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Licéité du recours à la force armée en dehors des cas de légitime défense individuelle ou collective ou d'autorisation par le Conseil de sécurité
Comment participer au débat...
Stéphane Mortier, le 7 décembre 1999
Etudiant en Sciences politiques et en Sociologie à l'Université Libre de Bruxelles.

Le recours à la force est par définition illicite. Cependant, des règles de jus cogens, comme le droit de l'homme à la vie, pourraient tout à fait faire l'objet d'une intervention armée en cas de non respect. Cela doit à mon sens rester du domaine de l'humanitaire. A l'instar de l'intervention d'humanité du siècle dernier, l'intervention humanitaire serait mise en place lorsque la survie d'une population n'est plus assurée par les autorités l'ayant en charge. Il faut toutefois faire la distinction entre une intervention militaire d'assistance humanitaire (secours aux populations sans agir sur les causes des souffrances de celles-ci) et une intervention de protection humanitaire (agir directement sur les causes du problème). L'assistance humanitaire ne doit donc pas se confondre avec une situation d'usage de la force envers une tierce partie. Mais il est évident que faire une distinction entre ces deux concepts est relativement difficile à établir sur le terrain des hostilités. De plus, qui doit intervenir et quand ? L'autorisation préalable des autorités du pays concerné est toujours de mise. Nous sommes visiblement dans un imbroglio politico-juridique que le mouvement ingériste tente d'éclaircir avec ferveur mais avec peu de satisfaction.


S. Roland J.-B. Adjovi, le 30 novembre 1999
Moniteur de l’enseignement supérieur à l’Université de Bouaké (Côte d’Ivoire). Doctorant en droit international à l'Université de Paris II.

D'abord une remarque par rapport aux précédentes contributions. Il est théoriquement impossible que le Conseil de sécurité - s'il a été empêché d'autoriser l'intervention en raison de dissension entre les membres permanents - puisse réussir à condamner toute action d'intervention. Car ceux qui souhaitaient l'intervention opposeraient leur veto à une résolution la condamnant : c'était quelque peu la situation face à l'opération Forces Alliées menées par l'OTAN ou plus précisément certains de ses Etats membres au Kosovo. Sur le fond, l'énoncé même du débat rappelle les deux seules conditions de licéité du recours à la force armée : menace ou rupture de la paix (autorisation du Conseil de sécurité) ou légitime défense (individuelle ou collective). Aujourd'hui, à ma connaissance, aucune règle ne permet de sortir de ce cadre, ni le droit (encore moins le devoir) d'ingérence, ni encore le jus cogens. Ceci faisait déjà l'objet du précédent débat. Tout recours à la force armée - hormis les cas précités relatifs au Conseil de sécurité et à la légitime défense - reste illicite au regard du droit international positif. Mais la pratique des Etats est à mille lieues de cette position qui est fort théorique. Les Etats ont toujours - sinon souvent - eu recours à la force armée en prétextant la légitime défense ou l'autorisation implicite du Conseil de sécurité, selon les circonstances. On se souviendra, entre autres, des bombardements américains sur la Libye, sur le Soudan et l'Irak (avec le soutien britannique). Toutefois ceci n'est pas une spécificité occidentale, des Etats du Sud l'ont aussi appliqué : on se souviendra de l'Ouganda sous Idi Amin Dada (intervention de la Tanzanie) et plus récemment du Rwanda au Zaïre puis en République Démocratique du Congo (Intervention de l'Ouganda). L'opération Forces Alliées au Kosovo entre aussi dans cette catégorie. Cette pratique est-elle illicite ? De deux maux, il faut choisir le moindre. L'extermination programmée des Kosovars ne saurait l'emporter sur une exigence théorique du non recours à la force armée. Mais ceci n'est point un argument de juriste, celui-ci est plus cynique. Le droit est-il au service de l'humanité ou l'humanité au service du droit. L'existence de l'humanité détermine celle du droit, il faut donc que celui-ci assure la pérennité de celle-là. Là devrait être la magna lex !


Patrice Despretz, le 11 juillet 1999
Directeur de la revue.

Je tiens à remercier Benoît Tabaka d'avoir eu le courage de prendre aussi promptement part au débat et d'ainsi l'initier.
S'il s'avère que le recours à la force armée dans les rapports internationaux est actuellement illicite en droit international, sauf dans les cas de légitime défense individuelle ou collective ou sur autorisation du Conseil de sécurité, d'aucuns estiment souhaitable qu'il puisse être admis lorsqu'il s'agit de protéger une population civile victime d'atteintes massives aux droits de l'homme. Certains auteurs prétendent même que ce droit existe déjà.
Quoiqu'il en soit, Benoît Tabaka rappelle à juste titre que si tel devait être le cas, il faudrait encadrer ce recours à la force "en imposant bien un blocage du Conseil de sécurité avant toute intervention". Certes, mais dans cette hypothèse, l'intervention au Kosovo n'aurait pu avoir lieu et nous resterions bien dans un des cas traditionnels d'autorisation du recours à la force armée [par le Conseil de sécurité]. Je reste persuadé que si les règles actuelles d'autorisation du recours à la force armée ne sont pas toujours satisfaisantes, celles que l'on cherche à créer ou faire reconnaître seraient bien plus dangereuses, sauf à les encadrer de manière stricte. Mais alors, il subsisterait encore de nombreuses situations catastrophiques dans lesquelles l'autorisation ne pourrait être acquise, amenant d'autres juristes à demander encore et toujours un élargissement des règles d'autorisation du recours à la force armée.
La question de fond reste donc, selon moi : le droit international peut-il, doit-il, admettre d'autres cas d'autorisation de recours à la force armée dans les relations internationales ?


Benoît Tabaka, le 11 juillet 1999
Rédacteur de Jurisweb (http://jurisweb.citeweb.net/), étudiant en Droit à l'Université de Dijon-Bourgogne.

Le recours à la force peut-il être licite en dehors de tout cas de légitime défense [individuelle ou collective] ou d'autorisation de l'organe exécutif onusien ? La réponse peut être facile à formuler : il n'y a pas d'autre recours licite à la force. Cette réponse, conforme aux principes de jus cogens ou à la lettre de la Charte des Nations Unies, ne manquera pas d'apparaître dans ce nouveau débat, seulement, cette réponse respectueuse des règles traditionnelles du droit international, n'est pas la mienne. En effet, à l'heure actuelle, il n'est pas possible de cantonner dans ces trois schémas traditionnels et ancestraux, un moyen de coercition qui peut dans une certaine mesure s'avérer efficace, à condition de diminuer le nombre des fameux dommages collatéraux. Les trois formes retenues par le droit international actuel sont véritablement devenues obsolètes. D'un côté, la légitime défense individuelle n'est possible que lorsque le conflit oppose deux Etats souverains - ce qui n'était pas le cas du Kosovo - ; or, la majorité des conflits sanglants actuels sortent rarement des frontières d'un Etat. Ne pas intervenir serait un crime de "lèse humanité". Au milieu, se trouve la légitime défense collective, impossible à mettre en oeuvre puisque l'élément essentiel de ce mécanisme à savoir la réaction immédiate ne peut jamais être remplie. Enfin, sur l'autre rive, il existe le mécanisme instauré par la Charte des Nations Unies de 1945 qui prévoit la possibilité d'usage de la force sous couvert de l'autorisation du Conseil de Sécurité. Or, l'histoire l'a bien montré, à partir du moment où une opposition se rencontre au sein des 5 grands, tout usage de la force devient impossible. Ainsi, entre deux mécanismes originels devenus inutiles, entre un mécanisme impossible à mettre en oeuvre sans réforme de l'organe exécutif des Nations Unies, l'usage de la force devient un mythe. Seulement, ce mythe est nécessaire dans certains conflits, afin notamment de mettre fin aux exactions commises contre des populations civiles en raison de l'appartenance ou non à une ethnie prédéterminée. Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'affirmer, je considère que l'usage de la force peut être licite en dehors des 3 vieilles institutions, lorsque ce recours est nécessaire pour protéger des populations. La règle de jus cogens de protection des populations doit primer sur celle du non recours à la force, afin d'éviter la multiplication des génocides et autres crimes internationaux devenus inacceptables à notre époque. Mais, limitons les effets de cette solution en imposant bien un blocage du Conseil de sécurité avant toute intervention.

 
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