau/politique/0110/pol_101100030363.html) : il est question d’une initiative du premier ministre québécois (Bernard Landry) pour une réunion de la Francophonie sur la question du terrorisme.
[62] Cf. la déclaration de Thessalonique, (http://www.lexana.org/statement.htm).
[63] Des membres du Congrès,
notamment des démocrates, ont émis les mêmes réserves vis-à-vis de cette décision
et ont adressé un courrier au président à ce propos.
[64] cf. USA Today (3346) Friday,
[65] cf. Richard LABEVIERE, « Ben Laden a reçu un agent de la CIA à Dubaï », 31 octobre 2001, Radio France Internationale sur Internet (http://www.radiofranceinternationale.fr). Information reprise par Associated Press (Paris) pour Cyberpresse (http://www.cyberpresse.ca/reseau/monde/0110/mon_101100030710.html).
[66] Le système des Nations Unies connaît-il effectivement ces communautés qui, semble-t-il, ne peuvent pas cohabiter ? Connaît-on les causes profondes de ces oppositions inter-afghanes ? Depuis le mardi 27 novembre, certains de ces groupes d’Afghans sont réunis à Petersberg en Allemagne pour négocier le processus après-taliban. Mais il est à craindre que le gouvernement de transition résultant des accords de Petersberg, ne constitue qu’une coopération d’apparence, une unité d’opportunité justifiée par la volonté de favoriser l’arrivée de la manne financière internationale qui permettra à l’appareil politique d’améliorer ses conditions sans que la population afghane ne soit véritablement bénéficiaire.
[67] Cf. Eyad el-Sarraj, « Un parti pris pro-israélien jamais démenti », Amin (http://www.amin.org) cité par Courrier International (572) du 18 octobre 2001, sur Internet, http://www.courrierinternational.com) (cf. aussi à propos de la participation d’Israël au TNP, le projet de décision de l’AGNU, A/C.1/56/L.15 intitulé « Vers un monde exempt d’armes nucléaires : nécessité d’un nouvel ordre du jour », présenté par l’Afrique du Sud au nom de la Coalition pour un nouvel agenda.
[68] Cf. note précédente.
[69] Cf. supra, notre
analyse sur la légitime défense.
[70] C’est là notre compréhension de ses mots pesés et des silences… Il s’agit du colloque organisé par le Comité International de la Croix Rouge en collaboration avec la Section Française de la Croix Rouge et d’autres organisations humanitaires, et l’Assemblée Nationale, pour fêter le centenaire du Prix Nobel de la Paix. Le thème en était « Premiers Etats Généraux de l’Action et du Droit International Humanitaires. Le Principe de la Responsabilité ».
[71] Cf. Jeune Afrique / L’intelligent (2126) du 9 au 15 octobre 2001, p.27, rubrique Ils ont dit, par Annik ROURE.
[72] Il s’agit de la Conférence inter-afghane que l’Allemagne a accueilli à Bonn à partir du 27 novembre 2001.
[73] Ainsi de la force internationale qui interviendra en Afghanistan pour assister le gouvernement de transition à assurer la sécurité.
[74] La ratification par la grande majorité des Etats, et la mise en œuvre effective des dispositions conventionnelles permettront que s’instaure un régime juridique universel contre le terrorisme.
[75] Il s’agit de la convention portant création d’une Cour pénale internationale (cf. http://www.un.org/icc/).