Cette chronique est plus longue que les
précédentes. Elle porte essentiellement sur les problèmes relatifs à la
protection de l’atmosphère au niveau mondial. Il est aujourd’hui
possible de se demander, au vu du comportement de certains Etats, si les
instruments juridiques existant dans ce domaine ne sont pas au fur et à
mesure purement et simplement vidés de leur substance. Comme nous le
montrerons, la perspective d’une entrée en vigueur prochaine du
Protocole de Kyoto s’éloigne de plus en plus. Surtout, l’attitude des
Etats-Unis lors de la 15e réunion des Etats parties au
Protocole de Montréal risque de remettre en cause son efficacité.
I. – Evénements récents
Un article paru dans
Le Monde signale que la Russie a annoncé par le biais de son
président qu’elle n’avait pas pour le moment l’intention de ratifier le
Protocole de Kyoto. Ce refus est problématique pour l’entrée en vigueur
de ce texte dans la mesure où les dispositions de ce dernier posent une
double condition à son entrée en vigueur. Premièrement, le Protocole
doit avoir été ratifié par un nombre suffisamment important d’Etats.
Cette condition est aujourd’hui remplie. Deuxièmement, les Etats ayant
ratifié le Protocole doivent représenter au moins 55 % de la production
mondiale de dioxyde de carbone. À l’heure actuelle, les Etats ayant
ratifié le Protocole ne représentent que 44 % de la production mondiale.
Or, il est notoire que la production russe est de l’ordre de 17 %. La
ratification russe entraînerait donc automatiquement l’entrée en vigueur
du Protocole (il faut cependant noter que l’entrée en vigueur est aussi
- et surtout - paralysée par le refus américain - notamment de
l’administration Bush). Quelles sont les raisons qui expliquent ce refus
russe ? Au-delà des explications amusantes de M. Poutine – concernant le
fait que les Russes verraient probablement d’un œil favorable une
augmentation de quelques degrés de leur climat, leur permettant d’avoir
des hivers moins rigoureux – il faut surtout y voir un moyen pour la
Russie de faire pression sur les Etats ayant ratifié le Protocole et
notamment sur l’UE. Les Russes essaient d’obtenir des garanties d’ordre
financier qui leur permettraient de moderniser leur secteur énergétique
qui est aujourd’hui si vétuste, qu’il les placerait dans l’impossibilité
de respecter les dispositions du Protocole. Voir l’article du
Monde du 1er octobre 2003. La conférence des Etats
parties s’est tenue à Milan mi-décembre. Elle fera l’objet d’une
chronique prochainement. Elle s’est achevée dans le pessimisme. Voir
l’article du
Monde du 13 décembre 2003.
Plusieurs articles ont été publiés dans
Le Monde concernant le naufrage du Prestige et ses conséquences.
Il y a maintenant un peu plus d’un an, le 19 novembre 2002, le pétrolier
le Prestige sombrait au large des côtes espagnoles. Il contenait environ
77 000 tonnes de pétrole. Le pétrolier continue aujourd’hui de polluer.
Son naufrage suscite de nombreuses questions.
-
Questions sur la responsabilité. Tous les
responsables potentiels ont disparu, sauf le capitaine du navire. Le
navire semble n’avoir jamais appartenu à quiconque, n’avoir jamais été
inspecté, ni assuré et encore moins financé. Le naufrage du Prestige
est malheureusement révélateur des pratiques maritimes. Le navire fut
construit en 1976 au Japon sur les instructions d’un Grec. Son
équipage était composé de Philippins et de Roumains. Il était affrété
par une société russe ayant son siège social en Suisse. Le navire a
battu pavillon panaméen pendant 26 ans. Au moment du naufrage, il
battait pavillon des Bahamas. Il appartenait alors à une société
domiciliée au Liberia en réalité détenue par des Grecs. Le Prestige
avait récemment fait l’objet de réparations insuffisantes à l’origine
du probable du naufrage en Chine. Il avait été inspecté aux Emirats
Arabes Unis par le représentant d’une société domiciliée au Texas…
-
Questions également sur l’importance du
dommage écologique qui ne fait jamais l’objet d’une indemnisation.
Pour le moment, les experts estiment que l’impact du naufrage se fera
encore ressentir pendant de nombreuses années sur la faune. Le
naufrage a entraîné des conséquences très importantes sur la pêche (-
23 % en 2003). De nombreux oiseaux de mer ont été touchés de manière
très importante par la pollution. Une espèce a ainsi aujourd’hui
presque entièrement disparu des côtes espagnoles. Les travaux de
nettoyage ont occasionné d’importants dommages à l’habitat côtier
et/ou terrestre de nombreuses espèces. La concentration maximale
d’hydrocarbures reste encore à un niveau élevé dans les fonds marins.
-
Questions sur l’indemnisation des
victimes. Le 20 octobre 2003, le
Fonds international
d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les
hydrocarbures (FIPOL)
a annoncé plusieurs décisions par le biais de son comité exécutif. Il
se proposait de limiter le taux de remboursement des victimes
seulement à hauteur de 15 % des dommages qu’elles ont réellement
subis. Aujourd’hui, le coût de la marée noire est estimé dans une
fourchette allant de 650 à 785 millions d’euros en Espagne et 100 à
200 millions en France. Le FIPOL dispose simplement d’une enveloppe
limitée à 170 millions d’euros. En mai, l’Organisation maritime
internationale (OMI) avait décidé de relever le plafond
d’indemnisation à un milliard d’euros dans un nouveau protocole. Ce
dernier n’est cependant pas encore appliqué en raison du peu de
ratification de la part des Etats. Or, la ratification du protocole
par les Etats membres de l’Union européenne suffirait à le rendre
applicable. Ce problème d’entrée en vigueur est d’autant plus
paradoxal que les Etats membres de l’Union ont entrepris de nombreux
efforts pour interdire leurs eaux territoriales aux navires-poubelles.
Voir les articles publiés dans
Le Monde les 21 octobre et 20 novembre 2003.
II. – Actualité des conventions du droit international de
l’environnement
La 15e réunion des Etats
parties au Protocole de Montréal s’est tenue à Nairobi au Kenya des 10
au 14 novembre 2003.
Une grande partie de notre chronique sera
consacrée à l’examen de cette 15e réunion des Etats parties,
en raison de l’existence de menaces américaines consistant à ne plus
respecter certaines de leurs obligations. Nous rappellerons dans un
premier temps le cadre juridique des instruments en matière de
protection de la couche d’ozone. Dans un deuxième temps, nous donnerons
des explications sur les raisons ayant conduit à la cristallisation des
négociations pendant la 15e réunion des Etats parties. Enfin,
dans un troisième temps, nous examinerons les conséquences juridiques de
cette décision.
A. – Cadre du
régime conventionnel mis en place pour protéger la couche d’ozone
Dès le début des années 70, les
scientifiques se sont alarmés de la dégradation continue de la couche
d’ozone. Ils ne savent pas encore aujourd’hui nous renseigner sur la
totalité des intérêts présentés par la couche d’ozone à l’échelle de la
planète. En revanche, un élément est certain : la couche d’ozone permet
la filtration des rayons ultraviolets émis par le soleil, qui sont
nocifs à la vie telle qu’elle a pu se développer sur terre. Forts de ses
observations, les scientifiques ont alerté la communauté internationale,
et notamment le PNUE. Le processus d’élaboration d’un instrument
juridique visant à limiter l’emploi de substances appauvrissant la
couche d’ozone est alors lancé. Il débouchera sur la conclusion de la
Convention de Vienne signée en 1985. Ce premier texte se borne à
déterminer le principe juridique de l’élimination progressive des
substances concernées, sans que les Etats aient des obligations
juridiques contraignantes quant aux matières dont l’emploi doit
disparaître.
Ce sera chose faite avec le Protocole de
Montréal, adopté seulement deux années après la conclusion de la
Convention (1987). Le Protocole désigne des substances reconnues comme
appauvrissant la couche d’ozone. Il comporte des mesures concernant le
gel et la réduction progressive et totale de la production et de la
consommation des substances qui appauvrissent la couche d’ozone. Les
Etats développés ont des obligations d’élimination qui suivent un
calendrier plus court dans le temps que les Etats en développement
(désignés à l’article 5 du Protocole). Le Protocole a été modifié par
une succession d’amendements, qui ont sans cesse rallongé la liste des
produits concernés et donc des obligations juridiques des Etats parties
(amendements de Londres datant de 1990, amendements de Copenhague datant
de 1992, amendements de Montréal datant de 1997 et amendements de Pékin
datant de 1999).
B. – Cadre des
négociations de la 15e réunion des Etats parties
Le Protocole de Montréal est reconnu comme
étant l’un des traités de droit international de l’environnement le plus
efficace, pour de multiples raisons. L’une d’entre elles tient notamment
au fait que des substances de remplacement avaient été mises au point
dès l’élaboration des instruments juridiques, permettant ainsi
l’élimination sans réelles difficultés des substances remplacées. Or,
cela n’est plus complètement vrai aujourd’hui pour certaines d’entre
elles. Cet élément nouveau risque de faire éclater le fonctionnement du
Protocole.
Des négociations laborieuses se sont
déroulées pendant la 15e réunion des Etats parties au sujet
d’une de ces substances qui n’a pas été entièrement remplacée par de
nouvelles substances et dont l’usage reste donc encore nécessaire dans
certains domaines limités. Il s’agit du bromure de méthyle qui est un
pesticide aujourd’hui utilisé pour la culture de fruits. Il est employé
afin de nettoyer le sol avant d’installer de jeunes plants. Voir
Le Monde
du 15 novembre 2003. En octobre 2003, la Communauté
européenne a fait circuler de manière officielle des
informations au sujet de l’adoption d’un calendrier approprié de
réduction du bromure de méthyle pour les Etats en développement. Selon
ce document, il apparaît que de nombreuses substances de remplacement
existent déjà sauf concernant deux applications : « aucun produit de
rechange adapté n’a été mis au point pour le ginseng en Chine et les
dattes fraîches en Afrique du Nord ».
Les mesures concernant le bromure de méthyle
sont différentes suivant les Etats concernés. Un
résumé des mesures de réglementation peut être utilement consulté
sur le site Internet mis en place par le
secrétariat des instruments juridiques concernant l’ozone. Ainsi, il
est notamment prévu à l’article 2H, tel qu’il a été modifié que :
-
Pour les Etats développés, le niveau de
production et de consommation de référence utilisé est 1991. Le gel de
la production et de la consommation a commencé à compter du 1er
janvier 1995. Une première réduction de 25 % a eu lieu le 1er
janvier 1999, une deuxième de 50 % le 1er janvier 2001, une
troisième de 70 % le 1er janvier 2003. Enfin, à compter du
1er janvier 2005, il ne sera plus possible d’utiliser le
bromure de méthyle. Cependant, des dérogations sont possibles aux fins
d’utilisations d’importance critique, c’est-à-dire dans les cas où un
Etat serait dans la situation où l’utilisation serait primordiale pour
son économie.
-
Pour les Etats en développement, la
situation est bien différente. Le niveau de référence des Etats sera
calculé à partir d’une moyenne se basant sur la moyenne des quantités
produites et consommées de 1995 à 1998. Le gel de la production et de
la consommation est organisé à compter du 1er janvier 2002.
Une première réduction de 20 % est mise en place à compter du 1er
janvier 2005 – date à laquelle, comme nous venons de le montrer la
réduction est de 100 % pour les Etats développés. Enfin,
l’interdiction de la production et de la consommation commencera à
compter du 1er janvier 2015, soit 10 ans après celle des
Etats développés. Notons également que des dérogations sont possibles
dans les mêmes conditions que pour les Etats développés.
-
Les mesures concernant les Etats en
développement sont transitoires, puisqu’il avait été décidé dans la
décision IX/5 de la 9e réunion des Etats parties que « la
Réunion des Parties décidera en 2003 de nouvelles réductions
provisoires spécifiques applicables au bromure de méthyle au-delà de
2005 dans les Parties visées au paragraphe 1 de l’article 5 »,
c’est-à-dire pour les Etats de développement. C’est pour cette raison
que la Communauté européenne est à l’origine du document d’informations
auquel nous faisions allusion plus tôt. Les discussions concernant le
bromure de méthyle étaient donc programmées.
-
De plus, la 15e réunion des
Etats parties devait se prononcer sur deux autres questions
délicates : désignation pour les dérogations aux fins d’utilisations
d’importance critique et conditions dans lesquelles ces dérogations
peuvent être accordées.
C’est dans ce cadre juridique qu’a surgi une
polémique dont les Etats-Unis sont à l’origine. Des rumeurs ont circulé
pendant la 15e réunion des Etats parties concernant leur
retrait éventuel du Protocole. Elles ont été alimentées par la
proposition de loi de 21 membres américains du Congrès consistant à
autoriser l’administration de protection de l’environnement (Environmental
Protection Agency ou EPA) à accorder aux industriels américains les
dérogations dont ils souhaiteraient bénéficier, sans tenir compte des
obligations déterminées dans le Protocole. Pendant la 15e
réunion des Etats parties, les délégués américains ont estimé qu’un
procès d’intention injustifié leur était fait.
Pour le moment, aucune décision sur le fond
n’a été prise au sujet des questions soumises à la 15e
réunion des Etats parties. Une réunion exceptionnelle concernera ces
questions. Elle se déroulera des 24 au 26 mars prochains à Montréal, au
Canada. Voir le projet de rapport des Etats parties à la 15e
réunion des Etats parties.
C. – Conséquences
juridiques du comportement des Etats-Unis
Plusieurs questions peuvent être posées en
ce qui concerne le comportement des Etats-Unis au sujet du bromure de
méthylène.
-
Comme nous le précisions à l’instant,
certains députés américains ont déposé un projet de loi contraire aux
obligations des Etats-Unis en application du Protocole. Est-il
possible de considérer qu’il s’agit d’une violation du Protocole ?
Selon l’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités, « tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté
de bonne foi ». Cet article détermine donc le principe suivant lequel
les Etats doivent respecter fidèlement leurs engagements. Il implique
notamment que les Etats introduisent dans leur droit interne les
dispositions correspondantes du traité, et donc ici que les Etats-Unis
se conforment à l’article 2H du Protocole. Quelles sont les règles
appliquées lorsqu’une disposition d’un Traité est en conflit avec une
norme nationale ? Plusieurs solutions méritent ici d’être rappelées.
Elles sont différentes suivant qu’elles sont fournies par l’ordre
international ou l’ordre interne. Seules nous intéressent ici les
premières. Tout d’abord, l’article 27 de la Convention de Vienne
précise que « Une partie ne peut invoquer les dispositions de son
droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité ». Cet
article est interprété comme conférant une supériorité aux règles
internationales sur les règles internes. Ensuite, non seulement, le
juge international utilise cette interprétation concernant des
conflits entre une règle conventionnelle et la constitution d’un Etat,
mais en plus, cette même interprétation est donnée pour régler les
contradictions entre une disposition d’un traité et une loi. Il ne
fait donc aucun doute que si les Etats-Unis décidaient de voter un
projet de loi contraire aux dispositions du Protocole, cela serait
susceptible d’engager leur responsabilité internationale pour
violation de l’article 2H du Protocole.
-
Est-il possible de considérer que le vote
de la loi par le Parlement américain pourrait constituer une
dénonciation du Protocole ? Pour répondre à cette question, plusieurs
points méritent d’être examinés.
-
Tout d’abord, le Protocole lui-même
autorise les Etats à dénoncer leurs engagements dans certaines
conditions. Cette possibilité leur est offerte dans l’article 19 :
« Toute partie peut dénoncer le présent Protocole, par notification
écrite donnée au dépositaire, à l'expiration d'un délai de quatre
ans après avoir accepté les obligations spécifiées au paragraphe 1
de l'article 2A. Toute dénonciation prend effet à l'expiration d'un
délai d'un an suivant la date de sa réception par le dépositaire ou
à toute date ultérieure qui peut être spécifiée dans la notification
de dénonciation ». Les Etats-Unis remplissent-ils aujourd’hui la
condition restrictive posée dans cet article ? Cela ne fait aucun
doute puisque l’article 2A concerne la production de CFC et qu’il
est respecté par les Etats-Unis depuis son entrée en vigueur.
-
Ensuite, il n’est pas inutile de revenir
sur la définition de la dénonciation. Il est généralement accepté
qu’elle est constituée par l’acte unilatéral d’un Etat de se délier
de ses engagements. La question peut donc se poser de savoir si le
vote par le Congrès américain du projet de loi concernant le bromure
de méthyle pourrait être assimilé à cet acte unilatéral. Ce n’est
pas évident. Première objection : la dénonciation doit répondre à
certains critères de forme et de procédure. Elle doit notamment être
notifiée aux autorités compétentes. Cela signifierait que les
Etats-Unis devraient officiellement informer le secrétariat du
Protocole. Deuxième objection : le vote d’une loi contraire aux
engagements internationaux d’un Etat ne saurait constituer un acte
clair de dénonciation. Si la loi était votée, faudrait-il en
conclure que les Etats-Unis n’ont plus l’intention de respecter la
totalité de leurs engagements en vertu du Protocole ? Ou bien, à
l’opposé, ce vote n’aurait-il de conséquences que vis-à-vis des
engagements concernant le bromure de méthyle ? Assimiler ce vote à
une dénonciation reviendrait donc à rejeter en bloc tous les efforts
d’application entrepris par les Etats-Unis pour respecter leurs
obligations. Or, il n’est pas ici inintéressant de rappeler que
depuis l’origine du Protocole, les Etats-Unis ont été un des piliers
moteurs de la protection de la couche d’ozone. Ils ont toujours
veillé à respecter leurs engagements. Aujourd’hui, les Etats-Unis
auraient d’autant moins intérêt à dénoncer la totalité du Protocole,
que, comme vu précédemment, de nombreuses substances de remplacement
sont déjà disponibles et commercialisées.
-
Il ne nous semble pas possible de dire
que le vote du projet de loi pourrait être assimilé à une
dénonciation juridique du Protocole, car il ne correspond pas
complètement à sa définition. Cependant, ce comportement pourrait
constituer une violation de leurs obligations, qui pourrait être
assimilée à une dénonciation de facto de leurs obligations
concernant le bromure de méthyle. Le seul intérêt que pourrait
présenter le comportement américain repose dans la mise en œuvre du
mécanisme de contrôle prévu, qui n’a jamais été appliqué
entièrement. Il constituerait probablement la réponse la plus
adaptée au vote du projet de loi.
-
La question la plus importante concerne la
mise en œuvre du mécanisme de contrôle élaboré dans le cadre du
Protocole. Une autre des raisons invoquées pour expliquer le bon
fonctionnement jusqu’ici du Protocole de Montréal tient à l’existence
d’une procédure de contrôle visant à vérifier que les Etats respectent
leurs obligations. La particularité de cette procédure est qu’elle
peut aboutir à la prise de sanction à l’égard d’un Etat. Les décisions
allant dans ce sens sont susceptibles d’être adoptées par l’ensemble
des Etats à l’occasion d’une réunion des Etats parties. Des réponses
graduelles peuvent être adaptées en fonction des raisons expliquant
que l’Etat ne se conforme pas à ses engagements. Si l’Etat est de
bonne foi, c’est-à-dire s’il a tout mis en œuvre pour respecter ses
obligations, mais qu’il n’y parvient pas, il peut se voir accorder une
assistance qui peut relever d’ordre très varié – financière,
juridique, technique, etc. Même dans ce cas, la réunion des Etats
parties peut réagir en adoptant des mises en garde à l’égard d’un
Etat. Jusqu’à maintenant, la pratique révèle que les diverses réunions
des Etats parties ne sont jamais allées au-delà de ce type de mesures.
Cependant, la procédure peut également aboutir à la prise de sanction
contre un Etat. Pour ce qui concerne les Etats-Unis, il ne fait aucun
doute que son comportement révélerait une mauvaise foi notoire dans
l’application de ses obligations en vertu de l’article 2H si jamais le
projet de loi était voté. Il serait donc tout à fait possible que des
mesures puissent être prises contre les Etats-Unis au titre de cette
procédure. Il est difficile de dire si ces mesures pourraient aboutir
à la prise de sanction, car ce type de mesures n’a jamais été adopté.
Le comportement américain – s’il est confirmé – peut constituer un
précédent fâcheux, « invitant » d’autres Etats à faire de même. Cela
pourrait provoquer la dislocation du Protocole, en remettant en cause
de manière très profonde l’équilibre du Protocole.
En guise de conclusion, il semble donc
possible de dire que les Etats-Unis s’orientent aujourd’hui vers un
unilatéralisme généralisé qui trouve également à s’appliquer dans le
domaine des conventions du droit international de l’environnement. Quel
est alors l’avenir des instruments multilatéraux existant dans ce
domaine ? Comme le montrent les réflexions développées suite aux
dernières négociations menées dans le cadre des instruments juridiques
sur les changements climatiques, la coopération internationale peut-elle
valablement se passer des Etats-Unis qui sont un acteur incontournable ?
Les autres Etats ou groupes d’Etats et notamment l’Union européenne
ont-ils vraiment les moyens d’imposer à leurs industries de nouvelles
contraintes qui risquent de susciter des distorsions de concurrence par
rapport aux autres entreprises sur lesquelles ces nouvelles contraintes
ne pèseront pas ? Une chose est sûre : les négociations semblent
aujourd’hui au point mort. Il reste à espérer que les Etats-Unis sauront
entendre la voix de la raison.
Thierry Vaissière
thvais@wanadoo.fr
Décembre 2003
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