La présente chronique a pour objet
d’évoquer la future ratification par la Russie du Protocole de Kyoto,
comme cela a été rapporté dernièrement par la presse. Voir, par exemple,
les articles parus dans le journal
Le Monde les
30 septembre
et 1er octobre 2004.
Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises
dans nos chroniques précédentes les difficultés que rencontre le
Protocole de Kyoto pour entrer en vigueur (voir notamment la
chronique du mois de janvier
2004).
La ratification du Protocole par la Russie
semble aujourd’hui acquise, puisque le Conseil des ministres russe a
pris la décision – le 30 septembre 2004 – de transmettre à la Douma le
projet de loi autorisant la ratification du Protocole (Voir à ce sujet
le
communiqué de presse en date du 30 septembre 2004 du Secrétariat de la
Convention-cadre sur les changements climatiques (en anglais).
Ndlr, 5 novembre 2004 : après autorisation par le Parlement russe, la ratification
du Protocole a été signée par
le chef de l'Etat, Vladimir Poutine, et l'instrument déposé auprès des
Nations Unies le 18 novembre 2004. Le Protocole entrera donc en vigueur
le 16 février 2005. Voir
« Kyoto en vigueur dans 90 jours », Centre de nouvelles ONU, 18
novembre 2004).
Jusqu’à aujourd’hui, le Protocole de Kyoto
n’avait pu entrer en vigueur dans la mesure où l’une des deux conditions
cumulatives qu’il impose n’était pas remplie. Le Protocole prévoit en
effet pour son entrée en vigueur une ratification par au moins 55 Etats,
eux-mêmes parties à la
Convention-cadre sur les changements climatiques
signée à Rio en 1992. Parmi ces 55 Etats, les Etats développés, tels que
définis dans la Convention, doivent en outre représenter au moins 55 %
de la totalité des émissions mondiales de dioxyde de carbone, calculés
par référence au niveau d’émission de 1990. À ce jour, seule la première
des deux conditions est remplie. Les Etats développés ayant ratifié le
Protocole de Kyoto ne représentent en effet que 44,2 % des émissions de
la totalité des gaz à effet de serre.
La ratification du Protocole par la Russie
entraînera son entrée en vigueur, puisque la totalité du niveau des
émissions en 1990 de la Russie représentait 17 %. La seconde condition
sera donc remplie. Selon les termes du Protocole, celui-ci entrera alors
en vigueur 90 jours après la réception du dépôt de l’instrument de
ratification de la Russie au siège des Nations Unies à New York.
Nous avions indiqué à plusieurs reprises que
les négociations entreprises à l’initiative de l’Union européenne pour
convaincre la Russie de ratifier le texte avaient pris récemment un
tournant décisif, dans la mesure où la Russie avait fait part de son
souhait de rentrer dans l’Organisation mondiale du commerce. En réponse,
l’Union européenne lui avait fait savoir qu’elle ne soutiendrait sa
candidature que si elle faisait preuve de bonne volonté sur le dossier
des changements climatiques. De ce point de vue, la ratification russe
peut être considérée comme une victoire de la diplomatie européenne, qui
a beaucoup œuvré pour que cet Etat s’engage sur cette voie. Cela n’est
pas étonnant, puisque l’Union européenne, étant l’une des seules zones
où les Etats se sont engagés à respecter le Protocole, est aussi celle
qui avait le plus à perdre en faisant peser sur ses entreprises des
contraintes qui vont avoir des répercussions économiques. Il faut en
effet rappeler que le Protocole prévoit un effort collectif dans la
réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 5 % pour la
période 2008-2012 par rapport au niveau de référence de 1990, étant
entendu qu’il ne s’agit que d’une première étape, qui doit être suivie
de mesures plus drastiques encore. Concrètement, cet effort sera
essentiellement supporté par les entreprises qui vont devoir s’équiper
de telle sorte qu’elles puissent limiter leurs émissions. Or, on sait
que les émissions de gaz à effet de serre ont également d’autres sources
que les sources industrielles, et en particulier les transports.
Nous pouvons aussi nous poser des questions
sur le sens de la ratification russe – acquise en raison des pressions
européennes. De quelle manière la Russie va-t-elle se donner les moyens
de respecter le Protocole ?
En outre, l’application du Protocole
a-t-elle encore un sens, alors que les Etats-Unis – l’Etat à l’origine
de la plus grande partie des émissions – refuse catégoriquement de
ratifier le Protocole ? Certes, l’Union européenne espère ainsi isoler
un peu plus ce pays au sujet de sa politique internationale en matière
d’environnement. Mais les Européens doivent-ils en payer le prix ?
Les difficultés liées à
l’entrée en vigueur du Protocole semblent donc en passe d’être résolues.
Il sera intéressant de suivre l’évolution de l’application du Protocole,
et surtout de voir vers quelle architecture juridique le Protocole va
être orienté. Quelles seront les futures obligations des Etats dans ce
domaine ? Quels seront les Etats concernés par ces obligations ? Cette
question risque de provoquer bien des débats, tant certains Etats
augmentent aujourd’hui de manière très importante leurs émissions de gaz
à effet de serre, alors même que d’autres sont obligés de les réduire.
Thierry Vaissière
thvais@wanadoo.fr
2 octobre 2004
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