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ONU et maintien de la paix :

Nouveau rapport sur le maintien de la paix - Nouvelles du terrain - Situation en Bosnie-Herzégovine - Kosovo.

 

par Matthieu Monin (9 mai 2001)

 

Un nouveau rapport sur le maintien de la paix : 

L’Organisation continue sa remise à plat du fonctionnement de ses opérations de maintien de la paix. Après le « rapport Brahimi », publié cet automne (voir notre article paru dans cette revue : Rapport du Groupe d'étude sur les opérations de paix des Nations Unies), le Secrétaire général a rendu au Conseil de sécurité le 20 avril 2001 un rapport intitulé « Pas de sortie sans stratégie » (format PDF). Il est consacré à la fin des opérations de maintien de la paix, c’est à dire le retrait d’une mission, que son mandat soit accompli, ou qu’il  apparaisse clairement qu’il ne le sera jamais.

En filigrane, c’est du critère du succès ou de l’échec d’une opération de maintien de la paix dont il s’agit, et du partage des responsabilités dans ce domaine entre l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité. Malgré la pléthore de publications que suscite le maintien de la paix, ce thème a rarement été développé (mis à part l’excellent article de Patrick DAILLIER, « La fin des opérations de maintien de la paix des Nations-unies », AFDI, 1996, pp. 62-78).

Nous reviendrons en détail sur ce rapport dans un article à paraître prochainement (cf. MONIN M., "La prise de décision au Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix : « Pas de sortie sans stratégie »", cette revue, juillet 2001).

 

Nouvelles du terrain : Kosovo et Timor

Deux nouvelles, a priori sans lien, viennent s’entrechoquer dans un contraste saisissant : au Kosovo, les représentants de la Mission de l'ONU (MINUK) et les autorités serbes et yougoslaves sont tombés d'accord sur le principe du prélèvement des impôts par la MINUK dans la province. Dans le même temps au Timor, on peut lire sur le site de la MINUTO que l’Autorité Transitoire a achevé son appel d’offres afin de désigner une entreprise pour débarrasser Dili, la capitale du territoire, de ses ordures. Le travail était auparavant réalisé par deux entreprises, équipées de seulement deux camions, prêtés par le PNUD.

La mise en place d’une fiscalité autonome au Kosovo était un objectif de longue date de la MINUK. Selon les prévisions du Secrétaire général, les recettes locales devraient représenter 70 % des 500 millions de DM de dépenses pour l’année 2001, contre 50 % en 2000.

Le budget du Timor, avec les 500 millions de dollars, peut sembler mieux fourni. Mais sur les millions annoncés, 150 n’ont pas été versés, et une part de 60 % est consacrée à la nourriture de la population et à la construction de logements, alors qu’au Kosovo, la MINUK ne consacre que 6 % de son budget aux « situations d’urgence ».

 

Pour le Kosovo, voir :

S/2001/218 - Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo, en date du 13 mars 2001.

Pour le Timor, voir :

S/2001/42 - Rapport du Secrétaire général sur l'Administration transitoire des Nations Unies au Timor oriental (pour la période du 27 juillet 2000 au 16 janvier 2001), en date du 16 janvier 2001.

 

Situation en Bosnie-Herzégovine

Les tensions et les frustrations au sein de la population de Bosnie ont brutalement refait surface ces derniers temps. C’est certainement en Bosnie que la « communauté internationale » s’immisce le plus profondément dans les questions locales. En effet, l’intervention internationale cherche à remodeler la société de fond en comble, utilisant toute la palette des vastes pouvoirs attribués au Haut-représentant par les accords de Dayton (1995).

Il peut donc sembler logique que ce soit sur ce territoire que les réactions hostiles à l’égard des intervenants prennent les formes les plus violentes. Ainsi, durant le mois d’avril, de très sérieuses manifestations ont menacé le Haut-représentant lui-même, selon le International Herald Tribune (« In Sarajevo, Keepers of Peace Are the Targets », 17 avril 2001), obligeant les militaires de l’OTAN à assurer sa défense. 

A l’origine de ces remous, se trouve l’opposition entre l’administration internationale et le HDZ, parti nationaliste croate.

Les élections de septembre 2000 ont vu reculer l’audience du HDZ, et une coalition de partis non-nationalistes s’est installée à la direction de la Fédération de Bosnie-herzégovine, pendant que l’alternance politique en Croatie faisait disparaître le soutien dont le HDZ jouissait de la part de Zagreb. Craignant de perdre ainsi le support de la population croate de Bosnie, le HDZ s’est engagé dans un bras de fer avec l’administration internationale.  Ainsi, les membres du HDZ annoncèrent le 14 février qu’ils boycotteraient la formation des exécutifs locaux et étatiques, et effectivement, ils adoptèrent la politique de la « chaise vide », ne se présentant pas aux sessions. De plus, le HDZ tenta de créer des structures parallèles croates, qui concurrençaient directement le fragile édifice institutionnel porté à bout de bras par la communauté internationale depuis les accords de Dayton. En réaction, le Haut-représentant Wolfgang Petrisch démissionna le président du HDZ, Ante Jelavic, ainsi que plusieurs membres éminents de son parti des postes où ils avaient été élus.  

La tension monta d’un cran supplémentaire le 18 avril. Depuis un certain temps, l’administration internationale cherchait à couper les sources de financement du HDZ.

Le bureau du Haut Représentant avait appris qu’il existait des liens entre une banque, la Hercegovacka Banka et le parti HDZ. La banque fut placée sous administration provisoire le 5 avril.  Le lendemain, l’administrateur provisoire nommé par le Haut-représentant vint chercher les archives et des documents dans diverses succursales de la banque. Mais ils furent accueillis par des émeutiers furieux et déterminés à ne pas laisser la nouvelle administration s’emparer des archives de la banque. A la fin de la journée, 20 membres du personnel international avaient été blessés, et aucun document n'était saisi.

Il fut décidé de récupérer ces archives par la force, avec le soutien de la SFOR. Ce fut donc chose faite dans la nuit du 18 avril. Un fort détachement militaire accompagna les fonctionnaires internationaux dans leur perquisition, et permis d’ouvrir les coffres à l’explosif.

Le lendemain, les nationalistes croates organisèrent de violentes manifestations durant lesquelles plusieurs membres de l’administration internationale furent pris en otage et menacés. L’intervention de la SFOR fut à nouveau nécessaire pour protéger le Haut-représentant de la colère des partisans du HDZ.

La situation est redevenue plus calme depuis, et des contacts ont repris entre l’administration internationale et les nationalistes croates. Ainsi, le 26 avril, Le Chef de mission de l’OSCE sur place recevait plusieurs délégations de croates de Bosnie. Les échanges furent qualifiés de « francs », et le dialogue de « constructif et utile ». 

Lors de son allocution de nouvel an, le Haut-représentant W. Petrisch avait prévenu qu’au vu de la situation économique et des perspectives d’évolution, 2001 serait l’année la plus difficile depuis les accords de Dayton. Dans ce contexte, nul doute que la manière dont cette crise sera gérée aura une importance décisive pour l’avenir d’une Bosnie multiethnique.

 

(Sources : OSCE, OHR, International Crisis Group, International Herald Tribune).

Kosovo : confusion autour du projet de cadre institutionnel

Après le succès des élections municipales tenues au Kosovo, la MINUK cherche à profiter de la dynamique vertueuse enclenchée. Ainsi, des « élections générales » sont prévues pour cette année. Mais avant de tenir ce scrutin, décisif pour le statut futur de la province, il faut définir un statut légal transitoire pour le Kosovo. Actuellement, le seul texte servant de base à l’organisation des pouvoirs publics est la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, qui laisse carte blanche aux Représentants spéciaux des Nations-unies. Si Bernard Kouchner et son successeur, Hans Haekkerup ont tout fait pour impliquer des représentants de la population locale dans les instances décisionnelles, le temps semble être venu de poser les premiers jalons d’institutions véritablement démocratiques.

Le 19 avril, un projet de cadre institutionnel temporaire était présenté par un groupe d’experts mêlant fonctionnaires internationaux et représentants kosovars. Les réactions des kosovars albanais furent presque unanimement négatives, à la grande déception de la MINUK. Alors que les deux parties annonçaient avoir trouvé un accord à 99,9%, il est apparu que les 0,1% demeurés sans réponse posaient de graves problèmes. Tout d’abord, faut il parler de « cadre institutionnel » ou de « constitution temporaire » ? Le président du Kosovo sera-t-il élu ? Quel rôle devra jouer la Cour constitutionnelle ?...

Lors de la rédaction du document, les espérances de la population avaient été entretenues par les déclarations de membres de la MINUK, qui annonçaient vouloir rendre aux kosovars le contrôle sur les organes de décision. En fait, ce « cadre institutionnel » ne prévoit que la création d’organes locaux destinés à travailler en collaboration avec la MINUK, et la mise en place d’une instance chargée de négocier sur tous les problèmes futurs du Kosovo, y compris le statut final. Ces avancées modestes ont certainement déçues la population, qu’on avait préparé à un projet bien plus ambitieux.

Pire encore, aux yeux des kosovars, les organes locaux semblent ne disposer que d’un pouvoir formel : le représentant spécial gardant son pouvoir discrétionnaire de veto sur tout acte normatif. Les deux parties sont accusées de n’avoir pas cherché à créer un cadre viable, mais à s’assurer du maximum de pouvoir chacun. Un autre reproche revient de manière récurrente : les négociateurs se seraient plus attachés au respect de la résolution 1244 qu’au développement du bien-être, de la démocratie et de l’économie locale. Les critiques les plus virulents condamnent les futures institutions comme non-démocratiques. Le représentant spécial serait à la tête de tous les services et les organes du Kosovo, selon le document, et il est dit que le seul pouvoir dont il ne dispose pas serait celui de guide spirituel de toutes les confessions de la province (pouvoir dont il se passera sans doute volontiers…).

Quelles que puissent être les critiques de la partie kosovare, les Nations unies ne semblent pas disposées à changer de stratégie. Ainsi au paragraphe 40 de son rapport du 20 avril 2001 (S/2001/394, précité), le Secrétaire général aborde explicitement la question du mandat de la MINUK et des conditions de son retrait : «  Conformément à son mandat, la MINUK a commencé à transférer une autonomie et une autorité croissante au Kosovo, tout en évitant de prendre quelque mesure que ce soit qui pourrait préjuger quand au statut final. Pour cela, mon Représentant spécial devra conserver certains pouvoirs (…) ».

Il est certain que l’arrivée au pouvoir du président Kostunica à Belgrade, et le début de guérilla qui naît en Macédoine font du tort à la cause d’un Kosovo indépendant. Et si les combats devaient s’aggraver en Macédoine, peut-être verrons-nous l’UCK passer du statut de défenseur des albanais injustement agressés à celui de terroristes. D’Afghanistan au Kosovo, les démocraties choisissent tout de même parfois bien mal leurs alliés…

Le moment n’est donc certainement pas le plus propice pour entamer la discussion sur le statut final du Kosovo. Mais en l’espèce, il n’y a pas de choix à faire, ce sont les événements qui imposent la cadence. On serait tenté de dire que c’est aujourd’hui qu’au Kosovo, les choses sérieuses commencent.

Ainsi, tous semblent craindre que n’aient été plantées les germes d’une rivalité entre les kosovars et l’administration internationale : de tous les scénarios possibles, ce serait le pire.

 

(Sources : MINUK, Alternativna Informativna Mreža, sur www.aimpress.org).

 

Matthieu Monin

9 mai 2001

 

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