Cette chronique sera essentiellement
consacrée à l’examen de la 9e réunion des Etats parties au
Protocole de Kyoto.
Le 28 novembre 2003, l’Arménie est
devenue le 50e Etat ayant ratifié la Convention de Rotterdam
qui porte sur le commerce international des produits chimiques et
pesticides dangereux. Elle entrera en vigueur dans un délai de 90 jours.
La 10e session du Comité de négociation intergouvernemental
s’était tenue à Genève des 17 au 21 novembre 2003.
L’intérêt de la Convention est d’instaurer
une coopération entre les Etats souhaitant entretenir des relations
commerciales portant sur les produits chimiques et pesticides dangereux.
Pour cette raison, la Convention contient des dispositions relatives à
l’échange d’informations sur les particularités de ces substances et
instaure un processus de décision interne à chaque Etat concernant
l’importation et l’exportation des produits en question.
Le Comité de négociation intergouvernemental
joue en quelque sorte un rôle intérimaire tant que la Convention n’est
pas encore entrée en vigueur. Plusieurs questions étaient à l’ordre du
jour de la 10e réunion :
-
Inclusion dans la liste des substances
concernées par la Convention de nouveaux pesticides (exemple :
décision UNEP/FAO/PIC/INC.10/7 - Application de la procédure PIC aux
produits chimiques amiantes Amosite, Actinolite, Anthophylillite,
Tremolite et Chrysotile). Cela devrait permettre d’allonger la liste
des substances concernées.
-
Création d’une procédure de contrôle à
l’instar de celles qui existent déjà dans d’autres instruments du
droit international de l’environnement. L’intérêt de ces procédures
est qu’elles permettent un contrôle de la mise en œuvre par les Etats
de leurs obligations conventionnelles.
La Convention devrait voir sa notoriété
augmenter à compter de son entrée en vigueur prochaine.
La 9e conférence des Etats
parties de la Convention-cadre sur les changements climatiques s’est
déroulée à Milan des 1er au 12 décembre 2003.
Notre examen de la conférence sera divisé en
deux parties. Dans une première partie, nous verrons où en sont les
discussions et les enjeux de l’application du Protocole de Kyoto. Dans
une seconde partie, nous analyserons les débats de la 9e
réunion des Etats parties. Les discussions dépendant évidemment de
l’absence d’entrée en vigueur du Protocole, les Etats parties ont donc
travaillé sur des points secondaires.
A. - Enjeux de
l’application du Protocole
Comme nous le précisions dans notre
chronique précédente, il n’apparaît pas aujourd’hui que nous nous
orientons vers une application du Protocole de Kyoto dans un avenir
proche, en raison du refus des Etats-Unis et de la Russie de le
ratifier. De leur côté, les Etats-Unis n’ont toujours pas la moindre
intention de ratifier le Protocole signé en 1997. Selon cet Etat, la
solution aux changements climatiques ne réside pas dans des obligations
juridiques contraignantes pesant sur les Etats, mais sur le seul progrès
technologique. La sous-secrétaire d’Etat américaine a fait des
interventions dans ce sens à l’occasion de la dernière conférence des
Etats parties. Voir l’article du
Monde datant du 13 décembre 2003. Elle défendait même l’idée que les
Etats-Unis, étant à la pointe de la recherche dans ce domaine, disposent
d’une position de leader… Pendant ce temps, les autorités russes
multipliaient les déclarations contradictoires. Le représentant russe de
la conférence confirmait que la ratification par son pays du Protocole
représentait peu d’intérêt. Dans le même temps, le Premier ministre
russe déclarait à un journal japonais que son gouvernement disposait
d’un plan d’action préalable à la ratification par la Russie du
Protocole.
Ces attitudes ne présagent donc pas de
l’entrée en vigueur rapide du Protocole. Pour le moment, seuls certains
Etats l’ont ratifié (il s’agit essentiellement de l’UE, du Japon et du
Canada). Ils risquent d’être de plus en plus isolés s’ils souhaitaient
quand même le respecter. Au bout du compte, ces Etats vont devoir
imposer de nouvelles contraintes à leurs entreprises. Ces dernières
commencent à craindre des distorsions de concurrence résultant de
l’application de ces nouvelles règles et l’absence de telles règles pour
les entreprises d’autres régions du monde. Ces remarques se trouvent
aujourd’hui de plus en plus souvent relayées par les Etats où sont
situées les entreprises concernées. Ainsi, alors que l’UE s’apprête à
appliquer certaines des dispositions contenues dans le Protocole d’ici
2005, certains Etats membres comme l’Italie sont de plus en plus
réticents à appliquer le Protocole sans la participation de la Russie et
des Etats-Unis. C’est à l’occasion d’une réunion des 15 ministres de
l’énergie de l’UE que le ministre italien s’est exprimé dans ce sens. La
réunion du Conseil de l’UE s’est tenue le 15 décembre 2003, soit trois
jours après l’achèvement des débats lors de la 9e conférence
des Etats parties. Voir l’article du
Monde datant du 17 décembre 2003. Cet article souligne que certains
Etats membres – notamment les Etats du Sud de l’UE – ont pris du retard
dans l’application des directives relatives à la mise en place d’un
marché de droits d’émission. Un rapport publié début décembre 2003 par
l’Agence européenne de l’environnement souligne que les efforts
entrepris par les Quinze pour réduire leurs émissions de gaz à effet de
serre sont insuffisants. Le Protocole prévoit que pour réduire leurs
émissions, le niveau de production servant de référence est celui de
1990. En principe, il est prévu que les Etats parties doivent avoir
réduit leurs émissions de 8 % en 2012 par rapport au niveau de 1990.
Aujourd’hui, les Etats membres de l’UE sont parvenus à réduire leurs
émissions de 2,3 %. Or d’après l’Agence européenne de l’environnement,
ce rythme est insuffisant pour respecter les dispositions du Protocole.
L’avenir du Protocole reste donc soumis à
bien des incertitudes.
B. - Les débats de
la 9e conférence des Etats parties à la Convention-cadre
La 9e conférence des Etats
parties à la Convention-cadre sert de réunion aux Etats parties au
Protocole de Kyoto. Dans ce cadre, un certain nombre de questions
devaient être abordées. Si les débats sont fortement influencés par la
perspective de ne pas voir entrer en vigueur le Protocole prochainement,
il n’empêche que les Etats se sont prononcés sur plusieurs points qui
présentent un intérêt certain. Ces questions ont notamment porté sur les
activités en rapport avec l’utilisation des terres, les modifications
survenues dans l’utilisation des terres et de la foresterie (désignée
par l’abréviation LULUCF). Ces activités relèvent de l’article 12 du
Protocole qui concerne l’instauration d’un « mécanisme pour le
développement propre ». En réalité, le Protocole de Kyoto instaure trois
mécanismes particuliers : le mécanisme pour le développement propre, un
système d’échange de droits d’émission et l’exécution conjointe.
Dès la 4e conférence des Etats
parties datant de 1998, les Etats se sont mis d’accord sur le fait qu’il
fallait préciser les modalités de fonctionnement de ces trois
mécanismes. La 6e conférence des Etats parties est revenue
sur ces questions à deux reprises, en novembre 2000 et en mars 2001, en
raison de l’existence de désaccords importants. Lors de la seconde
partie de cette 6e conférence, les Etats-Unis ont alors fait
savoir q’ils n’avaient nullement l’intention de ratifier le Protocole,
l’administration américaine allant même jusqu’à qualifier le Protocole
de « fatalement défectueux ». Aucun accord n’a pu être trouvé sur les
trois mécanismes et le LULUCF. Un ensemble de mesures a été proposé lors
de la 7e réunion des Etats parties qui s’est tenue à
Marrakech en novembre 2001. Certaines d’entre elles concernent les
mécanismes et le LULUCF. Ces propositions ont été adoptées dans ce qui
est appelé les « accords de Marrakech ». C’est dans ce cadre
qu’intervient la 9e conférence des Etats parties.
Le principal apport de la 9e
conférence des Etats parties réside dans l’accord trouvé au sujet de
LULUCF dans le cadre du mécanisme de développement propre. La décision
CP.9 contient donc des détails sur les modalités et procédures
concernant les projets d’activités relatives au boisement et reboisement
dans le cadre du mécanisme de développement propre.
Pour quelles raisons ces questions relatives
à la foresterie et l’agriculture sont-elles importantes ? Il est ici
nécessaire de rappeler qu’elles jouent un rôle majeur dans l’importance
de la production des gaz à effet de serre au niveau planétaire. En
effet, les forêts contiennent de vastes réserves de carbone. Certaines
jouent le rôle de puits car elles absorbent le carbone dans l’atmosphère
et en réduisent donc les quantités qui y sont présentes. D’autres
constituent des réservoirs lorsqu’elles ont des flux de carbone
équilibrés. Déboiser revient donc très souvent à renforcer la présence
du carbone dans l’atmosphère. Dans le même temps, l’agriculture est à
l’origine de l’émission de gaz à effet de serre tels que le méthane,
produit, par exemple, par l’élevage, la culture du riz et le recours aux
engrais.
Il était donc primordial
que la conférence des Etats parties, dans le cadre du mécanisme de
développement propre, parvienne à mettre en place une procédure visant à
gérer les forêts afin de réduire leurs émissions de dioxyde de carbone.
De ce point de vue, il est donc possible de dire que la 9e
conférence constitue une réussite portant, certes, sur des questions
subsidiaires. L’enjeu principal demeure bien sûr l’entrée en vigueur du
Protocole.
Thierry Vaissière
thvais@wanadoo.fr
Janvier 2004
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